Les activités humaines qui créent de la valeur économique, par la transformation de la ressource ou de l'information ou par la recherche, peuvent avoir une valeur économique, potentielle ou effective, marchande ou non marchande. L'ensemble des États membres de l'Union européenne considère que ces activités doivent être protégées au plan juridique. Elles le sont du reste, via des législations différentes selon les pays, les uns étant plus respectueux de l'ensemble des libertés que les autres – je pense plus particulièrement à la liberté d'information.
Il est nécessaire de protéger juridiquement ces activités parce que, chacun le sait, nous sommes, plus encore aujourd'hui qu'hier, dans une société de l'innovation et de la rupture technologique : les modes opératoires, les savoir-faire et les modes d'organisation, tout au long des chaînes de valeur, y sont les conditions de la création des richesses et y déterminent l'avantage compétitif.
Tous les modes de création de valeur, de la recherche jusqu'à l'activité finale sur les marchés, relèvent de l'intelligence économique, qui connaît des processus de concurrence si forts que la guerre économique peut prendre des formes aussi bien légales qu'illégales. Ainsi, chacun sait que les entreprises peuvent subir des attaques illégales, notamment de leurs systèmes d'information, visant à divulguer leurs secrets d'affaires.
L'Union européenne a considéré que légiférer sur le secret d'affaires relève de l'urgence, ce qui permettra notamment d'adapter le droit français. La France a déjà inscrit dans la loi la protection du droit de propriété et des modes opératoires – les enveloppes Soleau par exemple – ces dispositifs permettent de protéger une partie des process de mise en oeuvre de la valeur économique.
Le secret des informations économiques sensibles doit être mieux protégé, d'autant que notre société de l'innovation est également une société de l'information. Tenir un secret est plus difficile aujourd'hui qu'auparavant, à la fois techniquement et politiquement. De plus, les « affaires » sont de moins en moins tolérées par l'opinion : les journalistes et les lanceurs d'alerte jouent un rôle démocratique lorsqu'ils dénoncent les scandales économiques. Toutefois, jusqu'où peuvent-ils le remplir ? Convient-il de prévoir une limite et laquelle ? Ces débats sont sous-jacents au texte proposé par l'Union européenne.
L'irruption de la société civile et de la société de l'information et du débat dans le milieu économique est à double tranchant. Le premier risque est celui de la marchandisation du secret d'affaires : le détenteur de l'information joue un rôle de prédateur des informations sensibles de la chaîne de valeurs. Le second risque est celui d'une dérive des lanceurs d'alerte qui, agissant au nom de leur propre éthique, peuvent mettre en péril l'activité d'une entreprise sans que leur alerte corresponde à la défense d'un véritable intérêt public. La bonne foi des lanceurs d'alerte, via les informations qu'ils divulguent, peut porter atteinte à la valeur économique des fruits du travail et de la réflexion d'autrui.
La directive doit donc trouver le bon équilibre – c'est toute sa difficulté. Elle doit protéger efficacement les informations sensibles, pour que les entreprises puissent résister à la concurrence internationale, mais sans pouvoir abuser de cette protection aux dépens des libertés fondamentales. Il convient en conséquence de protéger efficacement contre le risque de poursuites judiciaires les journalistes, les lanceurs d'alerte ou les représentants de salariés, s'ils ont connaissance d'un danger éventuel pour la société.
C'est autour de ces éléments que Mme Linkenheld, au nom de la Commission des affaires européennes, a établi ses réflexions et ses propositions, que je partage largement, dans un contexte de concurrence qui ne doit pas omettre la protection des droits fondamentaux. Mes amendements à sa proposition de résolution permettront d'alimenter le débat