Intervention de Christophe Caresche

Réunion du 24 juin 2015 à 16h30
Commission des affaires européennes

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaChristophe Caresche, co-rapporteur :

De manière traditionnelle à cette époque de l'année, on présente une communication sur les propositions de recommandations de la Commission européenne sur les programmes de stabilité et de réforme qui ont été présentés par la France.

Ces recommandations clôturent le semestre européen, processus de discussion entre le gouvernement et la Commission européenne qui est assez long et donne lieu à plusieurs aller et retours. Un des objectifs que nous avons est d'arriver à formaliser davantage l'expression de l'Assemblée nationale sur ces questions. Donc, à l'automne, on fera à partir du rapport des cinq présidents sur l'approfondissement de l'Union économique et monétaire des propositions sur la gouvernance de la zone euro ainsi que sur le rôle de l'Assemblée nationale dans le cadre du semestre européen.

Les propositions de recommandations la Commission européenne, qui ont reçu un avis favorable du Conseil Ecofin le 17 juin 2015, devraient être approuvées par les chefs d'État et de gouvernement lors du Conseil européen des 25 et 26 juin, avant d'être formellement validées par le Conseil au mois de juillet.

Ces propositions de recommandations pays concernent la zone euro ainsi que chaque État.

Devant le constat des difficultés de mise en oeuvre des recommandations pays – seules 55 % d'entre elles ont été suivies d'effets en 2014 – la Commission européenne entend favoriser la simplicité et la transparence dans la mise en oeuvre du semestre européen, afin de favoriser l'appropriation de ces recommandations par les acteurs nationaux. Telle était d'ailleurs la tonalité du discours du commissaire européen chargé des Affaires économique et financières, de la fiscalité et des douanes, M. Pierre Moscovici, lors de son audition par les commissions des Affaires européennes, des Finances et des Affaires étrangères.

La Commission européenne entend ainsi permettre des discussions approfondies avec les États membres et les partenaires sociaux et mettre en place un processus associant davantage les acteurs concernés au niveau politique et technique en vue de débattre des recommandations antérieures et futures. La Commission tire ainsi les premières leçons de la mise en oeuvre du semestre européen et cherche à accroître l'appropriation de ces recommandations par les acteurs nationaux. On ne peut qu'être d'accord avec cette orientation qu'on avait souhaitée. Lors de son audition, le commissaire chargé des affaires économiques et monétaires a bien montré que la Commission entendait tenir davantage compte des spécificités de chaque pays et se situer dans un véritable dialogue avec les pays et non dans un rapport hiérarchique comme cela a pu être le cas dans le passé, ce que nous avions alors dénoncé. Son approche est bien différente de celle de la précédente Commission.

Les propositions de recommandations pays se concentrent sur quatre axes : promouvoir l'investissement, poursuivre les réformes structurelles, mener des politiques budgétaires responsables et améliorer la politique de l'emploi et la protection sociale. Là aussi, la tonalité est différente, davantage marquée par la volonté de s'orienter vers des problématiques de croissance et d'investissement.

Les propositions de recommandations propres à la zone euro sont de quatre ordres : promouvoir les réformes structurelles destinées à favoriser la résorption de l'endettement et à soutenir l'investissement, mieux coordonner les politiques budgétaires en tenant davantage compte de la conjoncture, finaliser l'union bancaire avec notamment le développement du financement par les marchés, ce qui est un point très important, puisque les banques vont être soumises à des contraintes prudentielles croissantes qui feront qu'elles auront de plus en plus de mal à assurer leur fonction de financement des entreprises qui devront alors se tourner davantage vers les marchés financiers. Enfin, il s'agit d'approfondir l'Union économique et monétaire, sur la base des propositions formulées dans le rapport des cinq présidents.

Pour ce qui concerne le suivi des politiques budgétaires, et plus particulièrement les procédures pour déficit excessif accompagnant la présentation de ses propositions de recommandations par pays, la Commission européenne recommande que le Conseil mette fin à la procédure de déficit excessif pour deux États membres, Malte et la Pologne. Elle propose par ailleurs au Conseil d'accorder au Royaume-Uni un délai supplémentaire de deux ans, soit jusqu'à l'exercice 2016-2017, pour ramener son déficit en dessous de la valeur de référence de 3 % du PIB. Elle suggère enfin qu'une procédure pour déficit excessif soit lancée à l'égard de la Finlande, qui connaît un dérapage important en matière de finances publiques. Ainsi, 10 États membres sur 28 devraient faire l'objet d'une procédure pour déficit excessif : Chypre, Croatie, Espagne, France, Grèce, Irlande, Portugal, Slovénie, Royaume-Uni et Finlande.

Pour ce qui concerne la France, la nouvelle Commission européenne souhaite adopter une approche davantage respectueuse de la souveraineté des États membres. Je ne vais pas reprendre ce qu'a dit le commissaire Pierre Moscovici ici-même et qui allait dans ce sens. Mais je tiens à rappeler que nous avions nous-mêmes formulé une protestation sur une des recommandations concernant les retraites, qui nous semblait trop intrusive alors que la France était en train de mener une réforme de son système de retraite. Nous l'avions relayée auprès de M. Olli Rehn et la rédaction de la recommandation avait finalement été changée en conséquence.

Sur le fond, vous le savez, la Commission européenne a finalement proposé un allongement de deux ans du délai accordé à la France pour ramener son déficit public sous le seuil des 3 % du PIB, en échange de la présentation de nouvelles mesures d'économies à hauteur de 4 milliards d'euros. La France a documenté ces 4 milliards d'euros dans un courrier envoyé il y a quelques jours à la Commission européenne. Ce courrier, tout le monde l'a, sauf nous ! Nous le déplorons. C'est sur la base de ce courrier que la trajectoire budgétaire de la France présentée dans le programme de stabilité devrait finalement être validée.

S'agissant de la trajectoire budgétaire, je vous rappelle aussi qu'il y avait un désaccord profond entre la Commission européenne et le gouvernement français, car la France a présenté une trajectoire budgétaire qui permet de ramener le déficit nominal sous le seuil des 3 % du PIB, mais avec un effort structurel moins important que ce que demandait la Commission européenne. La Commission a finalement accepté de raisonner en terme nominal, et non plus structurel. Plus clairement, à partir du moment où un pays tient son déficit nominal, l'objectif du déficit structurel devient secondaire, ainsi que l'a expliqué Pierre Moscovici. Pourquoi le déficit nominal peut être tenu avec un effort structurel moins important ? Parce que la France devrait connaître une croissance plus importante.

Dans le programme de stabilité, on a donc la trajectoire budgétaire suivante. Le déficit nominal devrait s'établir à 3,8 % en 2015, 3,3 % en 2016 et 2,7 % en 2017 et l'effort structurel s'élever à 0,5 point de PIB en 2015, 2016 et 2017, alors que la Commission européenne proposait des niveaux proches de 1 point de PIB. Un accord devrait donc être trouvé sur ce point.

La Commission européenne formule également un certain nombre de propositions de réforme économique. Là aussi, la France a présenté des propositions dans son programme national de réforme, notamment celles inscrites dans la loi Macron et dans la loi Rebsamen, comme la réforme des prud'hommes et l'encadrement des indemnités pour licenciement abusif de l'indemnisation. Je ne reviens pas dessus.

Il y a des points sur lesquels la Commission européenne souhaiterait que la France aille un peu plus loin, notamment sur le sujet du salaire minimum, ce qui ne me semble pas juste, alors que la consommation, soutenue par le maintien du pouvoir d'achat, constitue un des moteurs de la reprise française, et que l'on souhaite promouvoir l'introduction, dans l'ensemble des États membres de l'Union, d'un salaire minimum garantissant un niveau d'emploi élevé et des salaires équitables, comme le propose la contribution franco-allemande sur l'Union économique et monétaire.

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