Intervention de Audrey Linkenheld

Réunion du 30 juin 2015 à 16h30
Commission des affaires économiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAudrey Linkenheld, rapporteure de la Commission des affaires européennes :

C'est en 2013, monsieur Herth, que la Commission européenne a mis sur la table cette proposition de directive : voilà donc deux ans qu'elle fait l'objet de discussions. Dans le cadre du dernier Conseil de l'Union européenne, la France a fait valoir des dispositions relatives à la liberté d'information, aux lanceurs d'alerte et aux questions d'ordre procédural. En effet, le projet de directive vise à faciliter l'innovation, la recherche et le développement grâce à une définition commune du secret d'affaires – cette définition n'existe pas encore. Il convient également de prendre les mesures permettant de prévenir, voire de sanctionner, la divulgation ou l'obtention illicite du secret d'affaires ainsi défini, ce qui renvoie à des procédures judiciaires. Or, aujourd'hui, lorsqu'une entreprise attaque un concurrent pour divulgation de secret d'affaires, le procès lui-même a pour conséquence d'aggraver la divulgation puisque aucune confidentialité n'est prévue. La directive cherche donc à établir un équilibre non seulement entre les droits économiques et les droits fondamentaux que je nomme sociétaux – ceux de la presse, du syndicalisme ou des salariés –, mais également entre le principe du contradictoire et le principe de confidentialité. Plusieurs propositions de la France en ce sens ont été reprises dans le texte issu de la Commission des affaires juridiques du Parlement européen, qui s'est réunie le 16 juin dernier, grâce aux amendements de compromis présentés par la rapporteure Mme Le Grip. Nous devons nous en réjouir, même si nous ne sommes pas arrivés en fin de processus.

Mme Le Grip a reçu en effet de la part de la Commission des affaires juridiques un mandat pour mener le « trilogue », au nom du Parlement européen, avec la Commission européenne et le Conseil de l'Union européenne, au moment où le Luxembourg s'apprête à prendre la présidence du Conseil, ce qui peut, tout aussi bien, être encourageant ou laisser dubitatif. C'est précisément parce que plusieurs des propositions françaises ont été adoptées par le Parlement européen que sa rapporteure a besoin d'être confortée pour tenir ses positions. En effet, dans le cadre de négociations, surtout à trois, chaque partie peut être amenée à faire des compromis. Si nous voulons que Mme Le Grip soit suffisamment forte pour amener la Commission et le Conseil à accepter le compromis proposé par le Parlement européen, il nous faut conforter, je le répète, la position de nos collègues, dont les groupes parlementaires correspondent à ceux du parlement français. C'est pourquoi nous avons tout intérêt à adopter une proposition de résolution française qui aille dans le même sens.

Le premier « trilogue » se déroulera en juillet, peut-être en septembre, en tout cas, dans les tout prochains mois. Il nous faut sécuriser les négociations en amont, sachant que nous aurons à transposer, le moment venu, la directive européenne en droit français.

Il est vrai, monsieur le président, que nous avons déjà évoqué le sujet lors de l'examen, en première lecture, du projet de loi dit Macron. Cette proposition de résolution, toutefois, ne concerne pas un texte national mais un projet de directive européenne. C'est ce que je me suis efforcée d'avoir à l'esprit à chaque ligne que j'ai rédigée de la proposition de résolution. Si nous pouvons en effet être relativement rassurés sur l'équilibre que la France peut instaurer entre les droits économiques et la liberté de la presse, la liberté d'expression, la liberté syndicale et la liberté des salariés, il n'en est pas de même de certains autres États membres de l'Union européenne, même si tous doivent respecter la Charte des droits fondamentaux. C'est à eux que j'ai pensé en proposant, notamment, la neutralisation des journalistes, considérant que la directive sur le secret d'affaires ne doit pas s'appliquer à eux.

J'ai procédé à une vingtaine d'auditions. Les avocats d'affaires m'ont assurée que la neutralisation des journalistes ne pose aucun problème à leurs yeux. Si la question des lanceurs d'alerte a été traitée en France, elle ne l'a pas été à l'échelle européenne : nous devons nous montrer d'autant plus vigilants sur la question que les lanceurs d'alerte sont souvent les sources des journalistes. Il convient donc de sécuriser l'ensemble du processus.

La Commission des affaires juridiques a également adopté des dispositions favorables aux salariés, le 16 juin – date à laquelle je n'avais pas encore rédigé ma proposition de résolution.

Madame Erhel, la proposition de directive sur le secret d'affaires tend notamment à traiter le cas de ceux qui aujourd'hui ne sont pas facilement couverts par le droit de la propriété intellectuelle. Il cible tout d'abord les petites entreprises qui hésitent à déposer un brevet ou à faire jouer le droit d'auteur, les services et la recherche immatérielle. La définition du secret d'affaires que la directive propose couvre le champ que vous avez évoqué.

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