Intervention de Yves Goasdoue

Séance en hémicycle du 12 décembre 2012 à 15h00
Proposition de loi relative aux juridictions de proximité — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaYves Goasdoue :

Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, le texte qui nous est soumis est simple. Chacun dans cette enceinte l'aura compris, il s'agit de reporter de deux ans la suppression des juridictions de proximité qui devaient voir leurs jours s'éteindre au 1er janvier prochain.

Le rapporteur de la commission des lois, notre excellent collègue Jean-Yves Le Bouillonnec en est d'accord, de même que la commission des lois et le Sénat. L'affaire semble donc entendue.

Avec Jean-Yves Le Bouillonnec, nous avons auditionné de nombreuses personnalités. Lors de l'examen des crédits de la mission « Justice » pour 2013, nous avons pu constater que les tribunaux d'instance sont hors d'état d'absorber la charge induite par la suppression au 1er janvier 2013 des juridictions de proximité

Les syndicats, les magistrats, les greffiers, les fonctionnaires nous ont tous fait passer le même message : le budget voté par le Parlement sur proposition du Gouvernement est le seul qui, depuis des années, tente de redresser la barre et d'améliorer la situation des tribunaux de proximité, des tribunaux d'instance et de grande instance. Cependant, ce budget ne permet pas de redresser, à lui seul, une situation fortement dégradée depuis des années. Cette situation se traduit, en dépit du dévouement des magistrats et des personnels de toutes catégories, par des durées moyennes de traitement des affaires quelquefois peu compatibles avec une bonne administration de la justice. Cette situation provoque par ailleurs un fort mal-être parmi les personnels de la justice de proximité et de l'instance. Il faut donc procéder à ce report.

Encore faut-il bien comprendre ce qui nous conduit à repousser de deux ans la suppression des juridictions de proximité – et non des juges de proximité, rappelons-le, dont la compétence et le travail ne sont pas mis en cause.

Nul ne l'ignore, la justice du quotidien a été ébranlée par la réforme brutale de la carte judiciaire. Tout le monde l'a rappelé, 178 tribunaux d'instance ont été supprimés. Mais je dois à l'honnêteté de dire que sept tribunaux ont été créés dont l'un dans ma ville de Flers ; il n'aurait pas été convenable de ne pas le mentionner…

C'est dire l'ampleur de la saignée. Dans le même temps, 7 % des postes de magistrats et 9 % des postes de fonctionnaires ont disparu. Paradoxalement, mais sans doute à juste titre, la loi portant réforme de la protection juridique des majeurs a pour conséquence de faire aujourd'hui obligation aux tribunaux d'instance d'avoir, d'ici à un an, achevé la révision d'un stock de 700 000 mesures de protection. Dans le même temps, les tribunaux d'instance doivent absorber le contentieux du surendettement, à tout le moins pour les deux tiers d'entre eux qui n'exerçaient pas cette compétence par délégation du tribunal de grande instance.

La charge est considérable. Tout cela peut paraître technique et juridique ; mais derrière, il y a des femmes, des hommes, des familles qui s'inquiètent pour leurs proches qui font l'objet d'une mesure de placement ou pour un dossier de surendettement qui ne pourrait pas être traité dans le délai d'un an, au risque de voir reprendre les procédures d'exécution.

Repousser la mise en oeuvre d'une mesure législative au motif que son impact a été mal calibré est toujours le signe d'une législation mal évaluée. Il n'en reste pas moins vrai que cette mesure est aujourd'hui totalement nécessaire.

Je souhaite que nous mettions à profit ce délai de deux ans dont nous allons disposer pour réorganiser la justice du quotidien afin de la rendre lisible, compréhensible et accessible. Je sais que Mme la garde des sceaux est très sensible à la nécessité de rapprocher la justice des citoyens. Il nous faudra pour ce faire redéfinir le périmètre de compétence des tribunaux d'instance et de grande instance.

L'idée de la création de tribunaux de première instance est certainement à creuser. On voit bien qu'elle n'est pas mûre aujourd'hui. Tout cela doit évidemment se faire dans la concertation. La Chancellerie m'assure que des groupes de travail sont actuellement mis en place sur ce point. L'idée à privilégier, Alain Tourret le disait, c'est la préservation des tribunaux d'instance comme lieu de premier recours, d'orientation, de guichet unique, d'institutionnalisation des audiences foraines. Mais, de grâce, faisons simple : évitons autant que faire se peut les seuils et les compétences croisées. C'est un jeu que les juristes affectionnent, mais un vrai dédale pour le citoyen.

La justice d'instance et de grande instance, c'est l'interface entre le pays et le monde judiciaire. Mettons à profit ces deux années pour conduire une réforme permettant à chacun de trouver son juge dans des conditions de proximité, de clarté et de délai raisonnable : nous aurons fait oeuvre utile.

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