Je souhaite rappeler l'enjeu général de la protection des aires maritimes. Comme vous le savez, la France possède 11 millions de kilomètres carrés d'espaces maritimes inclus dans sa zone économique exclusive (ZEE). Cette zone ne constitue pas une zone de territorialité mais une zone placée sous la responsabilité de l'État d'un point de vue économique et de gestion de l'environnement. Elle couvre une surface comparable à celle des espaces maritimes des États-Unis d'Amérique. En extrapolant à partir des extensions sollicitées auprès de la Commission des Nations Unies et sans contestataire territorial possible, la France détiendrait le premier domaine maritime du monde. Par comparaison, le Japon, grande nation maritime, possède une ZEE de 4,5 millions de kilomètres carrés tandis que celle de la Chine se limite à 3,8 millions de kilomètres carrés.
La France assume donc une responsabilité mondiale dans ce domaine de la protection des aires maritimes qui est porteur d'enjeux géopolitiques. C'est pourquoi la commission des affaires étrangères de l'Assemblée nationale a créé une mission sur les frontières maritimes, animée par le député Didier Quentin et par moi-même. Par ailleurs, les nations qui portent des revendications dans le domaine des frontières maritimes utilisent systématiquement l'argument de la protection de la nature. Le Canada, par exemple, a classé parc national une émergence sableuse située au large de la côte de Nouvelle–Écosse qui ne présente aucun intérêt en termes de biodiversité mais qui lui permet de justifier sa territorialité. De même, la création d'un parc national aux îles Malouines par le Royaume-Uni n'est certainement pas motivée uniquement par des enjeux de protection de la nature.
La France possède donc un empire maritime immense mais les moyens qu'elle y consacre paraissent extrêmement limités. La Marine n'est pas uniquement une armée de mer. Elle joue un rôle fondamental dans la protection de la nature au titre de l'action de l'État en mer. Néanmoins, les moyens accordés aux missions de prévention des risques de dégradation de l'environnement marin et de respect du droit de la pêche, notamment en outremer, sont absolument misérables.
Le conseil d'administration de l'Agence des aires marines soutient fortement le projet de création de l'Agence française pour la biodiversité, sous certaines conditions portant notamment sur des questions de ressources humaines qui ne sont pas encore réglées à ce jour. Par ailleurs, il souhaite que cette agence soit dotée de moyens convenables par rapport aux enjeux, en tenant compte du fait maritime sachant que les Marquises, par exemple, concentrent une biodiversité plus grande que le reste du territoire français terrestre ou maritime. La création de l'Agence française de la biodiversité comporte donc un volet maritime et outremer tout à fait crucial.
Depuis un certain nombre d'années, l'Agence des aires marines protégées a été confrontée moins à des restrictions budgétaires ou financières qu'à un décalage entre ses obligations et les moyens dont elle dispose pour les remplir. Sa première mission consiste à créer et à gérer les parcs marins. Par exemple, nous préfigurons actuellement un parc marin du cap Corse. Le premier parc marin historique que constitue celui de la mer d'Iroise est très bien géré et bénéficie des moyens nécessaires. Il demeure néanmoins une exception car les parcs créés par la suite n'ont pas fait l'objet de la même attention.
La deuxième mission de l'Agence des aires marines protégées consiste à mener des études de suivi de la biodiversité et à satisfaire aux obligations souscrites par l'État en matière d'observation dans le cadre de Natura 2000 en mer. Depuis quelques années, par manque de moyens, l'Agence a réduit son niveau d'intervention dans le domaine des études pour préserver les ressources allouées à la gestion et à la création de nouveaux parcs. Il nous est demandé toujours plus et nous n'avons plus aujourd'hui les moyens de satisfaire nos obligations d'étude générale ni nos obligations de création de nouveaux parcs.
À l'échelle des budgets nationaux et de l'empire maritime national, les dotations de l'Agence des aires maritimes sont dérisoires. Avec 10 millions d'euros supplémentaires par an, elle accomplirait ses missions dans de bonnes conditions.
Nous nous trouvons donc face à un enjeu général français et à une responsabilité particulière de la France au titre de la biodiversité. Nous sommes obligés, par conséquent, de développer des moyens d'étude moins coûteux mais efficaces, tels que le recensement de la mégafaune marine par observation aérienne.