L'Université Senghor est une institution mal connue, sinon méconnue. C'est pourquoi je vous remercie de me donner l'occasion de la présenter auprès de cette mission.
Créée par le Sommet de Dakar en mai 1989, elle a été dotée d'une double nature non seulement d'université de la Francophonie, reconnue d'utilité publique internationale, mais également, aux côtés de l'Agence universitaire de la Francophonie (AUF), de l'Association internationale des maires francophones (AIMF) et de TV5 Monde, d'opérateur direct et reconnu des sommets francophones qui lui ont donné pour objectif de former et de perfectionner des cadres de haut niveau capables d'impulser et d'accompagner le développement africain.
Dans un contexte régional caractérisé notamment par la crise des universités africaines et la fermeture relative des pays du Nord aux étudiants de la région, l'Université Senghor, qui propose des formations pluridisciplinaires consacrées au développement durable dans le contexte de la mondialisation, remplit une mission essentielle : former en français, sur place, des cadres de haut niveau des secteurs publics et privés, dans des conditions optimales comparables à celles d'une grande école. La mission première que les sommets francophones ont confiée à l'université Senghor est de constituer, au coeur du développement de l'Afrique, un corps de fonctionnaires et d'experts d'élite.
Pour répondre à cette mission, l'Université Senghor propose à Alexandrie des formations hautement spécialisées qui ne concurrencent pas, mais complètent les cursus offerts dans les pays africains par leurs universités nationales. Senghor est une université professionnelle. Il s'agit d'un master professionnel en développement qui se décline en neuf spécialités : gestion du patrimoine culturel, gestion des industries culturelles, communication et médias, gestion de l'environnement, gestion des aires protégées, santé internationale, politiques nutritionnelles, management de projets, gouvernance et management public.
L'Université Senghor forme également, à distance, les formateurs de directeurs d'établissements scolaires – lycées et collèges – avec son master « gestion des systèmes éducatifs » qui complète le projet d'initiative francophone pour la formation à distance des maîtres (IFADEM) de l'AUF et de l'Organisation internationale de la Francophonie (OIF) dans l'enseignement primaire. Actuellement, cette formation compte 163 formateurs diplômés.
Notre master en développement fonctionne conformément au système LMD, ce qui favorise sa reconnaissance internationale, notamment par le Conseil africain et malgache pour l'enseignement supérieur (CAMES). Nous avons multiplié les accords interuniversitaires avec les universités françaises, européennes, canadiennes et africaines, prévoyant notamment des co-diplomations et des co-tutelles de thèse. Un de nos objectifs, maintenant atteint, a été la mise en place à Senghor d'un collège doctoral : plusieurs thèses ont déjà été soutenues à l'université.
Senghor est un rassemblement performant et souple de compétences, un corps professoral sans équivalent sur le continent. En dehors de ses quatre directeurs de département, elle ne dispose pas d'un corps de professeurs permanents. Chaque année, une centaine de professeurs, avec des professionnels de très haut niveau, venus de l'ensemble des pays francophones, y dispensent des enseignements spécialisés en faisant partager leur expérience pratique. La diversité des approches pédagogiques, la variété des contenus scientifiques, les conceptions différentes du développement durable énoncées par les professeurs français, canadiens, suisses, algériens, québécois et béninois favorisent le développement de l'esprit critique et de la réflexion.
Telles sont les raisons pour lesquelles notre master a suscité en 2013, en dépit des difficultés que traverse l'Égypte, 3 008 candidatures provenant de pays différents. En 2015, nous en avons enregistrées 2 787, pour 160 places.
Senghor est une université d'excellence comparable à une grande école. Nos étudiants doivent passer un concours très sélectif pour être admis : en juillet 2013, sur 3 008 candidats, 1 490 ont été admis à passer l'écrit, 810 à passer l'oral ; 165 étudiants ont été finalement retenus dans notre dernière promotion, représentant 5,5 % du nombre de candidats. Soixante-cinq femmes ont été admises, soit 40 % des effectifs.
Cette université de troisième cycle n'a pas vocation à accueillir des étudiants en masse, mais elle a donné à plus d'un millier de cadres africains de trente-deux nationalités différentes un master reconnu au niveau international et une conception globale de la bonne gouvernance et du développement dans les domaines de la santé, de la culture, de l'administration et de l'environnement. Nous offrons non seulement une formation technique, mais aussi une formation au service public et à l'intérêt général. D'ailleurs, lorsque, il y a quelques jours au Burkina Faso, la sécheresse a entraîné une catastrophe pour les animaux et la disparition de plusieurs espèces, les étudiants du campus Senghor de Ouagadougou ont envoyé une lettre collective au ministre de l'environnement du pays pour se mettre à la disposition de son ministère et tenter de résoudre ce problème. Nos étudiants ne se contentent pas d'apprendre leurs cours : ils veulent participer activement au développement de leur pays.
Senghor offre non seulement des formations en master, mais aussi un ensemble de formations courtes hautement spécialisées dispensées dans les pays africains, durant dix à quinze jours, dans des domaines pointus pour lesquels les spécialistes font défaut. Ces cinq dernières années, nous avons ainsi formé plus de 3 200 cadres, déjà titulaires de diplômes de niveau Bac + 5, et avons pour objectif de former 3 000 cadres supplémentaires. Ces formations continues sont très largement autofinancées.
L'université Senghor est une institution originale sans équivalent sur le continent. Les étudiants y bénéficient, sous conditions sélectives, d'une bourse d'études prenant en charge leur séjour en Égypte pendant deux ans : ils y sont logés, nourris, véhiculés et soignés. Ils ont ainsi tout le temps de se consacrer à leurs études. Plusieurs centaines de cadres administratifs, de chefs d'entreprise, de responsables et d'acteurs économiques profitent chaque année de nos formations.
En réunissant des cadres venus de différents horizons africains, en les faisant vivre et travailler ensemble pendant deux ans, l'université Senghor favorise l'émergence d'une coopération administrative interafricaine francophone. Les étudiants béninois, sénégalais, algériens, marocains ou burkinabés passent deux ans ensemble à réfléchir à l'avenir de l'Afrique et forment un corps. Les diplômés de l'université Senghor sont regroupés en associations nationales, elles-mêmes réunies au sein d'une association internationale dont le siège est à Yaoundé. L'annuaire en ligne des Senghoriens met à la disposition des entreprises et de tous les opérateurs de la Francophonie un réseau de responsables particulièrement utile.
En proposant des formations sur place, sur le continent africain, Senghor oeuvre à endiguer le fléau de la fuite des cerveaux. En mettant en rapport permanent les acteurs africains de l'université, de l'administration, de la culture, de la santé et de l'environnement, elle contribue à favoriser les échanges SudSud et à forger, par là-même, une communauté de compétences autour du développement.
Dans les prochaines années, le continent africain va connaître une révolution démographique qui portera sa population, selon les spécialistes, à 2 milliards d'habitants. Les besoins de formation vont dès lors être immenses. C'est pourquoi l'université de la Francophonie pour l'Afrique aborde naturellement une évolution, une adaptation, rendue indispensable, afin d'apporter, à sa place et selon ses moyens, une réponse efficace à ces nouveaux besoins.
Contrainte, lors de chaque campagne de recrutement, de refuser plus de 2 000 candidatures, notre université a entrepris de se rapprocher des publics qui ne peuvent pas ou qui ne souhaitent pas, pour des raisons diverses, venir en Égypte, en ouvrant des formations tant au Maghreb que dans la partie subsaharienne du continent.
L'Université Senghor s'externalise donc sur des « campus Senghor » qui ont vocation à accueillir et à former, sur place, des étudiants de haut niveau, dans une période où les déplacements du sud au nord sont rendus très difficiles. Cette formule permet, par sa souplesse, de décupler et d'adapter l'offre de formation aux besoins du terrain sans jamais sacrifier notre exigence d'excellence. Les campus Senghor sont des modèles d'excellence en Afrique tant en raison de la qualité de l'enseignement qui y est dispensé que parce que nos emplois du temps sont impératifs et non indicatifs. L'Université Senghor d'Alexandrie garde le contrôle total du pilotage, l'entière maîtrise académique, pédagogique, administrative et financière de ses externalisations dans une construction rationnelle, cohérente et solidement articulée.
En mutualisant les coûts entre établissements partenaires et en facilitant l'accessibilité des formations aux étudiants et aux cadres du public et du privé, qui font l'économie d'un déplacement coûteux et incertain en Europe ou en Amérique du Nord, les campus Senghor offrent encore plusieurs atouts majeurs. Ils font ponctuellement appel aux ressources professorales et à l'expertise professionnelle locale, assurant ainsi l'entière adéquation des enseignements dispensés aux réalités nationales et le désenclavement des professeurs africains désormais reliés aux réseaux universitaires de Senghor. Ils forment les spécialistes qui font défaut aux universités africaines. Nous partons des formations dont le pays a besoin et qu'il ne parvient pas à mettre en place faute des spécialistes adéquats. Nous montons alors une formation en master doctorant avec les professeurs locaux qui peuvent y intervenir et nous faisons venir les autres professeurs du monde francophone. Cette coopération porte en elle-même sa propre fin puisque, une fois formés, ces spécialistes peuvent remplacer ceux des campus Senghor. Nous partons lorsque les besoins sont satisfaits.
Ainsi, à la rentrée, nous allons ouvrir au Togo, en collaboration avec le Conservatoire national des arts et métiers (CNAM) et l'École internationale d'urbanisme et d'architecture de Lomé, un master de mobilité urbaine afin de former des cadres qui soient capables de concevoir des politiques de transports urbains. Et lorsque, au bout de trois ans, nous aurons formé une cinquantaine de personnes, le campus fermera, car nous souhaitons seulement former des personnes susceptibles d'être recrutées par le ministère des transports, par les sociétés de transport ou par la municipalité de Lomé. La plupart de nos étudiants sont d'ailleurs déjà dans l'administration : nous comptons parmi eux des médecins, des avocats et des contrôleurs des finances qui souhaitent se perfectionner. Nous allons ainsi accueillir en master de santé publique un professeur agrégé de médecine, chirurgien à l'hôpital de Lomé, souhaitant se porter candidat à l'Organisation mondiale de la santé. Tous les étudiants qui rentrent à l'Université Senghor ont au minimum une expérience professionnelle d'un an. Quatre Campus Senghor sont actuellement ouverts à Abidjan, à Ouagadougou, au Maroc et à Djibouti. Des pourparlers sont en cours pour Saint-Louis du Sénégal, Tunis, le Bénin et le Niger. Ces campus sont autofinancés. Nos ressources ne nous permettraient pas de leur apporter des subventions étatiques.
Compte tenu des missions qui lui ont été confiées et de son développement accéléré, l'administration de l'Université Senghor relève davantage de l'administration de mission que d'une structure classique.
L'université est dirigée par un président et un recteur, tous deux nommés par un conseil d'administration comprenant quinze administrateurs représentants des États contributeurs et bénéficiaires, et l'Organisation internationale de la francophonie (OIF). Un conseil académique adresse ses recommandations et conseils au recteur sur les plans pédagogique et scientifique. Conseil d'administration et conseil académique se réunissent deux fois par an : une fois à Paris, une fois à Alexandrie. Le président est un facilitateur auprès des autorités égyptiennes ; il exerce des fonctions de représentation. C'est le recteur qui dirige l'université : il met en oeuvre son plan stratégique, assure l'ordonnancement des dépenses et des recettes et recrute le personnel. À son cabinet est rattachée la cellule de décentralisation et des campus, qui gère les formations externalisées depuis 2014. Elle est dirigée par un professeur d'université.
Sur le plan académique, sous l'autorité du recteur, quatre directeurs coordonnent les activités des départements pédagogiques de l'université : administration-gestion, environnement, santé et culture. Ils sont nommés par le recteur et disposent d'un secrétariat pour les assister. Un cinquième département assure des missions transversales dans le secteur des formations à distance (FOAD) et technologies de l'information et de la communication (TICE) ; il est étroitement imbriqué avec le campus numérique de l'Agence universitaire de la francophonie (AUF). L'essentiel du financement de ce département - son matériel et son personnel - est assuré par l'Université Senghor.
Sur le plan administratif et technique, l'université est organisée autour d'un service intérieur, d'une comptabilité et d'un service du personnel et des achats, chacun dirigé par un directeur. L'administration de l'université Senghor apparaît dès lors peu importante eu égard à la multiplication de ses tâches, qui résulte de son développement accéléré : alors que nous avions 140 étudiants en 2009, nous en comptons aujourd'hui 1 022, campus inclus. L'objectif présenté par l'Université Senghor au Conseil permanent de la Francophonie (CPF) est de former 10 000 cadres supérieurs africains au cours de la prochaine décennie – contribution modeste, mais importante à la fois. Car ce sont des cadres de très haut niveau qui sortent de l'Université Senghor avec une formation technique, mais aussi éthique.