Intervention de Hervé Guyomard

Réunion du 20 novembre 2012 à 11h00
Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques

Hervé Guyomard, directeur scientifique en charge de l'agriculture :

- La diversité des domaines de recherche de l'INRA et de ses missions induit celle de ses résultats, et la méthode d'évaluation des impacts doit être chaque fois adaptée.

Une mesure objective de ces impacts doit prendre en compte la compétitivité des activités économiques. Ainsi, le taux de rendement « économique » de la recherche agronomique est évalué à 40 % par l'OCDE. Sous l'hypothèse d'un taux d'intérêt de 4 %, investir 1 euro dans la recherche agronomique rapporterait donc 10 fois plus, soit 10 euros. Cette évaluation se heurte à quatre difficultés : l'attribution des effets, le décalage temporel des impacts, la défaillance de l'aval et la distinction entre impacts marchands et non marchands.

L'INRA essaye de mettre en oeuvre une méthodologie originale d'évaluation des impacts sur la base d'études de cas, une quinzaine à ce jour, et d'une analyse transversale, en cours, par agrégation de ces dernières, permettant d'intégrer l'ensemble des impacts, marchands et non marchands (environnementaux, sociaux, politiques, culturels). Un colloque international aura lieu les 27 et 28 novembre 2012 à Paris sur ce sujet.

Je vais à présent présenter quelques exemples d'impacts.

Une première illustration des impacts de nos travaux concerne l'évaluation des risques d'exposition aux perturbateurs endocriniens, tout particulièrement au bisphénol A (BPA) qui a fait l'objet d'une première communication de l'INRA en 2000. À partir de 2006, l'institut a réorienté ses recherches vers les effets, jusqu'alors peu étudiés, sur les organes intestinaux. Dès fin 2009, l'institut a ainsi contribué à la mise en évidence de risques, au travers de publications sur la barrière intestinale, le stockage des lipides dans le foie et le passage par la voie cutanée. Ces résultats ont permis d'informer l'ANSES, les industriels et les associations. Ils ont également contribué à faire évoluer la législation, avec la suspension de l'utilisation du BPA dans les biberons (loi de juillet 2010) et, à terme, dans tout contenant alimentaire.

Dans le domaine des énergies renouvelables, l'INRA a apporté son soutien à une industrie naissante, en l'occurrence la filière biogaz française, conformément aux objectifs politiques fixés à l'horizon 2020, soit 23 % d'énergies renouvelables ainsi qu'une multiplication par cinq de l'électricité et par sept de la chaleur issues du biogaz. Le laboratoire de biotechnologie de l'environnement de Narbonne, dédié depuis 1975 au traitement des déchets, avait développé en 1993 le procédé Provéo, permettant d'accroître de 20 % le rendement de la méthanisation. Un contexte favorable et l'appui apporté par l'INRA, sous forme de transfert de technologie, a permis la création d'une start-up, Naskéo. Aujourd'hui, les installations conçues par celle-ci traitent annuellement 140.000 tonnes de déchets, soit 10 % du marché français.

En matière de génétique animale, l'INRA avait joué un rôle essentiel dans l'élaboration de la loi agricole de 1966. Les recherches menées à partir du début des années 90 ont permis à l'INRA de devenir l'un des acteurs majeurs de la génomique animale qui permet de mesurer les performances d'un animal dès la naissance et d'accélérer ainsi le rythme du progrès génétique. La démarche de l'INRA, conjuguant, en partenariat étroit avec les entreprises de sélection, les coopératives agricoles et les éleveurs, connaissances fondamentales et mise au point d'instruments ainsi que de dispositifs, a permis aux semences de taureaux « génomiques » de conquérir 60 % du marché de l'insémination artificielle. Sur une décennie, la valeur nette de cette innovation représente plus de deux milliards d'euros.

S'agissant de la protection de l'environnement, suite à l'étude ESCo publiée, à la demande des ministères en charge de l'Agriculture et de l'environnement, en décembre 2005, l'INRA s'est vue confier, par les mêmes ministères, en janvier 2010, l'étude Ecophyto R&D, destinée à proposer des scénarios de réduction d'usage des pesticides. Cette dernière a montré que l'usage des pesticides pouvait être réduit jusqu'à 30 % sans affecter les rendements, mais qu'au-delà, des recherches complémentaires s'avéraient nécessaires. Parallèlement, le Grenelle de l'environnement a fixé un objectif de diminution de ces usages de 50 % en 10 ans qui a conduit au lancement du plan Ecophyto 2018 dont l'institut est l'un des partenaires.

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