Pour avoir été deux fois délégué général à la langue française auprès du Premier ministre français, je suis familier de ce thème du français comme langue scientifique et technique. Cela pouvait sembler un pari fou en 1989.
Sur le sujet, je suis pourtant optimiste aujourd'hui. Il y a vingt-cinq ans, les publications scientifiques se répartissaient sur un arc septentrional reliant les États-Unis au Japon en passant par l'Europe et par la Russie. L'anglais y régnait en maître. Depuis une vingtaine d'années, les Chinois veulent pouvoir publier en mandarin, tandis que le Brésil a rattrapé et même dépassé la Russie en volume de publications scientifiques. Demain, l'Afrique sera un grand acteur. La production scientifique est mondiale ; elle a lieu un peu partout. Grâce à ces nouveaux pays, qui ne veulent pas s'enfermer dans la langue d'un producteur scientifique, le plurilinguisme revient comme valeur de la communauté scientifique. Nous, les francophones, avions raison. Les adhésions à l'AUF ne cessent d'ailleurs de se multiplier, puisque, sans même avoir fait de prospection, nous comptons 812 membres.
Il faut donc répondre à la demande de soutien du français comme langue scientifique et technique. Bien sûr, l'AUF finance des publications, sous forme papier ou sous forme numérique. Un comité issu du conseil scientifique instruit les demandes d'aide ; il a récemment lancé une revue de toutes les publications scientifiques de langue française pour dresser un bilan et établir avec les Québécois une indexation scientifique. Car les entreprises d'indexation qui calculent l'impact scientifique des publications sont généralement implantées sur le territoire nord-américain, aussi ont-elles tendance à privilégier l'anglais. Il faut, d'urgence, une indexation qui calcule l'impact des publications en français.
Nous nous appuyons en effet sur 62 implantations régionales, de nature différente. Dix d'entre elles sont des bureaux régionaux. Nous avons ouvert le dernier d'entre eux au Maghreb, où nous comptons une centaine d'universités partenaires, dont 52 en Algérie. Ainsi, l'AUF est bien implantée dans ce pays qui n'appartient pourtant pas à l'Organisation mondiale de la francophonie (OIF). Car nous ne travaillons pas avec des États, mais avec des universités. C'est une forme de coopération avec l'OIF.
J'ai ouvert une antenne à São Paulo au Brésil, car ce pays est très actif dans le cadre de la francophonie universitaire. Mon successeur en ouvrira sans doute une en Chine. Les Chinois nous ont proposé la mise à disposition de locaux et de personnels ; nous comptons déjà dans leur pays sept universités adhérentes, et bientôt une vingtaine.
Au nombre des implantations régionales, nous mettons aussi les campus numériques, qui s'appuient à la fois sur du personnel et sur des machines, mais d'abord sur du personnel. Nous les avons longtemps financés sur nos propres fonds, en faisant les travaux et en installant nos machines dans les locaux mis à notre disposition. Depuis quelques années, ce sont les universités partenaires qui les financent et nous ne faisons qu'apporter notre expertise. À l'heure actuelle, les campus numériques partenaires sont devenus plus nombreux (39) que les campus numériques propres de l'AUF (37). Ainsi, certaines de nos implantations ne sont plus financées par l'AUF, qui assure de la sorte une présence fine par pays sans accroître les dépenses. À terme, nous aurons un campus par pays et un réseau de campus partenaires financés par les universités. Car les universités des pays émergents… émergent : elles ont désormais les moyens de financer leur action.