Intervention de Danielle Auroi

Séance en hémicycle du 12 décembre 2012 à 15h00
Adaptation de la législation au droit de l'union européenne en matière économique et financière — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDanielle Auroi, présidente de la commission des affaires européennes :

Madame la présidente, monsieur le ministre délégué, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, il nous est proposé de transposer en droit interne – avec retard, comme on l'a déjà souligné – trois directives européennes. Étant donné le titre de l'une d'entre elles – « Omnibus I » –, un tel retard pourrait d'ailleurs prêter à rire s'il ne s'agissait pas de la surveillance des banques, c'est-à-dire d'un sujet très sérieux.

Je compléterai mon intervention dans le débat précédent celui-ci en insistant sur cette question. Le président Van Rompuy, que nous avons rencontré la semaine dernière, a dit que, dans le rapport qu'il va présenter au Conseil, il préconise une feuille de route ambitieuse à ce sujet. M. Jacques Delors, que nous avons auditionné ce matin, a rappelé pour sa part qu'il était indispensable de conforter largement l'union économique et monétaire. Souhaitons donc que les derniers événements politiques en Italie ne viennent pas trop bousculer un ordre du jour déjà chargé et qu'il sera possible d'avancer de manière décisive sur cette question. En effet, la surveillance bancaire est une priorité majeure pour un développement durable de nos économies.

Il faut souligner que la régulation et le contrôle du secteur bancaire ont connu des développements très importants depuis six mois. Lors du sommet de la zone euro de juin dernier, les chefs d'État et de gouvernement ont pris des engagements en ce sens qui se sont traduits par la présentation par la Commission européenne du projet de mécanisme de surveillance unique. Pour la France, ce renforcement de la surveillance bancaire est indissociable de deux autres volets essentiels de l'union bancaire : les mécanismes de résolution des crises et la mise en place d'un système européen de garantie. Il s'agit en particulier de rompre le cercle vicieux entre crise bancaire et endettement public. Faut-il, à cet égard, rappeler ce qui se passe en Grèce en ce moment et les conséquences dramatiques pour les populations en matière de santé, d'éducation ou de chômage ?

Pourquoi renforcer la surveillance européenne des banques, alors qu'une agence européenne ad hoc, l'Autorité bancaire européenne, a été créée il y a à peine plus de deux ans et que la transposition des mesures nécessaires à son bon fonctionnement n'est pas encore achevée ? Ne va-t-on pas, une fois encore, multiplier les outils ?

Dans le système actuel, bien que les activités des banques soient de plus en plus transfrontalières, leur surveillance reste une prérogative nationale. Or, dans le même temps, avec la monnaie unique et leur étroite intégration financière, les pays de la zone euro sont particulièrement exposés à des risques de contagion des crises bancaires internes.

Dès lors, une intégration plus poussée de la surveillance à l'échelle européenne s'impose, pour éviter ces crises, rétablir la confiance et protéger l'épargne. La Commission européenne a formulé une série de propositions dans ce sens. Comme la France, elle a estimé que la surveillance devait s'appliquer à la totalité des 6 300 banques de la zone euro, étant donné que des banques petites ou moyennes peuvent parfois, elles aussi, être à l'origine de problèmes systémiques. Une autre idée de départ était de mettre en oeuvre le dispositif en trois temps, entre le 1er janvier 2013 et le 1er janvier 2014. Je suppose, monsieur le ministre, que vous aurez des précisions sur ce point à l'issue du Conseil.

Sur ce sujet, qui requiert l'unanimité du Conseil européen, la proposition de la Commission européenne a toutefois suscité d'importantes réserves chez certains de nos partenaires : je les souligne, afin que vous puissiez me répondre.

L'Allemagne a d'emblée plaidé en faveur d'une mise en oeuvre moins rapide du dispositif, car elle n'est toujours pas décidée à y inclure l'ensemble des banques européennes : elle joue là, selon moi, la politique de l'escargot. Le Royaume-Uni, quant à lui, veut le beurre et l'argent du beurre : avec d'autres États membres extérieurs à la zone euro, il exige d'être pleinement associé aux décisions de la BCE en matière de surveillance bancaire.

De son côté, si le Parlement européen a adopté les propositions de règlement à une large majorité dès le 29 mars 2012, il les a cependant amendées de façon substantielle. Il a d'abord renforcé le contrôle parlementaire sur les décisions prises par la BCE, en demandant notamment que la nomination du président – ou de la présidente – du comité de surveillance soit approuvée par le Parlement européen. Par ailleurs, il a souhaité que, au sein du comité de supervision, les pays extérieurs à la zone euro, désireux de participer au dispositif, jouissent des mêmes droits de vote que les pays de la zone euro. Enfin, il a voulu conforter le rôle de l'Autorité bancaire européenne.

Le vote en séance plénière, suspendu à un accord entre les colégislateurs, risque malheureusement d'être repoussé, le conseil Ecofin, du 4 décembre n'étant pas parvenu à trouver un accord politique.

M. Van Rompuy, lorsque nous l'avons rencontré la semaine dernière à Bruxelles, s'est pourtant montré assez confiant quant aux possibles avancées du prochain Conseil sur ce sujet. J'espère, monsieur le ministre, que vous allez nous conforter dans cette analyse. Pensez-vous vraiment que cet optimisme soit toujours de mise ?

Ce mécanisme de surveillance unique devrait être un rempart solide contre les tsunamis spéculatifs et un complément indispensable à l'édification d'un gouvernement économique européen, que Jacques Delors a appelé de ses voeux ce matin.

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