Intervention de Christian Eckert

Réunion du 1er juillet 2015 à 10h00
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Christian Eckert, secrétaire d'état au Budget :

Tout d'abord, je vous prie de bien vouloir m'excuser si je ne réponds pas à chacune de vos questions qui sont toutes pertinentes, intéressantes et légitimes.

Madame Dalloz, vous avez dit que le déficit aurait explosé, hors PIA. Je ne sais pas comment vous lisez les tableaux. En 2013, le solde budgétaire était de 74,9 milliards. En 2014, il est de 85,6 milliards, dont 12 milliards au titre du PIA. Si on exclut le PIA – la question vient d'être évoquée par Mme Sas – c'est-à-dire si l'on retranche 12 milliards de 85,6 milliards, il reste 73,6 milliards. En 2014, le déficit a donc baissé de 1,3 milliard par rapport à 2013.

Oui, la dette de l'État à l'égard de la sécurité sociale a légèrement augmenté, mais moins que l'année dernière. Certes, ce n'est pas totalement rassurant, mais les montants restent relativement faibles. 300 millions, c'est beaucoup et c'est néanmoins peu comparé au volume des dépenses de la sécurité sociale et de l'État.

Cela dit, vous avez raison de soulever cette question, qui pose le problème des compensations nécessaires entre les budgets de l'État et de la sécurité sociale. Ce sujet est un souci permanent de la commission des Affaires sociales – que je fréquente peut-être un peu moins que la vôtre – et de la ministre des Affaires sociales et de la santé. Ces questions sont complexes parce que certaines recettes qui ont été transférées ont parfois, deux ou trois ans plus tard, un dynamisme bien différent que ce qui avait été initialement prévu.

Vous avez évoqué, à juste titre, le transfert d'une partie des aides publiques au logement. Pour compenser les exonérations de charges, nous avons en effet repris dans le budget de l'État une partie des dépenses supportées par la sécurité sociale. Il n'est pas exclu d'ailleurs que nous poursuivions ce type de mouvement, car compte tenu des nouveaux allégements de charges prévus, nous devrons à nouveau compenser certaines baisses de ressources de la sécurité sociale. Peut-être serait-il plus simple que l'ensemble des dépenses concernant par exemple l'aide personnalisée au logement soient incluses dans un seul budget, celui de l'État – c'est le mouvement qui est en train de se confirmer, pour ne pas dire de s'achever – plutôt que de les laisser à cheval sur deux budgets, avec les difficultés législatives que cela peut entraîner car lorsque l'on veut procéder à des modifications, il faut toucher les deux budgets. Mais cette question technique est notre affaire…

La régulation budgétaire est-elle utile ? En fait-on trop ou pas assez ? Certains d'entre vous ont évoqué le poids que Bercy peut avoir dans la consommation des crédits. Je pense que c'est nécessaire. Certains disent haut et fort, sur tous les tons et un peu partout, qu'il faut réduire la dépense. Mais ce sont les mêmes qui demandent une augmentation du nombre des militaires et des policiers parce que la situation est dangereuse. D'autres encore souhaitent qu'il y ait davantage d'enseignants parce que la jeunesse est l'avenir de notre pays. Une parenthèse pour aborder la question des effectifs : vous avez tous certainement vu les augmentations prévues dans la loi de programmation militaire ; ceux qui stigmatisent l'accroissement de la masse salariale en cours ou à venir ne doivent pas oublier que les militaires sont aussi payés par le budget du ministère de la Défense.

On me dit que le budget de la défense est prioritaire, qu'il faut le sanctuariser. Mais, l'écologie est aussi la priorité des priorités, à l'aube de la COP 21. De même, la culture, souffrirait de ne pas être sanctuarisée, car c'est un secteur qui est encore plus important en période de crise qu'en temps ordinaire. La santé est, elle aussi, prioritaire. Il existe ainsi un médicament, certes très cher – pour la seule année 2014, il a représenté un coût supplémentaire de 650 millions – mais extrêmement efficace puisqu'il permet de guérir 100 000 personnes de l'hépatite C, maladie grave voire mortelle. Je vous appelle donc à faire preuve d'un peu de mesure dans vos analyses puisque vous avez tous des priorités – parfois différentes, et c'est légitime.

La régulation budgétaire infra-annuelle est un outil essentiel pour pouvoir contraindre un certain nombre de ministères. Vous dites que des emplois ne sont pas pourvus probablement par crainte ou décision des ministères. Ce n'est pas le cas : ce ne sont pas les ministères qui freinent les recrutements. Bien au contraire, quand ils ont leur schéma d'emplois, ils se précipitent pour pourvoir les emplois.

Quant à la masse salariale, elle progresse depuis des années, quels que soient les effectifs. Un rapport, rédigé il y a plusieurs années par M. François Cornut-Gentille et moi-même, montrait l'impact de la révision générale des politiques publiques – RGPP – sur la masse salariale – malgré nos différences, notre travail en commun a été reconnu comme étant plutôt de qualité. Le Gouvernement a gelé le point d'indice, et a quasiment supprimé, en tout cas réduit au maximum, ce que l'on appelle les mesures catégorielles. Bien sûr, ce qui résulte d'accords antérieurs n'est pas remis en cause, mais il n'y a pas de nouvelles mesures catégorielles, à l'exception de la revalorisation de l'indemnité journalière d'absence temporaire – IJAT – qui concerne les services de police, actuellement soumis à des contraintes assez particulières. J'ajoute qu'une négociation salariale a lieu dans l'ensemble de la fonction publique. Marylise Lebranchu a fait un certain nombre de propositions qui sont aujourd'hui sur la table. Bien entendu, il faudra en attendre l'issue.

Bien sûr, nos services tirent les enseignements du comportement des contribuables. Ils le font beaucoup sur la TVA – son taux a un impact très important sur nos recettes – et sur l'impôt sur le revenu. Et chaque année, nous vous transmettons des données sur le départ et le retour de contribuables fiscalement domiciliés à l'étranger. Je pense que, comme nous, vous n'avez pas noté d'évolution significative.

Vous me demandez si les prévisions de recettes sont surestimées ou non. Nous avons pris le parti d'être assez prudents en la matière, ce qui n'était pas nécessairement le cas auparavant. Peut-être sommes-nous allés un peu trop loin au mois d'août dernier. Mais il est toujours facile de porter un regard a posteriori. Souvenez-vous : au mois d'août dernier, le taux d'inflation était voisin de zéro et la croissance était très faible. Certains avis très autorisés, la Cour des comptes par exemple, estimaient que la prévision de croissance du Gouvernement de 1 % était très optimiste. Aujourd'hui, ce sont les mêmes qui nous disent que nous devrions les revoir à la hausse – c'est facile de le dire après. Pour faire taire les rumeurs qui commencent à circuler ici ou là, sachez que nous restons sur une base prudente de 1 % car, au vu des premiers éléments dont nous disposons, nous ne voyons pas apparaître de recettes supplémentaires par rapport à nos prévisions. Si la croissance semble se confirmer à un niveau un peu supérieur au 1 % comme initialement prévu, l'écart par rapport à la trajectoire de recettes que nous avons transmise au moment du programme de stabilité n'est pas significatif. Les rentrées de TVA sont très légèrement supérieures – de l'ordre de quelques centaines de millions, ce qui n'est rien comparé à 150 milliards. Quant aux recettes de l'impôt sur le revenu, elles ne sont bien évidemment pas encore connues puisque nous sortons tout juste de la période déclarative. Nous n'avons donc pas de « cagnotte », nous n'attendons pas des recettes supplémentaires.

Madame Sas, vous vous inquiétez des économies qui devront être faites pour couvrir un certain nombre de dépenses supplémentaires. Je veux, là aussi, faire taire cette rumeur selon laquelle pour couvrir des dépenses supplémentaires le Gouvernement procède à chaque fois à une diminution proportionnelle des autres budgets. Non, nous ne nous livrons pas systématiquement à des réductions de dépenses proportionnelles : nous procédons à une analyse précise, budget par budget, nature de dépense par nature de dépense, de ce qui peut être supporté et de ce qui peut être mis à contribution. Par exemple, il est évident que nous ne prenons pas en compte les dépenses de masse salariale : elles sont généralement calculées au plus juste pour parvenir au bon niveau en fin d'année. Imaginez la claque que prendrait le budget de l'éducation nationale si l'on procédait à des restrictions strictement proportionnelles ! Nous regardons quelles sont les dépenses pilotables, quelles sont celles qui le sont moins, celles qui ont une progression naturelle. Il est bien évident qu'en période de crise les prestations en faveur des plus démunis, les aides au logement, etc. ont tendance à augmenter. Nous en tenons compte lorsque nous faisons la répartition, en cours d'année, de l'effort supplémentaire que doivent supporter les budgets.

Vous dites que le budget de l'écologie a été le principal contributeur de la réduction des dépenses publiques. Je viens de rencontrer successivement dix-sept ministres : tous ont commencé la discussion en me disant que c'était leur budget qui avait « trinqué » le plus ces dernières années et que la situation devenait insupportable. Match nul, balle au centre…

M. de Courson nous parle de croissance spontanée des prélèvements plus rapide que le PIB. Deux des orateurs de poids de cette assemblée qui ne sont pas les plus proches de la majorité actuelle ont néanmoins reconnu que la réduction de la dépense, en tout cas le ralentissement considérable de sa progression, est inédit depuis plusieurs années. Il n'y a donc pas de ce côté de mouvement considérable à attendre. Soyons clairs : la dépense publique, ce n'est pas de l'argent qui va dans un puits sans fond, des billets que l'on brûle. Ce sont parfois des prestations, parfois des salaires qui eux-mêmes reviennent dans l'économie. Vous savez tous que la consommation intérieure en France est, peut-être plus que dans d'autres pays, un moteur de la croissance et de l'activité. Il est facile de dire qu'il suffit de réduire la dépense publique, mais une réduction trop brutale de la dépense publique peut avoir un effet récessif.

Notre politique est plutôt équilibrée. Elle consiste à bien maîtriser la dépense publique sans pour autant aboutir à des effets récessifs trop importants. Quand je dis que 40 milliards sont consacrés au logement en France sous forme de prestations, d'aide à la pierre ou de crédit d'impôt, on me répond qu'il faudrait faire davantage. Je ne peux pas réduire la dépense publique sans courir le risque d'un effet récessif sur certains secteurs.

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