Intervention de Luc Barbier

Réunion du 6 décembre 2012 à 9h30
Mission d'information sur les coûts de production en france

Luc Barbier, président de la Fédération nationale des producteurs de fruits, FNPF :

Agriculteur en Lorraine, je produis d'une part des céréales, que je commercialise grâce à une coopérative agricole de Lorraine, et, d'autre part, des prunes, principalement des mirabelles, que je commercialise par l'intermédiaire des Vergers de Lorraine, dont je suis le trésorier. Ces deux coopératives ont adhéré à l'organisation COOP de France, l'une au titre des métiers du grain, l'autre au titre des fruits et légumes.

Nous vous avons adressé un tableau comparatif des modes de rémunération des salariés dans les vingt-sept pays de l'Union. Avec la Belgique, la France est le seul pays à financer l'intégralité de son modèle social par l'heure travaillée. Tous les autres fiscalisent au moins une part de la protection sociale, soit sur le budget de l'État, soit sur la TVA. Certains pays comme l'Allemagne, l'Autriche, Chypre ou la Finlande, n'ont pas de salaire minimum.

Nous nous heurtons non pas à un excès, mais à un manque d'Europe. Avant la mise en place de l'euro, certains pays utilisaient l'arme monétaire comme instrument économique, ce qu'ils ne peuvent plus faire aujourd'hui. C'est pourquoi, en 2003-2004, l'Allemagne a décidé de déréguler le marché du travail. À 200 kilomètres de chez moi, un producteur de mirabelles allemand peut embaucher du personnel pour seulement quatre ou cinq euros l'heure, sans être pénalisé par les mesures relatives aux 35 heures ou aux heures supplémentaires. Il peut même employer pendant 180 jours, sans aucune contrainte administrative, des personnes d'origine bulgare ou roumaine.

Le taux de couverture de la consommation de fruits en France par la production française est de 35 %, contre 67 % pour la consommation de légumes. Il y a dix ans, notre pays produisait et consommait 400 000 tonnes de pêches. Notre consommation n'a pas diminué, mais nous n'en produisons plus que 280 000 tonnes. Nous avons a perdu 30 000 hectares de verger en dix ans, soit 3 000 hectares par an. Or un hectare de verger représente entre 800 et 900 heures de travail par an. Le calcul est simple : l'abandon de deux hectares fait disparaître un ETP dans les vergers, ce qui entraîne la suppression d'un autre ETP dans la filière. Des coopératives ferment ; des industriels s'en vont. La dernière société qui transformait des fruits en Lorraine a mis fin à cette activité. Si elle continue à vendre des fruits, elle a délocalisé la production de l'autre côté du Rhin.

Pour l'abricot, la cerise et la pêche nectarine récoltés dans le sud de la France, la main-d'oeuvre représente 50 % à 70 % des coûts de production. Pour l'abricot et la pêche nectarine, le coût réel de la main-d'oeuvre – hors exonération – est de 8 000 euros à l'hectare. Il monte à 16 000 euros pour la cerise. Je pense néanmoins que l'arboriculture peut être une chance pour notre pays, parce que ces emplois sont localisés sur le territoire, et qu'il n'est pas difficile d'emmener les salariés jusqu'aux vergers. Il faudrait néanmoins commencer par mettre en place des règles sociales communes, au moins à l'intérieur de la zone euro. Si les pays ont été capables d'adopter une monnaie commune, je comprends mal qu'ils ne puissent pas établir un socle social européen, afin d'éviter des distorsions. On peut imaginer un salaire minimum général ou interne à chaque branche.

Il faudrait également faire mieux respecter des règles européennes à nos frontières. De plus en plus de cerises consommées en Europe sont produites en Turquie, alors que des produits phytosanitaires utilisés dans ce pays sont interdits dans l'Union. Pourtant, les contrôles restent centrés sur les produits français ou européens, et ignorent les produits d'importation.

Par ailleurs, veillons à ce que l'environnement ne tue pas l'environnement. Alors qu'un de nos problèmes majeurs est la gestion de l'eau, certains systèmes permettraient de stocker celle qui tombe naturellement en hiver pour l'utiliser en été. Pourtant, parce qu'un batracien, une araignée ou une plante se développe dans telle ou telle réserve, il se trouve toujours une association environnementale pour prendre sa défense en multipliant les recours devant les tribunaux administratifs. C'est ce qui explique qu'on ne puisse plus mettre en place aucune réserve collinaire, ce qui favoriserait pourtant la compétitivité.

En outre, j'aimerais savoir pourquoi les Allemands peuvent acheter un produit à l'exploitant plus cher qu'en France et le revendre moins cher au consommateur. Le système de distribution français est particulièrement opaque.

Enfin, je considère moi aussi qu'un assouplissement des règles du code du travail permettrait de gagner en compétitivité, surtout si l'on prévoit des accords de branche, comme il en existe dans certains pays de l'Union. Un tel assouplissement serait précieux dans les secteurs où le travail est saisonnier.

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