Monsieur le ministre, vous avez souligné à juste titre le retard avec lequel, pour au moins deux d'entre elles, nous transposons ces directives dans le droit français. Comme vous l'avez rappelé, cet état de fait est dû à la négligence coupable du précédent gouvernement, qui n'a pas pris les dispositions pour les transposer ou, lorsqu'il l'a fait, n'a pas été en capacité de mener le processus jusqu'à son terme. En effet, il a recouru par deux fois à de simples amendements, ce qui a été censuré par le Conseil constitutionnel.
Quoi qu'il en soit, cette situation est préjudiciable, et cela à double titre : d'une part, nous sommes sous la menace d'une sanction de la Commission européenne et, d'autre part, la transposition a eu lieu dans d'autres pays, avec comme conséquence que certaines entreprises étrangères ont pris de l'avance par rapport aux nôtres et peuvent ainsi nous concurrencer.
J'aurais souhaité, pour accélérer la procédure, que l'Assemblée soit en mesure de voter conforme le texte transmis par le Sénat. Or la qualité rédactionnelle, non seulement sur la forme, mais aussi pour des problèmes de références, ne nous a pas permis de le faire. J'ai donc déposé un certain nombre d'amendements qui, je le crois, rendent ce projet à la fois plus lisible et plus précis. Le Sénat ayant lui-même veillé à libérer son ordre du jour (Sourires), il aura le temps d'examiner ce texte en deuxième lecture.
Les dispositions introduites par le présent projet de loi risquent d'avoir une durée de vie limitée : tant en matière de monnaie électronique que dans le domaine de la supervision bancaire, de nouveaux textes communautaires pourraient être proposés prochainement.
S'agissant de la monnaie électronique, la directive de 2009 reprend très largement les dispositions applicables aux établissements de paiement, lesquels ont été créés lors de la transposition de la directive de 2007 sur les services de paiement. Or il est probable que, compte tenu de leurs similitudes, les statuts des établissements de paiement et ceux des établissements de monnaie électronique seront fusionnés. Le sujet a d'ailleurs déjà été évoqué au niveau européen. Nul doute que la Commission y reviendra, d'autant plus que des réflexions, notamment à travers un Livre vert, sont en cours sur les paiements par carte, par internet et par téléphone mobile.
Il en va de même pour le système européen de supervision qui est, depuis 2008, en mutation quasi permanente. Le prochain Conseil européen sera d'ailleurs consacré à ce sujet. Il est donc probable que les dispositions que nous intégrons seront appelées à évoluer, ce qui ne signifie pas, évidemment, qu'il fallait attendre pour les prendre !
Je dirai quelques mots sur la monnaie électronique. Il s'agit d'un mode de paiement stocké sous une forme électronique et qui doit être chargé au préalable. Le support peut être une carte prépayée, par exemple un porte-monnaie électronique, sur le modèle de Moneo en France, ou encore des cartes cadeaux ; il peut aussi s'agir d'un compte de paiement en ligne, que ce soit avec un serveur, comme dans le cas de Paypal, ou un téléphone mobile. Le paiement par mobile est d'ailleurs, il faut le souligner, en pleine expansion et connaît un grand succès dans certains pays.
Or à ce jour – vous l'avez dit, monsieur le ministre – la monnaie électronique n'a pas connu le succès escompté. L'objet de la directive est précisément d'assouplir le cadre juridique existant pour permettre l'essor de ce type de mode de paiement. Le présent projet de loi vient donc modifier en profondeur le cadre juridique en matière de monnaie électronique, dont il donne d'ailleurs une nouvelle définition. Il soustrait son émission au monopole bancaire en créant une nouvelle catégorie d'établissement : l'établissement de monnaie électronique. Il allège par ailleurs le régime prudentiel fixé pour les établissements en fixant le capital initial minimal à 350 000 euros, soit près de trois fois moins qu'auparavant.
Il donne un rôle central à l'Autorité de contrôle prudentiel pour l'attribution d'un agrément aux établissements, ainsi que pour l'octroi de dérogations. Il complète le dispositif de lutte anti-blanchiment. En effet, jusqu'à un certain seuil, la monnaie électronique offre l'anonymat à ses détenteurs, ce qui fait peser de réels risques de blanchiment d'argent. Il renforce la protection des consommateurs, notamment en matière de remboursement de la monnaie électronique.
Le remboursement de la monnaie électronique non utilisée, une fois le contrat arrivé à son terme, devra intervenir sans le moindre frais au cours de l'année suivant la fin du contrat. Au-delà, et dans le cadre de la prescription trentenaire, le remboursement pourra être demandé, avec toutefois l'application de frais qui devront être proportionnés. J'ajoute, car la question nous a été posée, que dans la mesure où il s'agit de petites sommes, il n'est pas, à mon avis, souhaitable de prévoir un régime dérogatoire pour le remboursement. Le régime prévu se fonde sur la possession pendant trente ans des sommes en question par l'institution émettrice. Il est clair que, compte tenu notamment des frais de remboursement qui peuvent être demandés, ce délai est assez théorique. En réalité, les comptes seront asséchés assez rapidement.
J'évoquerai enfin le cas particulier des titres spéciaux de paiement dématérialisés, qui sont placés hors du champ de la directive de 2009. Il s'agit, par exemple, des tickets restaurant ou des chèques emploi service, qui font l'objet de dispositions législatives et réglementaires spécifiques, notamment en matière de prélèvements fiscaux et sociaux. Vous savez, monsieur le ministre, que cette question agite beaucoup les acteurs du secteur. En effet, un certain nombre de propositions ont été faites pour dématérialiser les tickets restaurant. Je le dis clairement ici, comme je l'ai déclaré aux professionnels : cette question n'entre pas dans le champ de la directive. Vous aurez probablement l'occasion de la traiter, notamment à travers la future loi sur la consommation. Nous pourrons d'ailleurs en parler si vous le souhaitez car j'ai rassemblé un certain nombre d'informations sur ce sujet.
Ces titres, disais-je, peuvent faire l'objet d'une dématérialisation. Tel est déjà le cas pour le CESU et plusieurs projets sont à l'étude, notamment pour les titres restaurant dont je viens de parler. Du fait de leur statut spécifique, le projet de loi soustrait ces titres spéciaux aux dispositions prévues pour la monnaie électronique et ses émetteurs. Il semble toutefois que ce sujet suscite des inquiétudes, notamment s'agissant de la liste des titres concernés, qui doit être définie par arrêté.
La dérogation qui est prévue dans la directive et que nous introduisons par ce texte dans le droit français devra en effet être précisée par arrêté. Sur ce point, monsieur le ministre, je veux vous interpeller directement, car des interrogations se sont fait jour, par exemple sur les chèques cadeaux distribués par les comités d'entreprise. Il me semble – ce n'est là que ma position personnelle – qu'ils devraient faire partie du système dérogatoire. Je voudrais savoir si c'est aussi votre sentiment.
Le titre II du projet de loi procède à la transposition de la directive dite Omnibus I, laquelle adapte onze autres directives sectorielles à la nouvelle architecture de supervision européenne mise en place fin 2010. Je rappelle brièvement que le système européen de supervision financière a été créé suite au rapport de Jacques de Larosière, ancien gouverneur de la Banque de France et ancien directeur général du FMI, afin de répondre aux insuffisances de la supervision révélées par la crise économique et financière de 2008, que nous continuons de subir.
À cet effet, quatre institutions ont vu le jour. Trois sont des autorités de surveillance sectorielle : l'Autorité bancaire européenne l'Autorité européenne des assurances et des pensions professionnelles et l'Autorité européenne des marchés financiers. Elles sont regroupées au sein d'une quatrième institution de supervision macro-prudentielle : le Comité européen du risque systémique.
Le principal enjeu de la transposition est de créer, en droit interne, une base juridique permettant la coopération et l'échange d'informations entre nos autorités de surveillance et les quatre institutions européennes précitées. Ce sont là, pour l'essentiel, des mesures techniques qui ne posent pas de difficulté ; elles seront sans doute appelées à évoluer en fonction du développement du projet d'union bancaire.
La troisième partie du présent projet de loi vise à assurer la transposition du volet public de la directive du 16 février 2011 concernant la lutte contre le retard de paiement dans les transactions commerciales. Sur ce plan, l'État français a rencontré certaines difficultés qui permettent d'expliquer les retards. Il semblerait qu'elles soient en passe d'être surmontées et que la gestion du système de paiement à travers le progiciel Chorus donne aujourd'hui satisfaction. Le système permet même, si j'ai bien compris, d'intégrer automatiquement les pénalités en cas de retard. Nous sommes donc exemplaires dans ce domaine. S'agissant des collectivités territoriales, il existe aussi un certain retard, imputable aux grosses collectivités et aux hôpitaux. Comme on le sait, les délais de paiement pèsent lourdement sur les entreprises, en particulier les PME, notamment en période de crise.
Cette situation ne peut perdurer et il convient d'imposer des mesures dissuasives pour que les personnes publiques paient en temps et en heure. Tel est notamment l'objet de la directive que nous transposons. Si certaines dispositions relatives aux délais de paiement existent déjà en droit interne, d'autres points restent à transposer. Ainsi, il convient d'harmoniser le délai de paiement de trente jours à l'ensemble des pouvoirs adjudicateurs. En outre, la France doit intégrer les sanctions prévues par la directive, en l'occurrence la majoration des taux d'intérêt, ainsi que la mise en place d'une indemnité forfaitaire de quarante euros à titre de compensation des frais de recouvrement supportés par le créancier. Un décret complétera ce dispositif et l'ensemble de ces mesures entrera en vigueur pour les nouveaux contrats conclus au 16 mars 2013, date limite de transposition de la directive.
Au final, ces mesures devront conduire les personnes publiques à respecter les délais de paiement, puisque la transposition de la directive devrait entraîner le paiement par les personnes publiques de plus de 150 millions d'euros d'intérêts moratoires et de 33 millions d'euros d'indemnités forfaitaires.
Je vous propose donc, mes chers collègues, de voter en faveur du présent projet de loi, tel qu'adopté par la commission des finances. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)