Permettez-moi, avant de répondre à vos questions, d'évoquer rapidement l'action de Bpifrance en faveur de l'industrie, action qui a fait l'objet d'une note qui figurera pour la première fois dans le rapport annuel du CNI. En 2014, les financements accordés par Bpifrance au secteur de l'industrie ont atteint 5,1 milliards – 6,2 milliards si l'on inclut le numérique – soit 25 % et 31 % avec le numérique de l'ensemble des financements accordés par la banque publique. Le CNI se félicite que ces financements aient augmenté par rapport à l'année précédente, mais il déplore que la part de l'industrie ne soit pas plus importante.
Si l'on analyse leur répartition par type d'intervention, on observe que l'industrie capte 75 % (90 % si l'on inclut le numérique) des aides à l'innovation, mais qu'elle ne représente que 20 % (32 % avec le numérique) soit 344 millions d'euros, de l'activité d'investissement de Bpifrance, qui comprend les prises de participation directes de France investissement régions, ainsi que l'action des fonds de fonds et des fonds gérés directement par la banque publique. Or, le renforcement en fonds propres des PME industrielles est nécessaire à leur consolidation et à l'émergence d'ETI, dont on sait qu'elles ne sont pas assez nombreuses en France. Nous sommes bien conscients qu'il est difficile de convaincre ces entreprises, souvent familiales, de se rapprocher de certaines de leurs concurrentes, mais c'est un enjeu extrêmement important. Le CNI a ainsi demandé, dans son avis sur le financement, que les gestionnaires de fonds identifient les freins à lever pour favoriser ces investissements – le fonds Croissance rail et le FDEN, par exemple, n'ont réalisé qu'un seul investissement chacun en 2015.
Il convient néanmoins de nuancer cette appréciation, car les 344 millions que j'ai évoqués représentent le flux de 2014. Nous souhaiterions donc, d'une part, que Bpifrance améliore sa connaissance de la nature des entreprises dans lesquelles investissent les fonds de fonds – entreprises qui sont parfois difficilement identifiables, notamment lorsque les financements sont accordés à une holding – et, d'autre part, qu'elle nous fournisse les chiffres du stock, car on s'aperçoit, par exemple, que 240 des 360 entreprises dans lesquelles France investissements régions investit sont des entreprises industrielles.
La part de l'industrie dans l'activité de garantie de prêts bancaires – 1 milliard sur 5 milliards, soit 21 % – apparaît également faible. Or, la garantie de Bpifrance produit un effet de levier très important et permet aux PME industrielles d'obtenir des financements bancaires. Du reste, celles-ci regrettent que Bpifrance se montre un peu frileuse lorsqu'elles connaissent des difficultés conjoncturelles, même quand leurs fondamentaux sont bons. Les acteurs industriels sont satisfaits de la proximité et de la qualité de l'expertise de Bpifrance, mais ils attendent d'une banque publique qu'elle soit davantage à leurs côtés, notamment dans les moments difficiles, car il en va de la sauvegarde de l'activité et de l'emploi.
Enfin, la part de l'industrie dans les prêts à moyen et long terme, c'est-à-dire les prêts de développement et le cofinancement, est plus satisfaisante, puisqu'elle s'élève à 34 %, soit près de 2 milliards sur 6,5 milliards. Ces prêts sont un outil de financement particulièrement adapté aux projets industriels. Aussi le CNI est-il satisfait que le Premier ministre ait suivi sa recommandation, en annonçant au mois d'avril dernier que le montant de l'enveloppe consacrée aux prêts de développement serait porté à 8 milliards, sur la période 2015-2017.
J'ajoute, pour conclure sur ce point, que Bpifrance pourrait utilement développer pour l'ensemble de ses activités de financement l'approche filière retenue dans le cadre de l'action menée avec le CSF bois.
J'en viens maintenant aux réponses à vos questions, madame la présidente, monsieur le rapporteur.
Mme la présidente m'a interrogée sur le rôle des régions. Les CSF nationaux ne sont pas suffisamment articulés avec leurs homologues en régions. Si les secteurs de l'aéronautique, du bois et de l'alimentaire travaillent en filière, c'est moins le cas pour les autres secteurs. Nous allons donc favoriser cette articulation et, dans ce cadre, l'implication de Bpifrance sera particulièrement importante, car ses réseaux peuvent assurer un relais dans l'accès au financement des entreprises.
Monsieur le rapporteur, je partage votre avis, mais j'émettrai tout de même une petite réserve. Bien entendu, les priorités définies au plan national doivent pouvoir bénéficier de financements disponibles importants. C'est du reste la raison pour laquelle a été créé, à la suite du PIA 1, le comité Projets industriels d'avenir (PIAVE), dont Bpifrance est opérateur et qui est doté de 314 millions d'euros en financement et de 425 millions d'euros en apports de fonds propres dans des sociétés de projets. Y seront présentés les besoins de financement non seulement des solutions industrielles mais aussi des actions structurantes des filières – je siège moi-même au sein de ce comité en tant que personnalité qualifiée.
Mais l'industrie française ne se résume pas aux solutions de la Nouvelle France industrielle. Il est donc très important que Bpifrance continue d'offrir un continuum de financements à l'ensemble des PME industrielles du territoire. Une part importante de ces financements est consacrée à l'économie du vivant, au numérique, aux éco-industries, à l'alimentaire et au transport, mais il faut veiller à ce que Bpifrance soit aux côtés de l'ensemble des entreprises industrielles, notamment celles qui appartiennent au secteur de la mécanique.