Intervention de Christian Béchon

Réunion du 4 juin 2015 à 11h00
Mission d'information commune sur la banque publique d'investissement, bpifrance

Christian Béchon, président du LFB et membre du Comité stratégique de la filière santé :

L'entreprise que je dirige, par exemple, dont le chiffre d'affaires est de 500 millions, est désintermédiée, c'est-à-dire qu'elle est financée, du point de vue obligataire, non plus par les banques mais par le marché. Le seuil de désintermédiation a beaucoup baissé avec l'évolution de la réglementation applicable aux banques.

Par ailleurs, n'oublions pas que Bpifrance exerce le métier d'une banque, et qu'une banque sélectionne ses risques. Il est donc normal que vous ayez connaissance de dossiers sur lesquels l'entreprise et la banque ont un point de vue différent. Dans le domaine de la biotech, la gestion du risque par Bpifrance appelle deux commentaires. Tout d'abord, toutes les start-up du secteur sont financées par Bpifrance. Ensuite, l'action des fonds de fonds est très importante, car elle relance le capital-risque privé, qui avait disparu en France, de sorte qu'actuellement, les start-up biotech françaises sont davantage financées par la bourse que leurs homologues européennes. Mais, encore une fois, si l'on peut se féliciter que Bpifrance contribue à la réapparition du capital-risque, demandons-nous pourquoi il avait disparu. Aujourd'hui, l'inversion de la courbe des taux permet au système de fonctionner, mais que se passera-t-il s'ils remontent ?

Nous proposons, quant à nous, d'orienter vers l'industrie une petite partie de l'épargne de l'assurance-vie, y compris dans les fonds à taux fixe. Compte tenu du niveau des taux d'intérêt, ils gagneront peu ; il n'est pas illégitime de leur demander de prendre des risques. Nous craignons que la directive Solvabilité 2ne limite l'accès aux fonds des assureurs. Or, ce sont ces fonds qui ont prêté de la dette à ma société, par exemple.

Encore une fois, on peut vraiment se féliciter de l'action de Bpifrance. Bien entendu, monsieur le rapporteur, certaines entreprises auraient pu être davantage financées, mais, dans l'industrie de la santé en tout cas, il n'existe pas de problème systémique : nous n'avons pas connaissance d'entreprises dotées de très bons projets à qui l'on aurait opposé durablement un refus. Il n'y a donc pas de sélection adverse du risque.

En ce qui concerne le rôle des régions, chacune d'entre elles ne peut pas avoir sa grande entreprise. Il faut que nous nous concentrions sur nos points forts en mettant fin au saupoudrage, qui est une particularité française. À cet égard, les pôles de compétitivité illustrent très bien la manière dont on « tartine » la dépense publique dans de nombreux secteurs et de nombreuses régions, afin que chacune ait ses start-up, ses ETI et sa grande entreprise. Il ne s'agit pas de se focaliser sur quelques secteurs en excluant les autres, mais la modification de l'équilibre actuel n'est pas une priorité. D'autant que les régions ont les possibilités juridiques et les moyens financiers d'agir. Laissons donc à l'initiative entrepreneuriale publique le choix des secteurs où elle entend intervenir. Prenons l'exemple du secteur de la santé. Il existe deux ou trois grandes usines de vaccins en France : chaque région ne peut pas avoir la sienne. Plutôt que se focaliser sur les orientations régionales, mieux vaut, me semble-t-il, encourager le développement de champions nationaux, grâce à une certaine concentration. Mais il est vrai qu'en France, nous avons des difficultés dans ce domaine, pour de nombreuses raisons, notamment culturelles – ce n'est la faute ni de Bpifrance ni de l'État.

Enfin, madame la présidente, comment une entreprise passe-t-elle du stade de la PME à celui de l'ETI ? Nous avons, en la matière, une difficulté majeure, car tous les dispositifs que nous avons évoqués ne sont pas prévus pour lever entre 10 et 100 millions d'euros. Lorsqu'une entreprise de biotech ou de medtech a besoin de telles sommes, elle part aux États-Unis et devient de fait en partie américaine, car une société a aussi la nationalité de ses actionnaires. Or, ceux-ci demandent des comptes en fonction de leur propre vision du monde et non de la nôtre. C'est pourquoi, si j'avais une seule proposition à vous soumettre, ce serait celle d'orienter l'épargne de l'assurance-vie vers ce segment spécifique, pour empêcher le départ de nos entreprises. Car tous les efforts consentis par le contribuable, à travers Bpifrance, pour amener l'entreprise jusqu'à ce stade sont réduits à néant si, ensuite, elle n'a pas d'autre solution que de partir.

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