Intervention de Didier Quentin

Réunion du 24 juin 2015 à 16h30
Commission des affaires européennes

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDidier Quentin :

Le second projet de règlement vise à la création d'un visa dit d'itinérance, qui ne nous apparaît pas indispensable.

Selon la Commission européenne, il serait nécessaire de combler un vide juridique pour les chercheurs, étudiants, touristes et artistes qui souhaitent séjourner plus de 90 jours dans l'espace Schengen sur une période de 180 jours, dans plusieurs États membres différents, sans toutefois demeurer plus de 90 jours dans un État membre. Elle propose la création d'un visa d'itinérance valable un an dans tout l'espace Schengen (validité renouvelable un an), avec une durée de séjour limitée à 90 jours par État membre, ce qui permettrait, selon ses estimations, d'attirer 100.000 à 120.000 personnes par an et présenterait un intérêt économique certain.

Pour les séjours supérieurs à trois mois, les ressortissants de pays tiers doivent déposer une demande de titre de séjour ou de visa national de long séjour.

La Commission européenne souligne avoir reçu de nombreuses plaintes liées à la limite de 90 jours, compte tenu notamment du fait que l'espace Schengen s'est considérablement élargi au fil du temps et compte aujourd'hui 26 États membres.

Les personnes ne peuvent demander de visa Schengen si elles souhaitent demeurer plus de 90 jours dans l'espace Schengen mais ne peuvent pas non plus demander de visa long séjour national car elles ne souhaitent pas non plus demeurer plus de 90 jours dans un seul État membre. Les associations d'artistes du spectacle vivant sont notamment confrontées à ce problème lorsqu'elles se produisent au cours de tournées en Europe.

La Commission européenne souligne qu'à l'heure actuelle, les États membres utilisent des moyens détournés pour permettre à certaines personnes de dépasser la limite autorisée de 90 jours sur une période de 180 jours dans l'espace Schengen, tels que les visas à validité territoriale limitée (sur le territoire d'un État membre), qui ne devraient en principe être délivrés que dans des circonstances exceptionnelles.

Les demandeurs du visa d'itinérance devraient justifier de moyens de subsistance suffisants et qu'ils se trouvent dans une situation économique stable au moyen de fiches de salaire ou de relevés bancaires couvrant les douze mois précédents et qu'ils acquerront les moyens de subsistance légalement pour la période de validité du visa.

En cas de demande de prolongation du visa d'itinérance, le demandeur devrait prouver qu'il continue de satisfaire aux conditions requises et s'engager à ne pas séjourner plus de 90 jours sur une période de 180 jours dans un État membre.

Les autorités françaises et la très grande majorité des États membres sont très réservées sur le principe même du projet et son utilité n'apparait pas clairement démontrée. Les chiffres avancés par la Commission européenne sont jugés peu convaincants.

Par ailleurs, les États membres ont, par le passé, conclu des accords bilatéraux avec certains pays tiers permettant à leurs ressortissants de prolonger, au-delà des trois mois au titre du visa uniforme Schengen, un séjour exempté de visa sur le seul territoire de l'État membre partie à l'accord. Ainsi, les États-Unis, le Canada, le Japon, la Corée du Sud et la Nouvelle-Zélande ont signé des accords bilatéraux avec plusieurs États européens et leurs ressortissants peuvent donc « enchaîner » les séjours dans plusieurs États membres, sans visa national. À titre d'exemple, la Nouvelle-Zélande a ainsi conclu 16 accords bilatéraux d'exemption de visa avec différents États membres.

La Commission européenne souligne que le fait que la durée de séjour autorisée repose, pour certains ressortissants de pays tiers, sur des accords passés antérieurement à la construction de l'espace Schengen, est incompatible, non seulement avec l'esprit de l'espace Schengen, mais également avec les traités et la politique commune des visas.

La Commission européenne propose donc une période transitoire de cinq ans pendant laquelle il appartiendra aux États membres d'éliminer les effets de leurs accords bilatéraux s'agissant de la durée totale de séjour dans l'espace Schengen. Cette question ne sera pas neutre pour lesdits ressortissants, qui passeraient alors d'un régime d'exemption de visa avec certains États membres à un régime de visa européen payant.

Les États membres se sont également interrogés sur les possibilités concrètes de surveiller la durée de séjour dans chaque État membre et les risques de détournement de ce visa. Cette proposition semble donc animée par de bonnes intentions, mais sa mise en oeuvre nous paraît donc très complexe.

Selon nous, si un texte devait être adopté en vue de permettre la création d'un visa d'itinérance, il conviendrait alors de restreindre autant que nécessaire les catégories concernées à celles pour lesquelles un réel besoin a été identifié, c'est-à-dire les artistes du spectacle vivant et sportifs, sous réserve de l'établissement d'un calendrier précis de vérifications appropriées, les contrôles aux frontières intérieures de l'Union étant impossibles. Ce n'est pas un non catégorique.

En conclusion, il convient de souligner que les États membres devraient, au cours du Conseil JAI d'octobre 2015, décider d'une orientation politique afin de fixer si les négociations doivent se poursuivre s'agissant du projet de visa d'itinérance et à quelles conditions elles peuvent se poursuivre pour ce qui concerne la refonte du code des visas.

Il est proposé à la commission de rejeter la proposition de règlement portant création du visa d'itinérance du fait de son caractère trop large.

Il est également proposé d'approuver sous les réserves précédemment mentionnées la proposition de règlement tendant à la refonte du code des visas. Les réserves que nous tenons à rappeler portent sur les points suivants : la suppression de l'obligation de disposer d'une assurance médicale de voyage, l'automaticité de la délivrance de visas à entrées multiples, les conditions de représentation des États membres dans un pays tiers ainsi que la création d'une nouvelle procédure de délivrance d'un visa à la frontière.

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