Intervention de Yves l'épine

Réunion du 6 décembre 2012 à 9h30
Mission d'information sur les coûts de production en france

Yves l'épine, directeur général du groupe Guerbet :

L'entreprise familiale Guerbet est implantée depuis longtemps en Seine-Saint-Denis. Elle évolue dans le domaine de l'imagerie médicale de pointe. Seules cinq entreprises dans le monde sont capables de développer les mêmes produits que les nôtres – à savoir les produits que l'on injecte dans le corps humain pour procéder à des scanners à rayons X ou à des IRM. Comme l'ont reconnu le rapport Gallois et le pacte de compétitivité annoncé par le Premier ministre, la filière de la santé est porteuse d'avenir du fait, notamment, du vieillissement de la population.

Parmi les 1 400 personnes que Guerbet emploie, 1 000 personnes qui travaillent en France, dont 600 dans le Bassin parisien, notamment en Seine-Saint-Denis. Les cinq sites de production – dont quatre se situent en France – ont généré un chiffre d'affaires de 380 millions d'euros en 2011 et une croissance de 5 % cette année, niveau légèrement inférieur à celui de nos concurrents. Les exportations génèrent 70 % du chiffre d'affaires du groupe. La compétitivité est donc un enjeu majeur, dont l'étalon de mesure doit être la balance commerciale. Un dixième du chiffre d'affaires et 200 collaborateurs sont mobilisés pour la recherche et développement (R&D), car l'entreprise se positionne sur une production de haut de gamme.

L'entreprise est performante dans les secteurs de pointe de son activité, là où les compétences des ingénieurs biomédicaux et le génie créatif latin permettent à nos produits de se différencier. Pour ceux qui ne peuvent l'être, le prix est le premier critère de réussite, et notre groupe se trouve handicapé sur ce terrain-là.

Le résultat opérationnel est relativement faible – inférieur à 6 % lors des deux derniers exercices –, alors qu'il se monte à près de 12 % dans les entreprises génériques – qui n'utilisent que des copies – et à 20 % dans la pharmacie. Malgré cette insuffisance, la stratégie du groupe est ambitieuse, puisque celui-ci a investi 197 millions d'euros en France en sept ans et a créé beaucoup d'emplois. Aujourd'hui, le groupe est malheureusement fortement endetté, car il ne dégage pas les marges d'autofinancement nécessaires à la réalisation de ses investissements.

M. Benhamou a raison de regretter que les marchés publics français ne puissent pas privilégier les entreprises locales. Celles qui procèdent à des investissements, à des embauches, et qui lancent de nombreux projets de recherche ne sont pas reconnues par la procédure de la commande publique en France. Le Gouvernement semble conscient de ce problème et cette Mission devrait s'assurer de la mise en oeuvre de réponses efficaces.

L'évolution du coût des matières premières est très défavorable : le prix de l'iode a doublé en deux ans et celui du gadolinium – provenant uniquement de Chine – subit de fortes variations.

Le CICE est un dispositif intéressant, mais il nous permettra à peine de compenser l'alourdissement des charges sociales décidé au cours de ces derniers mois. Son impact net en termes de compétitivité est donc faible voire quasiment nul.

L'un des handicaps principaux de l'économie française réside dans la grande complexité de son droit du travail. Le Global Competitiveness Report, rédigé par le Forum économique mondial, classe la France au 137e rang sur 144 pays pour les relations entre les employeurs et les employés et à la 141e place pour la flexibilité du marché du travail. Il s'agit d'un frein puissant à la baisse des coûts de production en France. Cela pèse forcément sur la compétitivité d'une entreprise comme la mienne, qui doit faire face à la concurrence de ses homologues allemandes, italiennes ou américaines.

Mesdames et Messieurs les députés, j'aurai quelques messages à vous délivrer avant de vous les transmettre par écrit. Comme l'affirme le rapport Gallois, l'économie française possède des atouts fondamentaux comme la qualité des formations, des infrastructures, l'esprit d'innovation, la qualité de vie et le coût de l'énergie. Ces atouts ne suffisent néanmoins pas pour faire venir de nouveaux emplois dans ce pays. En effet, comme les espèces, l'entreprise s'adapte et elle va là où il est plus facile, pour elle, d'évoluer, de se développer et de survivre. Nous aurons donc un frein tant que nous n'assouplirons pas le marché du travail. Il serait arrogant de penser que notre génie créatif latin compensera le poids des critères sociaux et fiscaux qui corsètent aujourd'hui le pays !

Des mesures sectorielles doivent être mises en oeuvre dans le secteur de la santé. Les PME françaises qui procèdent à une innovation dans ce domaine en bénéficiant de subventions du Gouvernement – via le CIR ou Oséo – pâtissent d'un trop long délai pour obtenir le remboursement sur le marché de la France, ce qui retarde d'autant le lancement du produit à l'international. En quelque sorte, le Gouvernement reprend d'un côté ce qu'il a donné de l'autre ! En la matière, nous vous ferons une proposition très concrète qui ne devrait pas coûter d'argent à l'État.

Enfin, si, à chaque discussion d'un texte de loi, le législateur pouvait se demander comme cette loi aidera les entreprises implantées en France à exporter, nous aurions réussi cette table ronde !

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