Il importe de distinguer entre, d'une part, l'Institut français installé à Paris, qui est un établissement public ayant pour mission d'aider l'ensemble du réseau – instituts et Alliances – à développer des actions culturelles, et, d'autre part, les instituts français locaux, qui relèvent du ministère des Affaires étrangères. À l'étranger, il est très rare que les Alliances et les instituts soient implantés dans une même ville, et il n'y a donc aucune raison de les marier.
Le problème que vous soulevez concerne davantage les rapports entre les Alliances et les services culturels des ambassades, désignés eux aussi sous le nom d'instituts français - ce qui crée une confusion. Par ailleurs, si les Alliances et ces services ont des champs d'action bien distincts, ils sont en concurrence dès lors qu'il s'agit d'obtenir des financements. Cela génère des tensions d'autant plus préjudiciables aux Alliances que les conseillers culturels, qui sont de facto les supérieurs hiérarchiques des directeurs d'Alliance détachés, peuvent choisir de se réserver telle ou telle source de financement. Il serait donc souhaitable que le ministère établisse des règles de répartition du mécénat.
En ce qui concerne le réseau des Alliances en Europe, il est en effet dense mais fragile, pour la simple raison qu'il est sous-encadré : l'Europe est en effet le continent qui compte le plus grand nombre d'Alliances françaises et le moins de directeurs détachés parce que la France a choisi de créer des instituts français dans presque toutes les capitales. Lorsque la capitale possède un institut français d'importance, les Alliances sont reléguées en province où, privées de la locomotive de la capitale, sans gros moyens et installées dans des villes parfois peu porteuses, elles doivent faire avec les moyens du bord.
Cela étant, le ministère a déjà commencé, il y a une dizaine d'années, à réduire le nombre des instituts en Europe, comme ce fut le cas en Allemagne mais aussi à Gênes, à Turin ou à Porto, villes où des Alliances les ont remplacés. Les équilibres sont donc en train de se modifier, mais il est clair que les Alliances gagneraient à s'implanter davantage dans les capitales à partir desquelles elles peuvent entraîner le reste du réseau.
Il faut néanmoins se garder d'imaginer que l'Alliance française pourrait miraculeusement se substituer partout aux instituts. À Édimbourg, par exemple, nous avons refusé de le faire, car l'État doit comprendre qu'il ne peut confier à une Alliance toutes les missions d'un institut en faillite sans lui en transférer les moyens ! En l'espèce, les trois détachements et la subvention étaient supprimés mais l'on nous proposait l'usage des locaux… contre loyer. À Turin ou à Gênes en revanche, l'opération a pu se faire grâce à l'aide de l'ambassade et des municipalités. Les décisions se prennent donc au cas par cas, en fonction de la viabilité financière des projets. Nous avons ainsi renoncé à ouvrir une Alliance à Luxembourg, par manque de ressources, car les Luxembourgeois bénéficient par ailleurs de cours gratuits organisés par l'État.