Intervention de Sergio Coronado

Séance en hémicycle du 12 décembre 2012 à 15h00
Proposition de loi relative aux juridictions de proximité — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSergio Coronado :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de loi dont nous discutons aujourd'hui a été votée à l'unanimité au Sénat et par la commission des lois de notre assemblée : à croire que, paradoxalement, Mme la ministre de la justice devient une femme de consensus… Elle en sera sans doute la première surprise, même si elle commence à avoir l'habitude de voir ses textes adoptés à une très large majorité à l'Assemblée.

Cette proposition, cela a déjà été souligné, permet de donner le temps supplémentaire nécessaire à la bonne organisation de la réforme supprimant les juridictions de proximité prévue par la loi du 13 décembre 2011.

Les juridictions de proximité, créées par la loi d'orientation et de programmation pour la justice du 9 septembre 2002 pour pallier l'insuffisance du nombre de magistrats d'instance, complétée à deux reprises, en 2003 et 2005, ont été supprimées par la même majorité, preuve de son manque de vision et de cohérence sur les affaires de justice.

Les mêmes qui avaient créé les juridictions de proximité ont revu la carte judiciaire en supprimant jusqu'à 178 tribunaux d'instance, mettant ainsi en place ce que l'on peut appeler des déserts judiciaires et affaiblissant cet élément si essentiel à nos concitoyens qu'est la proximité de la justice.

La loi du 13 décembre 2011 est venue supprimer les juridictions de proximité mais non l'institution du juge de proximité en lui-même. La situation était déjà surprenante. En 2011, 12 % des juridictions de proximité se trouvaient sans juge. En 2012, le nombre de juges de proximité est passé de 672 à 460. Certaines juridictions de proximité sont donc désormais dépourvues de juges.

Les allers-retours législatifs ont été pendant ces dix dernières années de véritables couperets alors même que la judiciarisation de notre société, qui est une tendance lourde, appelait sans doute une réforme profonde précédée par une large concertation. Le groupe écologiste est satisfait que le Gouvernement ait décidé de prendre le temps de la réflexion, du débat parlementaire, de la discussion avec les acteurs de la justice. Cela change des habitudes de l'ancienne majorité…

Le texte dont nous discutons va d'abord permettre d'assurer la continuité de l'action de l'état. Nous faisons face en effet à un manque cruel d'effectifs. Si nous avions voulu mettre en oeuvre la suppression des juridictions de proximité au 1er janvier 2013, il nous aurait fallu créer 110 emplois de juges d'instance supplémentaire afin qu'ils assument la charge de travail aujourd'hui supportée par les juges de proximité. C'était impossible en dépit des efforts budgétaires effectués cette année pour mettre fin à l'hémorragie des postes dans la justice, situation héritée de la majorité précédente.

Par ailleurs, rien n'a été entrepris pour rendre effectif le transfert des compétences et des dossiers aux tribunaux d'instance : le décret du Conseil d'État attendu pour établir les modalités de ce transfert n'a jamais été publié.

Pourtant, nous le savons, la suppression des juridictions de proximité n'est pas totalement dénuée de sens. Nous avons affaire à une réalité qui peut paraître un peu contradictoire. Il y a la simplification des procédures, il y a aussi la technicité croissante de certains contentieux civils, qui nécessitent un traitement plus lourd.

La fonction de juge de proximité est pour l'instant maintenue, et je tiens à m'associer à l'ensemble de mes collègues qui ont fait part, comme de nombreux orateurs au Sénat, de leur reconnaissance pour le travail accompli. Le travail notamment pour traiter et résorber les dossiers est admirable, surtout si, comme l'a signalé Mme la garde des sceaux, nous en arrivons à une résorption totale d'ici à janvier 2014.

Donnons-nous effectivement le temps de la réflexion sur leur maintien et leur rôle, et saluons l'effort consenti.

Il nous faut donc voter ce report d'une mesure prise dans la précipitation et si peu préparée sur le terrain, en prenant ainsi le temps de la réflexion et de la concertation pour mener à bien un travail sérieux.

Puisque le groupe écologiste votera cette proposition de loi, j'aimerais surtout revenir sur la réforme, annoncée par Mme la garde des sceaux, de l'organisation judiciaire en matière civile, qu'elle a déjà évoquée au cours de la discussion au Sénat. Je ne doute pas, monsieur le ministre, que vous lui ferez part de ces remarques : nous avons tous la même inquiétude. Nous partageons les valeurs d'accessibilité, de proximité, d'efficacité du droit et de diligence qui sont au coeur des procédures de justice et auxquelles sont attachés nos concitoyens. Nous partageons, je l'ai dit, la volonté de travailler à une réforme qui aille dans le sens de l'égalité d'accès à la justice. Nous partageons enfin le souci exprimé par Mme la garde des sceaux de rapprocher les citoyens de la justice, ce qui passe aussi par la simplification des procédures.

Les écologistes auront à coeur de travailler avec Mme la garde de sceaux à une réforme de la carte judiciaire qui assure une réelle égalité territoriale. Mme Taubira a en effet annoncé la réouverture de certains tribunaux d'instance, ce qui nous paraît être une mesure raisonnable.

Nous soutiendrons également toute démarche visant à augmenter le budget de la justice, le nombre de magistrats et de greffiers, les expérimentations et le développement des maisons du droit. Nous proposerons en outre de mettre au coeur du débat le développement de la justice réparatrice. La probation, actuellement à l'étude, serait à cet égard une avancée importante.

Au-delà, il faut multiplier les procédures qui, comme la médiation familiale, permettent un recours plus important à la médiation entre les parties. Elles permettent en effet, plus que toute autre forme, d'entendre la voix des parties : en premier lieu celle de la victime, mais également celle de la personne qui a commis son acte, et qui est ainsi punie et responsabilisée.

C'est donc dans la perspective de discuter de toutes ces pistes, dans le cadre d'un débat plus large sur l'organisation de la justice française, que le groupe écologiste votera sans hésitation ce texte.

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