Soixante-quinze entreprises constituent le tissu de l'industrie poissonnière, dont nous ne savons pas très bien si elle dépend du ministère des transports, de la mer et de la pêche ou de celui de l'agroalimentaire. Ce secteur emploie 12 000 personnes. Il élabore des produits – conserves de poisson, saumon et truite fumés, surimi, crevettes cuites ou aliments des Traiteurs de la mer – qui sont consommés pratiquement tous les jours par nos concitoyens. Chancerelle est un petit groupe familial breton, qui possède la plus ancienne conserverie de sardines encore en activité dans le monde – elle date de 1853. Nous produisons 80 millions de boîtes en France grâce au travail de 320 personnes, dont 70 % de femmes. Les conserves de sardines sont fabriquées à la main au cours d'un processus peu mécanisé. Nous privilégions les produits de qualité type « Label rouge » et « Pêche durable ».
Notre problème majeur, c'est la matière première, qui représente entre 45 % et 65 % du prix de revient. En effet, du fait de la baisse de la demande mondiale et de l'instauration de quotas, le prix du thon et de la sardine a augmenté de 60 % en deux ans. L'augmentation du prix du métal et du bisphénol A (BPA) – facteurs totalement exogènes – pèse également sur nos coûts. Les dépenses liées à l'éco-emballage ont progressé de 65 % en deux ans et celles liées au transport de 5 % à 8 %. Nous devons en outre faire face à des coûts – comme les frais liés à la logistique – transférés par nos clients. Enfin, les entreprises du secteur ont dû embaucher des juristes pour faire face à la multiplication des litiges. Ces dépenses supplémentaires n'étant pas répercutées dans les prix de vente, les marges des entreprises se réduisent, ce qui pose la question de la survie de notre activité.
L'augmentation globale de ces frais atteint 4,5 % à 5 %, alors que le gain escompté du CICE ne dépassera pas 0,3 % pour mon entreprise. Quant à l'écart du prix de revient entre la France et le Maroc – notre principal concurrent – s'élève à 40 %, dont 70 % sont dus aux matières premières, le reste provenant du coût horaire de la main-d'oeuvre, onze fois inférieur au Maroc.
Le groupe Chancerelle a prouvé, depuis près de 160 ans, que la qualité permettait de vendre les produits plus chers. Cela nécessite un dialogue que nous parvenons à mener avec des enseignes étrangères, mais pas avec des établissements français. La démarche de négociation constructive échoue en France, ce qui n'est pas le cas dans les autres pays. C'est d'autant plus préjudiciable que, pour exporter, nos entreprises doivent être fortes en France et gagner de l'argent, c'est-à-dire avoir un taux de marge élevé.