Je dirige une entreprise familiale de décolletage, située en Haute-Savoie. Cette activité consiste à fabriquer des petites pièces métalliques de très haute précision. Baud Industries, l'un des leaders français de cette branche, travaille pour le secteur automobile – la moitié de notre production lui est destinée –, la connectique, le médical et l'horlogerie. Notre groupe est constitué de huit entreprises, dont trois sont installées en France, deux en Suisse, une en Pologne, une à Singapour et une en Tunisie.
Six cents entreprises de décolletage travaillent en France, dont 400 dans la vallée de l'Arve qui concentre la plus forte densité d'activité dans ce domaine au monde. Elles emploient 14 000 personnes et réalisent un chiffre d'affaires cumulé de 2 milliards d'euros. Leurs concurrents sont mondiaux, les plus directs se situent en Allemagne mais aussi Outre- Atlantique et en Asie.
Le SNDEC a mis en place un groupe chargé d'évaluer le coût du travail en France et en Allemagne ; il en a comparé les résultats avec le ministère allemand de l'industrie qui a conduit la même étude. Il en ressort qu'un salarié travaillant dans le secteur du décolletage coûte 44 000 euros par an, charges comprises, à son entreprise en France, contre 34 000 euros en Allemagne. Cette différence ne s'explique pas par les salaires bruts, dont le niveau – comparable dans les deux pays – atteint, en moyenne, 26 % du chiffre d'affaires de l'entreprise. L'écart provient des charges sociales qui représentent 10 % du chiffre d'affaires des sociétés françaises, contre seulement 5 % en Allemagne. Le taux de rentabilité est donc supérieur chez nos voisins, puisqu'il était compris, en 2010, dans une fourchette de 6 % à 7 % du chiffre d'affaires, contre 1,5 % à 2 % en France. Les marges de nos concurrents, trois fois plus fortes que les nôtres, leur permettent d'innover, de se développer, de recruter et de former davantage que nous pouvons le faire.
Nous avons accueilli très favorablement le rapport Gallois, mais sommes plus réservés sur les mesures prises par le Gouvernement. Les salaires allant jusqu'à 3,5 SMIC auraient dû entrer dans le champ du dispositif. Le pacte pour la compétitivité ne cible pas suffisamment l'industrie, puisque l'allègement qu'il génère représente 3,3 % de la masse salariale brute dans cette branche contre 4,3 % pour le commerce et 5 % pour les services. Ce sont donc des entreprises moins soumises à la concurrence internationale qui vont bénéficier principalement du CICE. Ce dispositif constitue une première étape certes utile, mais nettement insuffisante pour stimuler la compétitivité des entreprises françaises qui, seule, leur permettra de maintenir et de développer leur activité en France.