Le secteur de l'aéronautique et celui de l'alimentaire, quoique différents, ont des préoccupations similaires. Je commencerai par rappeler le périmètre de l'industrie agroalimentaire en citant dix chiffres clés : son chiffre d'affaires est de 156 milliards d'euros ; elle représente 500 000 emplois directs et un peu plus de 2 millions d'emplois indirects en incluant l'agriculture et la distribution ; elle compte 16 000 entreprises de toutes tailles et dans toutes les régions, d'où son importance pour l'aménagement du territoire ; elle réalise 43 milliards à l'exportation et 8 milliards d'excédent commercial ; la filière transforme 70 % de la production agricole française et consomme 80 % de produits français. J'ajoute que 530 entreprises ont élaboré, dans le cadre du contrat stratégique de filière, des projets de modernisation et d'innovation. Enfin, la filière regroupe vingt fédérations nationales sectorielles et 23 associations régionales des industries agroalimentaires.
Cinq mots-clés permettent de présenter les enjeux en matière de financement : innovation – ou, plutôt, créativité : dans un hypermarché, un produit sur deux est remplacé en l'espace de cinq années – ; modernisation des outils industriels ; exportation ; consolidation des entreprises et mutation, puisque le numérique est en train de révolutionner la distribution alimentaire et l'alimentaire lui-même. Dans ces différents domaines, le métier a besoin de financements de court terme pour les crédits de campagne – on fait une récolte par an, il faut donc financer une année de stock –, de moyen terme, pour la modernisation des entreprises, et de long terme, en vue d'investissements ou d'acquisitions, car mieux vaut être chasseur que chassé ; or, actuellement, chaque mois, une entreprise alimentaire française passe aux mains de capitaux étrangers.
Chef d'entreprise, j'anime également le contrat stratégique de filière et le plan industrie et je préside le Salon international de l'alimentation.
En ce qui concerne Bpifrance, je dirai, au risque de vous surprendre, qu'il s'agit d'un merveilleux aiguillon. Sa création n'avait pas été accueillie très chaleureusement, mais elle a aujourd'hui trouvé sa place. Lorsqu'OSÉO et le FSI cohabitaient, nous avions en effet quelques difficultés à savoir qui faisait quoi et à identifier les rôles respectifs de la banque publique et des banques privées. Nous avions du reste proposé la création d'un comité stratégique national réunissant les financeurs publics et privés autour des gros projets nécessitant d'importants investissements. C'est une proposition que je réitère, car elle traduit une véritable attente.
Quels sont les points forts de Bpifrance ? Premièrement, elle est très présente dans les territoires : en régions, l'indice de satisfaction est très élevé. Deuxièmement, elle réveille les banques privées lorsque celles-ci hésitent à accompagner une entreprise qui connaît des difficultés. Troisièmement, elle offre des outils adaptés au secteur.
Quels sont ses points faibles ? Tout d'abord, ses taux sont élevés au regard de ceux du marché – mais on m'a dit que cela s'améliorait, notamment dans certains secteurs. Ensuite, elle est moins présente auprès des sociétés fragiles : on a le sentiment que Bpifrance cible un peu les entreprises qu'elle finance. Or, l'agroalimentaire est un secteur où la rentabilité est faible et dont les besoins sont très spécifiques. Il ne faut pas l'oublier, car il y a de belles entreprises qui sont actuellement en difficulté alors qu'elles pourraient, grâce à des crédits de trésorerie, éviter ces trous d'air.
En conclusion, Bpifrance a su apaiser les inquiétudes nées de la disparition d'OSÉO : elle a réussi à se positionner dans l'accompagnement de l'innovation et celui des entreprises. C'est une belle performance, en très peu de temps !