Madame la présidente, mes chers collègues, la présente communication vise à étudier deux projets de règlement déposés par la Commission européenne le 1er avril 2014, le premier tendant à la refonte du code communautaire des visas, qui soulève certaines difficultés, et le second visant à la création d'un nouveau « visa d'itinérance », auquel les États membres sont opposés.
En préambule, je souhaite souligner que la réalisation de l'espace Schengen constitue un acquis majeur de l'Union européenne mais cet espace est aujourd'hui soumis à des tensions importantes, tant en matière d'immigration irrégulière qu'en matière de terrorisme. Les questions relatives aux migrations sont traitées par nos collègues Marietta Karamanli et Charles de La Verpillière, qui ont présenté des rapports et communications sur ce sujet récemment.
En ce qui concerne la lutte contre le terrorisme, il convient de souligner brièvement les dernières évolutions relatives aux contrôles aux frontières extérieures de l'espace Schengen. Suite aux attentats de Paris, dans la déclaration de Riga, faisant suite au Conseil Justice et affaires intérieures informel des 29 et 30 janvier, les ministres de l'intérieur de l'Union ont rappelé la nécessité de faire un plein usage du code frontières Schengen afin de renforcer, en se fondant sur le droit actuel, les contrôles aux frontières extérieures de l'espace Schengen et de procéder à des contrôles systématiques ciblés de certaines catégories de personnes jouissant du droit à la libre circulation, en se fondant sur des critères d'évaluation des risques communs à tous les États membres. Un amendement ciblé du code frontières Schengen est également souhaité, dans un second temps, afin de pouvoir procéder à des contrôles systématiques pour toutes les personnes jouissant du droit à la libre circulation. La déclaration du Conseil européen du 12 février a réaffirmé ces deux objectifs.
Je tiens à faire remarquer en écho à cette décision qu'aucun des attentats terroristes ayant eu lieu au cours des dernières années en Europe n'a – à ma connaissance – été perpétré par des étrangers qui venaient d'acquérir un visa européen, mais toujours par des individus résidant dans l'Union européenne. Évidemment, je comprends que l'on se prémunisse de ce risque supplémentaire afin de ne pas être accusés de négligence, mais je tenais à rappeler que le danger se trouve plus chez nous qu'à l'extérieur de nos frontières.
À l'heure actuelle, la définition des critères de contrôle est en voie de finalisation et les contrôles systématiques ciblés devraient être prochainement mis en oeuvre.
Nos collègues Marietta Karamanli et Charles de La Verpillière, co-rapporteurs sur le programme européen de sécurité traiteront de ces questions plus longuement lors de leur prochaine communication à ce sujet.
La révision du code communautaire des visas, dont l'objectif général est positif, suscite toutefois de sérieuses réserves.
Entre 2009 et 2012, la demande de visas Schengen a progressé de 48 %, avec une hausse annuelle se situant autour de 15 %. La France est le premier État de délivrance des visas de court séjour, avec 2,3 millions de visas délivrés en 2013.
D'une manière générale, les procédures d'examen des demandes et de délivrance des visas doivent permettre de gérer une demande croissante, tout en maintenant un bon niveau de service aux demandeurs et en assurant la qualité des contrôles et la sécurité.
La proposition déposée par la Commission européenne de refonte du code communautaire des visas vise essentiellement à assouplir et harmoniser davantage les procédures existantes. Cette proposition est orientée vers l'objectif de stimuler l'attractivité de l'Union et la croissance. Le demandeur de visa doit avant tout être considéré comme un touriste qui participe à l'activité européenne.
Le contexte a, depuis les attentats de Paris et de Copenhague, été brutalement modifié et la question majeure de l'équilibre entre facilitation des démarches et préservation de la sécurité apparait aujourd'hui au premier plan des discussions au niveau du Conseil. Je maintiens que, à mon sens, la plus grande partie du problème ne se trouve probablement pas là.
Plusieurs dispositions tendant à des assouplissements procéduraux seraient proposées et vont dans le bon sens, que vous trouverez en détail dans la communication : simplification des démarches, notamment pour les voyageurs déjà connus, généralisation du recours aux prestataires extérieurs, démarches par internet, élargissement des délais de dépôt. Aujourd'hui, dans beaucoup d'États, ce n'est pas le consulat général qui est en charge de l'accueil et de la constitution du dossier mais des prestataires extérieurs, même si c'est évidemment toujours le consulat qui est en charge de la vérification des pièces.
Le délai de traitement des demandes serait ramené de 15 à 10 jours. En revanche, dans certains cas exceptionnels, la possibilité de prorogation du délai jusqu'à 60 jours serait supprimée. Les États membres soulignent dans leur très grande majorité que ces délais raccourcis seraient complexes à atteindre à certaines périodes. Par ailleurs, la suppression de la possibilité exceptionnelle d'extension du délai à 60 jours pourrait in fine être préjudiciable aux demandeurs.
Le projet comprend plusieurs dispositions auxquelles les États membres sont opposés. L'obligation, pour les demandeurs, de justifier d'une assurance médicale de voyage obligatoire, couvrant les éventuels frais de rapatriement et les frais médicaux et d'hospitalisation d'urgence, serait supprimée, la Commission européenne jugeant le dispositif trop complexe pour être efficace.
La Commission européenne souhaite également faciliter les déplacements des parents proches de citoyens de l'Union qui vivent dans leur État membre nationalité ou vivent dans un pays tiers, ces parents proches n'étant pas couverts par le champ d'application de la directive relative à la libre circulation qui s'applique aux membres de la famille d'un citoyen d'un État membre de l'Union qui exerce son droit à la libre circulation dans un autre État membre.
Les parents proches seraient entendus au sens large : le conjoint, les enfants, les parents, les personnes exerçant l'autorité parentale, les grands-parents et les petits-enfants. Du point de vue des autorités françaises, cette nouvelle définition de parents proches, qui serait propre à ce règlement, est trop large.
La Commission européenne juge que la délivrance de visas à entrées multiples demeure trop rare. Elle propose donc que, pour les voyageurs réguliers (personne définie comme ayant obtenu deux visas aux cours des douze mois précédents) déjà enregistrés dans le VIS, un visa à entrées multiples d'une durée de validité d'au moins trois ans soit automatiquement octroyé à la troisième demande de visa au cours de la même année, si le demandeur a respecté les conditions de ses deux premiers visas. Un visa à entrées multiples de cinq ans serait octroyé à l'issue de l'utilisation légale d'un premier visa à entrées multiples de trois ans.
Les États membres, dont la France, sont très opposés à tout principe d'automaticité faisant perdre toute possibilité d'appréciation dans la délivrance des visas. La délivrance de visas à entrées multiples d'une durée cumulée de huit ans, après usage légal de deux visas, sur simple présentation de la preuve de l'objet du voyage, n'est pas suffisamment encadrée.
Les conditions régissant l'instauration d'une obligation de visa de transit aéroportuaire, seraient durcies pour les États membres. La proposition prévoit une notification justifiée (et non une notification comme aujourd'hui) à la Commission européenne. La Commission européenne pourrait ensuite émettre un avis. Par ailleurs, la mesure prise par un État membre d'imposer un visa de transit aéroportuaire ne pourrait excéder douze mois (la mesure ne pourrait être renouvelée qu'une fois). Plusieurs États membres, dont la France, ne sont pas favorables à ces encadrements supplémentaires.
Les dispositions relatives à l'État membre compétent pour examiner une demande de visa seraient modifiées, notamment dans la situation dans laquelle l'État membre compétent pour examiner la demande de visa n'est ni présent ni représenté dans un pays tiers. Cela peut arriver : si le réseau diplomatique de la France est particulièrement important, ce n'est pas le cas de tous les États membres de l'espace Schengen, qui ne sont pas forcément présents dans tous les pays tiers. La Commission européenne souhaite que, dans le cas où l'État membre en principe compétent pour examiner la demande n'est ni présent ni représenté dans le pays tiers du demandeur, ce dernier ait le droit d'introduire sa demande auprès du consulat de tout autre État membre présent si nécessaire.
Toutefois, la grande majorité des États membres, dont la France, souhaitent qu'un accord de représentation entre États membres continuer à être requis afin qu'un ressortissant de pays tiers puisse demander un visa auprès de la représentation d'un autre État membre que celui de destination. Si un citoyen d'un État tiers souhaite aller au Portugal et que le Portugal n'est ni présent ni représenté dans le pays tiers, il importe en effet qu'il s'adresse au consulat d'un pays de l'espace Schengen qui ait un accord avec le Portugal, et pas à n'importe quel pays de l'espace Schengen.
S'agissant de la possibilité de délivrer des visas à la frontière (130 000 visas délivrés chaque année selon cette procédure), la proposition vise à développer la délivrance de ce type de visas pour promouvoir le tourisme. Le visa serait valable pour une durée de 15 jours. Ce nouveau régime serait facultatif pour les États membres, qui ne pourraient le mettre en oeuvre que pendant une durée limitée à cinq mois par an. Le visa ne serait valable que dans l'État de délivrance. La majorité des États membres, dont la France, est opposée à la modification du régime des visas à la frontière car cette procédure devrait demeurer exceptionnelle. L'impact sur la sécurité a été souligné lors des négociations au Conseil car cette procédure n'implique pas les mêmes vérifications.