Certains pays seraient prêts à acheter un fer à repasser au prix d'un avion de combat pour acheter avec lui la protection du parapluie américain – réelle ou illusoire. La vente d'un avion de combat est un acte politique, qui ne peut se faire qu'en direction d'un pays avec lequel nous avons une relation stratégique.
En termes d'efficacité export, la stratégie est simple : chacun doit jouer son rôle - aux politiques, la politique ; aux industriels, l'industrie et le commerce. Or, on a assisté dans le passé à un mélange des genres : les politiques et l'administration ont fait du commerce, ce qui est une catastrophe. Les politiques doivent donc créer l'environnement permettant une bonne relation – et si possible une relation stratégique – avec les clients potentiels, et nous devons quant à nous défendre notre produit et négocier nos prix. Le Président de la République et le ministre de la défense me semblent partager ce point de vue.
Pour ce qui est de Thales, il n'est pas certain qu'un éventuel changement de gouvernance au milieu du gué facilitera les choses. Si quelqu'un a une réponse à cette question, ce sont les clients.
Si aucun Rafale n'a été exporté à ce jour, force est de constater que les deux marchés obtenus à l'export par l'Eurofighter ont soulevé des interrogations largement relayées par la presse : pour le contrat saoudien, une enquête de Serious Fraud Office (SFO) aurait été arrêtée sur décision du Premier ministre britannique et, pour le contrat autrichien, une enquête serait en cours. Notre score est certes moins bon que celui de l'Eurofighter, mais nous avons été préservés de ces dérives par la législation de notre pays et sans doute devrais-je vous remercier d'avoir introduit dans le droit français, pour renforcer la réglementation adoptée par l'OCDE, les dispositions qui s'appliquent au grand banditisme. Je précise pour finir sur ce point que le F-22 n'a pas été exporté et que, pour le F-35, tous les pays désireux de bénéficier du parapluie américain ont participé à ce programme, versant pour son développement 8 milliards de dollars au bureau d'études de Lockheed, avec pour contrepartie la possibilité de concourir ultérieurement à la phase d'industrialisation s'ils sont compétitifs, ce qui au regard de la parité euro-dollar est loin d'être garanti…
À l'export, je n'attends rien d'autre de l'État qu'un soutien pour l'exportation – nous y avons un intérêt commun, en termes de chiffre d'affaires pour Dassault et, pour l'État, d'emplois et de recettes fiscales ou parafiscales.
Les transferts de technologies concernent pratiquement tous les domaines, sans restrictions, car l'évolution de ces technologies nous permettra de conserver une avance – pour autant, bien entendu, que nous ayons pu maintenir nos compétences.
Quant aux moyens de nos concurrents, l'un des principaux dont disposent les États-Unis est le dollar. Ainsi, pour la négociation du marché brésilien, nous avons l'avantage de la compétence, mais le prix du Rafale, initialement inférieur à celui de son concurrent américain, est finalement supérieur en raison de l'incidence des taux de change.