Intervention de Roger-Gérard Schwartzenberg

Séance en hémicycle du 13 décembre 2012 à 9h30
Projet de loi de finances pour 2013 — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaRoger-Gérard Schwartzenberg :

Monsieur le ministre, alors que nous arrivons au terme du marathon budgétaire commencé au début du mois d'octobre, je veux d'abord, sur un plan personnel, saluer votre compétence, votre efficacité et votre pugnacité. L'action d'un ministre du budget est toujours difficile tout au long des étapes du parcours budgétaire. Lors conférences budgétaires à Bercy, il doit d'abord cadrer ses collègues dits ministres dépensiers et ensuite canaliser leurs demandes puis leurs doléances, parfois fondées, parfois excessives au regard des ressources de l'État, nécessairement limitées.

Il doit ensuite, au Parlement, faire face aux amendements en rafale des députés et des sénateurs.

Nous voici donc de nouveau ensemble pour une nouvelle lecture de ce projet de loi de finances pour 2013. Il vise au nécessaire redressement des comptes publics pour mettre fin aux dérives du quinquennat précédent ; d'où un effort global de 30 milliards d'euros.

Les radicaux de gauche, fidèles au mendésisme, partagent bien sûr cette volonté, cet objectif de redressement. Toutefois, les moyens retenus pour l'atteindre appellent parfois certaines réserves.

Ainsi, l'augmentation des impôts sur les ménages – 10 milliards d'euros – et sur les entreprises – 10 milliards d'euros également – fournira les deux tiers de cet effort de redressement budgétaire, et les économies sur les dépenses publiques un tiers seulement ; bref, deux tiers de rigueur pour autrui, et un tiers pour soi-même, c'est-à-dire pour l'État.

Cette répartition inégale entre la hausse des impôts et la baisse des dépenses est-elle la plus efficace ? On peut en douter.

D'une part, en effet, le pourcentage des prélèvements obligatoires atteint déjà 44,9 % du PIB en 2012. Il atteindra, on le sait, 46,3 % l'an prochain, ce qui est un niveau évidemment très élevé. En effet, ce budget propose d'augmenter les impôts de 23,4 milliards d'euros en 2013, soit 20 milliards dans ce projet de budget et 3,4 milliards dans le PLFSS, qui comporte un cocktail de hausses variées et diffuses. L'addition est donc un peu lourde.

D'autre part, de leur côté, les dépenses publiques diminueraient certes de 10 milliards, ce qui est important ; mais même ainsi, la France devrait rester, après le Danemark, le deuxième pays de l'OCDE pour le rapport des dépenses publiques au PIB, qui s'établit aujourd'hui à 56,3 %.

Autre observation : ce qui frappe, par ailleurs, c'est la différence, voire la discordance, entre ce projet de budget 2013, examiné par l'Assemblée nationale depuis le 15 octobre, et les décisions plus récentes prises ou annoncées par l'exécutif ; discordance spécialement sur la fiscalité.

Ce projet de budget augmente les impôts sur les entreprises de 10 milliards d'euros, mais la dernière loi de finances rectificative pour 2012, votée avant-hier par notre assemblée, institue un crédit d'impôt qui allège les charges de 10 milliards pour les entreprises sous forme de créances fiscales sur l'État en 2013. Bref, à terme, une opération blanche pour le monde de l'entreprise, en tout cas considérée globalement : 10 milliards d'impôts en plus d'un côté, 10 milliards d'impôts en moins de l'autre ; une maille à l'endroit, une maille à l'envers !

Il n'est pas sûr que cette démarche, certes originale, soit absolument logique. En tout cas c'est une première : pour la première fois en effet, on appliquera la politique du stop and go, non pas successivement, mais simultanément. Manifestement, on laisse de côté le vieil adage, seulement juridique il est vrai, qui limite la révocation des donations : « donner et retenir ne vaut ».

Si on fait le bilan des mesures fiscales prises depuis six mois, on arrivera quasiment à un jeu à somme nulle pour les entreprises, entre les prélèvements instaurés depuis juin et le crédit d'impôts compétitivité emploi.

D'un côté, le collectif budgétaire de l'été 2012, avec 4,4 milliards d'euros environ en 2013 ; le présent projet de loi de finances 2013, avec 10,4 milliards d'euros, et le PLFSS 2013, avec 1,1 milliard. Le total pour les entreprises s'élèvera donc à environ 16 milliards – 15,9 milliards exactement – de prélèvements en plus l'an prochain.

De l'autre côté, le crédit d'impôt créé par le projet de loi de finances rectificative voté par l'Assemblée nationale avant-hier, se traduira lui par un allègement d'impôt de 20 milliards, jouant à plein à partir de 2015. Ce crédit d'impôt effacerait donc globalement les hausses d'impôts sur les entreprises décidées par ailleurs.

Bref, le bilan final de ces mesures concernant les entreprises, annoncées par le Gouvernement depuis six mois, sera globalement neutre avec cette opération en deux coups : un coup à la hausse qui affecte leurs comptes, un coup à la baisse qui les rétablit – donc un partout, autrement dit : zéro.

En revanche, le surcroît de taxes et d'impôts décidé pour les particuliers depuis l'été 2012 ne sera pas compensé, lui, par des baisses futures. À la différence des entreprises, les ménages vont subir une hausse globale de taxes ou d'impôts d'environ 15 milliards en 2013, selon la nomenclature de Bercy, à quoi s'ajouteront les hausses de TVA – 7 milliards en 2014 – et de fiscalité écologique – 3 milliards en 2016 – pour financer le crédit d'impôt compétitivité emploi.

Même si la fiscalité verte devrait peser davantage sur les entreprises que sur les particuliers, cela aboutira à une hausse des prélèvements d'environ 20 milliards pour les ménages.

En résumé, les entreprises sauvent la mise, mais les ménages subissent un choc fiscal de grande ampleur. On peut appeler cela une révolution copernicienne – quelqu'un l'a dit, je crois – mais on peinerait à voir dans cette révolution une réforme de gauche favorable aux ménages.

Nous voterons tout de même ce budget ; nous le ferons, parce qu'il stabilisera, voire réduira les crédits de secteurs non essentiels, et parce qu'il accordera, à juste titre, des moyens accrus aux vraies priorités comme l'éducation et la justice.

Il faudrait à l'avenir ajouter une priorité supplémentaire : la santé, avec l'égal accès de chacun aux soins, quel que soit son niveau de revenus. Le droit à la santé pour tous doit être un fondement essentiel du pacte républicain.

Le rôle de notre majorité est de bâtir une société plus juste et plus humaine, une société qui soit réellement attentive à chacune et à chacun ; bref, une société plus fraternelle.

Alors, si le changement, ce n'est pas exactement maintenant, il faut espérer qu'il interviendra demain.

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