Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, en soumettant à notre examen la proposition de loi relative aux juridictions de proximité, les auteurs de ce texte nous invitent à nous prononcer sur l'opportunité de reporter de deux ans l'application de la suppression des juridictions de proximité.
Rappelons avant tout le contexte dans lequel ont été élaborées les juridictions de proximité. Créées en 2002, elles procédaient d'une volonté de rapprocher la justice de nos concitoyens dans le cadre de petites affaires. Il s'agissait ainsi de permettre à des femmes et à des hommes aux profils différents qui, d'une façon ou d'une autre, avaient pratiqué le droit au cours de leur vie professionnelle, d'apporter une vision différente de la société pour juger de petits litiges de la vie quotidienne. Reconnaissons aux législateurs et au Gouvernement de l'époque leur intention louable de renforcer, à travers cette réforme, la crédibilité des institutions judiciaires et de restaurer la confiance que les citoyens placent en la justice de leur pays.
Presque dix ans plus tard, notre assemblée votait la suppression des juridictions de proximité dans un texte qui englobait des aspects divers de l'activité judiciaire et s'inscrivait dans une démarche, largement engagée sous la précédente législature, de simplification du droit et d'amélioration de la répartition des contentieux.
Après la loi du 22 décembre 2010, relative à l'exécution des décisions de justice et à l'exercice de certaines professions réglementées, après la loi du 28 mars 2011 de modernisation des professions judiciaires ou juridiques, ce texte venait ainsi parachever l'inscription dans notre droit des préconisations de la commission présidée par Serge Guinchard, à laquelle mandat avait été donné de simplifier, d'alléger et de rendre plus efficace le traitement des procédures judiciaires.
Le projet visait avant tout à renforcer la lisibilité des juridictions de première instance, en clarifiant les compétences respectives des tribunaux d'instance et des tribunaux de grande instance, cette dualité nécessitant la suppression de la juridiction de proximité.
Convenons-en, l'organisation de la justice judiciaire, telle qu'elle a été stratifiée au fil des ans, est devenue peu lisible pour nos concitoyens. Loin d'améliorer la situation, l'instauration d'un nouvel ordre de juridiction fut une source supplémentaire de complexification de notre organisation judiciaire. Le rapport Guinchard évoque ainsi les situations ubuesques ou kafkaïennes auxquelles elle peut conduire, lorsque, « en l'absence de juge de proximité, les fonctions de ce dernier sont exercées par le juge d'instance ». En définitive et toujours selon la commission, ce nouvel ordre de juridiction n'a pu « atteindre les objectifs ambitieux qui lui étaient assignés, d'une justice réconciliée avec les usagers ». À cela s'ajoute la difficulté d'adaptation des compétences des juges de proximité à la technicité du contentieux civil.
Partant de ces constats, la répartition de principe des contentieux entre le tribunal de grande instance, le tribunal d'instance et le juge de proximité, fondée initialement sur des critères de collégialité ou de juge unique, ainsi que sur la nature des contentieux et la représentation obligatoire ou non par un avocat, devait être adaptée.
Ainsi, la loi du 13 décembre 2011 a prévu la suppression des juridictions de proximité, tout en maintenant les juges de proximité, appelés à exercer de nouvelles fonctions au sein des tribunaux de grande instance et des tribunaux d'instance.
Chacun ici en convient, une telle mesure n'est pas sans conséquences sur l'organisation de notre système judiciaire : elle aura pour effet de transférer vers les tribunaux d'instance la compétence pour connaître des actions personnelles ou mobilières d'une valeur maximale de 4 000 euros ainsi que les demandes indéterminées ayant pour origine l'exécution d'une obligation dont le montant n'excède pas 4 000 euros. En d'autres termes, elle étendra de manière considérable le champ de compétence des tribunaux d'instance.
Concrètement, la suppression des compétences des juges de proximité en matière de contentieux civil, excepté pour statuer sur requête en injonction de payer, devrait entraîner le transfert de l'ordre de 90 000 à 100 000 affaires civiles nouvelles chaque année vers les tribunaux d'instance, soit une lourde charge de travail auxquels les effectifs des tribunaux d'instance ne sont pas adaptés et pourront difficilement faire face. Des créations de postes seront donc nécessaires, ne serait-ce que pour compenser la suppression de la juridiction de proximité. Inévitablement, les premières victimes d'une application immédiate de la suppression des juridictions de proximité seraient les justiciables.
Mes chers collègues, ainsi que l'a souligné le rapport de la commission Guinchard, « une justice pour tous, c'est une justice que l'on comprend, une justice intelligible ». À nos yeux, l'adaptation de la loi du 13 décembre 2011 pour reporter de deux ans l'application de la suppression des juridictions de proximité est une mesure de bon sens, rendue nécessaire pour le bon fonctionnement même de la justice. C'est la raison pour laquelle le groupe UDI soutiendra et votera cette proposition de loi.