Intervention de Cécile Untermaier

Séance en hémicycle du 12 décembre 2012 à 15h00
Proposition de loi relative aux juridictions de proximité — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCécile Untermaier :

Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, il revient à présent à notre assemblée de se prononcer sur une proposition de loi qui, une fois n'est pas coutume, n'est pas particulièrement bavarde, puisqu'elle ne comporte qu'un article unique.

Cela posé, faut-il se réjouir de la concision du texte dont il nous faut débattre ? Pas vraiment, dans la mesure où l'histoire de cet article unique est en quelque sorte l'exemple même d'une histoire que l'on aimerait mieux ne pas avoir à raconter… Mais peut-être me faut-il alors, pour vous en convaincre, procéder à un rapide retour en arrière.

À l'origine de cet article unique de la proposition de loi que nous avons à considérer, il y a une politique : celle du gouvernement Raffarin qui, après avoir fait le constat que les tribunaux d'instance ne s'en sortent plus, entend décharger ces derniers d'une partie de leur contentieux, mais aussi faire en sorte que la justice soit désormais plus accessible et plus compréhensible aux citoyens. Bref, une sorte de bonne volonté.

Seulement, si les intentions sont bonnes, les solutions retenues pour atteindre le double objectif d'absorption du contentieux et d'intelligibilité de la justice, elles, le sont beaucoup moins.

En effet, que fait la droite, en 2002, une fois le diagnostic rendu ? Elle crée, le 9 septembre 2002, ce que la doctrine qualifiera rapidement de « monstre juridique », à savoir une juridiction de proximité, sans réflexion d'ensemble, sans exigence de formation et sans véritable cohérence.

La gauche l'a dit à l'époque : plutôt que d'instituer un nouvel ordre de juridiction, ce qui n'a pas manqué, comme elle l'avait prévu, de compliquer considérablement l'organisation judiciaire en matière civile, conduisant à des situations que plusieurs auteurs ont pu qualifier d'ubuesques ou de kafkaïennes, il eût été plus simple, et surtout plus efficace, que les pouvoirs publics consentent un effort de recrutement de nouveaux magistrats d'instance. Autrement dit, la solution retenue était discutable, parce qu'elle était une réponse compliquée à une question qui l'était beaucoup moins.

Cela, la gauche a bien tenté de le faire valoir ; mais la droite n'a rien voulu savoir. Elle aurait pourtant été bien inspirée d'écouter ceux qui lui disaient qu'elle se fourvoyait. Cela lui aurait évité, neuf années plus, tard de supprimer ces juridictions de proximité, et sans prendre la mesure du désordre juridique qu'elle s'apprêtait encore à créer. Car c'est bien cela que la droite nous a laissé en supprimant en 2011, sans états d'âme et sans bon sens, ce dont elle avait accouché au forceps en 2002.

Même si, à gauche, nous n'étions pas convaincus de la nécessité d'instituer la justice de proximité conçue par la droite, il faut tout de même reconnaître que cette dernière, mise en place sans réflexion de fond, remplit son office tant bien que mal, et permet aux juges des tribunaux d'instance de « respirer ». Il n'était donc pas bienvenu de la rayer de la carte à compter du 1er janvier prochain, même en maintenant des juges de proximité en nombre réduit. Cela d'autant moins que ce que la droite a présenté comme une réforme aurait nécessité la création, non prévue, de soixante emplois de juges d'instance pour absorber la charge de travail aujourd'hui assumée par les juges de proximité, ce qui présentement n'est à l'évidence pas envisageable.

Supprimer de la sorte les juridictions de proximité, c'est-à-dire sans jeter les bases d'une meilleure organisation de la justice capable de prendre le relais, relevait – permettez-moi de l'exprimer ainsi – de l'inconscience. Comme a été inconsciente et tellement dévastatrice la réforme de la carte judiciaire qui a sinistré les territoires, désespéré les magistrats et esseulé les justiciables depuis lors orphelins d'une justice à leur service.

Le report s'imposait donc. Cela étant, reporter l'échéance de deux ans suffit-il ? C'est une évidence : retarder la minuterie de la bombe ne garantit nullement que celle-ci n'explosera pas, causant les irrémédiables dommages auxquels l'on peut s'attendre.

Une chose est sûre toutefois : le temps gagné grâce à l'adoption de cette proposition de loi est indispensable. Nous pourrons ainsi réfléchir activement et sérieusement à l'amélioration de la justice de proximité avec Mme la garde des sceaux et, par voie de conséquence, faire de la justice, comme le souhaite François Hollande, une priorité au service des citoyens. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

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