Intervention de Gilles Carrez

Réunion du 1er juillet 2015 à 10h00
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGilles Carrez, président :

Je remercie M. le secrétaire d'État et Mme la rapporteure générale pour la clarté de leur présentation.

À force de raffiner, la Cour des comptes perd le fil, disait M. le secrétaire d'État ; et puisque Mme la rapporteure générale s'est tournée vers moi à plusieurs reprises, je veux expliquer les motifs de nos légères divergences.

En premier lieu, Mme la rapporteure générale n'inclut pas les dépenses exceptionnelles dans le périmètre de 288,6 milliards d'euros soumis à la norme zéro valeur ; or, ces dépenses correspondent aux PIA : le PIA 1, pour plus de 30 milliards, le PIA 2, pour 12 milliards, et l'on commence à parler d'un PIA 3. Comme la Cour des comptes et certains collègues l'ont souligné – notamment lors de l'audition des responsables de l'ADEME –, les PIA engagent des crédits, même si je ne les assimilerai pas, comme le fait la Cour des comptes, à une débudgétisation. Les 47 milliards d'euros dont nous parlons, en tout état de cause, ne tombent pas du ciel : il a bien fallu les emprunter. Aussi, lorsque l'on fait, comme le sens des responsabilités l'exige, la somme de toutes les dépenses, on constate, en exécution, une légère augmentation par rapport à 2013. Si je reconnais volontiers que la dépense de l'État est mieux maîtrisée que par le passé, force est aussi de constater qu'elle a augmenté sur un an en exécution, nécessitant 10 milliards d'euros d'emprunts et générant une hausse de la dette de 71 milliards. Cette évolution est passée quelque peu inaperçue en raison de la diminution de 1,7 milliard de la charge de la dette ; mais ce matin, à la radio, plusieurs journalistes sont tombés de l'armoire, passez-moi l'expression, en découvrant la hausse du niveau de l'endettement. La chose est connue depuis des mois, a déclaré M. Sapin ; mais elle l'est tellement que nous n'y prêtons plus attention, comme nous devons pourtant continuer à le faire.

Je veux donc, monsieur le secrétaire d'État, vous poser deux ou trois questions précises, dont certaines relaient celles de Mme la rapporteure générale. La première concerne les recettes. En cette matière, on est passé d'un excès d'optimisme lors de la LFI à un excès de pessimisme lors de la seconde loi de finances rectificative – LFR –, la première n'ayant apporté aucun correctif. Le produit de l'impôt sur le revenu a ainsi été surévalué au début et sous-évalué à la fin. La Cour des comptes s'interroge, dans une note en bas de page – comme c'est l'usage lorsqu'elle veut éviter de froisser le Gouvernement –, sur d'éventuelles modifications de comportement des agents économiques. À cet égard, les administrations placées sous votre autorité ne devraient-elle pas revoir leurs modes de calcul pour améliorer la fiabilité des prévisions de recettes ? De fait, l'écart entre la LFI et l'exécution n'est pas mince puisqu'il atteint 10,7 milliards d'euros.

Seriez-vous d'accord pour ne comptabiliser, s'agissant des PIA, que les sommes effectivement décaissées, à savoir les dotations consommables et les intérêts versés au titre des dotations non consommables, s'ils ne sont déjà comptabilisés ? Cela me paraîtrait plus sain, dans la mesure où ces décaissements pèsent bien entendu sur les dépenses.

Un autre élément de l'exécution de 2014 m'inquiète. Les efforts consentis pendant des années pour réduire la dette de l'État à l'égard de la sécurité sociale ont conduit le premier à devenir créancier de la seconde à hauteur de près de 500 millions d'euros. Le mouvement s'est à nouveau inversé, si bien que l'État a désormais une dette de plus de 300 millions. Le retour à l'équilibre des comptes sur ce chapitre, monsieur le secrétaire d'État, fait-il partie de vos objectifs ? Il faut savoir que la sécurité sociale assume, pour le compte de l'État, des dépenses de guichets sociaux, telles l'allocation aux adultes handicapés, l'aide médicale de l'État et certaines allocations logement. Puisque ces dépenses excèdent les prévisions initiales, elles contribuent à creuser le déficit de l'État.

Ma dernière question porte sur la régulation budgétaire infra-annuelle : en ce domaine, avez-vous indiqué, les dépenses sont compatibles avec les crédits mis en réserve, lesquels, compte tenu du « gel » et du « surgel », se situent entre 8 et 9 milliards d'euros. Selon la Cour des comptes, le risque pourrait néanmoins atteindre 4,3 milliards hors recettes exceptionnelles – REX – pour la défense – lesquelles représentent 2 milliards –, recettes dont le Président de la République a promis qu'elles seraient remplacées, s'il y a lieu, par des crédits budgétaires. Les questions posées restent les mêmes que sous la précédente législature. Ne risque-t-on pas d'atteindre les limites de la régulation budgétaire infra-annuelle ? En 2014 comme en 2013, 4,3 milliards de crédits ont été annulés – et pas seulement au titre des gels prévus en début d'année, puisqu'une partie de ces sommes ont vocation à être dégelées. Reste que la régulation budgétaire conduit à diminuer l'ensemble des dépenses, y compris d'investissement.

Sur la masse salariale, les auditions ont souvent été éclairantes : même dans un secteur prioritaire comme la police et la gendarmerie, les plafonds d'emplois ne sont pas atteints. Mme la rapporteure générale a avancé plusieurs explications sur ce phénomène mais, plus généralement, on peut se demander si certaines administrations ne sont pas tentées, sous la pression des contrôleurs financiers, de différer l'attribution de certains postes, sachant qu'il est difficile de contenir l'évolution de la masse salariale à effectifs constants, ne serait-ce qu'en raison du glissement vieillesse technicité – GVT –, comme la Cour des comptes ne cesse de le répéter.

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