Intervention de Patrice Verchère

Séance en hémicycle du 12 décembre 2012 à 15h00
Proposition de loi relative aux juridictions de proximité — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPatrice Verchère :

Monsieur le ministre délégué chargé des relations avec le Parlement, vous représentez ce soir le Gouvernement en l'absence de Mme la garde des sceaux, ce qui est regrettable sur un texte certes simple, mais d'une réelle importance pour son ministère, car les questions sont nombreuses.

Ce débat ne fera sans doute pas date dans les annales de l'Assemblée nationale, dans la mesure où cette proposition de loi n'a qu'un objet : décaler de deux ans l'échéance prévue pour la suppression des juridictions de proximité. En effet, la modeste ambition de son article unique se limite à reporter, sans pour autant la remettre en cause, la suppression des juridictions de proximité du 1er janvier 2013 au 1er janvier 2015.

Il n'empêche, ce report est plus que nécessaire, il est impérieux, pour le bon fonctionnement de nos tribunaux d'instance et pour les justiciables. C'est la raison pour laquelle le groupe UMP soutiendra ce texte, et je vais développer les raisons qui nous conduisent à le voter.

Tout d'abord, faut-il le rappeler, la suppression de la juridiction de proximité a été actée par la loi du 13 décembre 2011 sur la répartition des contentieux, loi qui puisait notamment son inspiration dans le rapport de la commission présidée par le doyen Serge Guinchard relatif à la répartition des contentieux.

Pour justifier la disparition de cet ordre de juridiction, la commission Guichard avait alors avancé à la fois la complexité de l'organisation judiciaire mise en place, qui conduisait à des situations illisibles pour le citoyen, lorsque, faute de juge de proximité, le juge d'instance retrouvait la compétence qui avait été transférée à la juridiction de proximité. Mais aussi la complexité croissante du contentieux soumis au juge de proximité, du fait de l'élévation de son taux de compétence de 1 500 euros à 4 000 euros, et de la nécessité de s'assurer du respect des règles d'ordre public, même pour les plus petits litiges qui se multipliaient.

C'est l'occasion pour moi de rappeler qu'il ne s'est jamais agi de remettre en cause les qualités humaines et les compétences des juges de proximité que je salue comme, je le pense, chacun d'entre nous.

Les juges de proximité répondent en effet à un réel besoin de rapprocher la justice des citoyens dans un environnement marqué à la fois par la judiciarisation de notre quotidien et la complexité croissante du droit et des procédures.

C'est pourquoi la loi de 2011 visant à supprimer la juridiction de proximité n'a pas remis en cause les juges de proximité, mais a conduit à rattacher les juges de proximité au tribunal de grande instance.

Il était donc prévu qu'en date du 1er janvier 2013, la juridiction de proximité serait supprimée et que, parallèlement, les juges de proximité seraient rattachés au tribunal de grande instance.

Quelles conséquences pratiques cela a-t-il, et plus précisément en matière civile ?

Les juges de proximité peuvent être appelés à siéger au sein de la formation collégiale du tribunal de grande instance. Ils peuvent être appelés également à statuer sur requête en injonction de payer, sachant que la limite actuelle de 4 000 euros qui sert aujourd'hui à déterminer la compétence du juge de proximité est supprimée. Cette disposition libère par conséquent le tribunal d'instance, auquel cette compétence est aujourd'hui attribuée au-delà de 4 000 euros, du traitement de ce contentieux.

Les juges de proximité peuvent procéder aussi à certaines mesures d'instruction consistant à se transporter sur les lieux à l'occasion des vérifications personnelles du juge, à entendre les parties à l'occasion de leur comparution personnelle et à entendre les témoins à l'occasion d'une enquête. Dans le même temps, le tribunal d'instance verra rétablie sa compétence sur les litiges civils de moins de 4 000 euros. Et le tribunal de police redeviendra compétent pour connaître des contraventions ; mais, lorsqu'il connaîtra des contraventions des quatre premières classes, il sera alors constitué par un juge de proximité et à défaut par un juge du tribunal d'instance.

Cette rétrocession indirecte au juge de proximité du contentieux pénal qui lui est actuellement soumis, neutralise en cette matière l'effet de la suppression de la juridiction de proximité.

Tel n'est en revanche pas le cas pour le contentieux civil, qui se trouve transféré dans sa totalité, à l'exclusion des injonctions de payer, aux tribunaux d'instance. Or les juridictions d'instance ne paraissent pas en mesure d'absorber le contentieux ainsi réattribué. C'est la raison majeure qui justifie le report au 1er janvier 2015.

Ce délai supplémentaire doit permettre aux tribunaux d'instance de s'adapter à cette nouvelle charge de travail et à la redéfinition de leurs missions, en lien avec les juges de proximité.

Ainsi, le groupe UMP votera pour ce texte, devant le constat indéniable que ni les conditions pratiques, ni les conditions réglementaires de mise en oeuvre de la réforme ne sont réunies à ce jour. S'opposer à cette proposition de loi reviendrait à nier les défis quotidiens auxquels sont déjà confrontés les greffiers, les magistrats et les fonctionnaires des tribunaux d'instance, et notre justice, dans son ensemble.

Je conclurai en disant – et je sais que mon collègue Yves Nicolin pense la même chose – qu'il sera indispensable de mettre à profit le délai ouvert par ce texte pour conduire une réflexion d'ensemble sur la justice de proximité et la justice de première instance, au risque de ne pas pouvoir faire face à la situation dans deux ans. Nous avons donc le devoir d'approfondir notre réflexion sur cette question, devenue centrale pour le quotidien de nos compatriotes et j'espère qu'en dépit de l'absence de Mme la garde des sceaux ce soir, le Gouvernement saura répondre, dans les prochains mois, aux défis d'une justice de proximité efficace dans l'intérêt des justiciables et du bon fonctionnement de la justice.

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