Intervention de Jacques Toubon

Réunion du 16 juin 2015 à 17h30
Délégation de l'assemblée nationale aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes

Jacques Toubon, Défenseur des droits :

Je suis accompagné de Mme France de Saint-Martin, ma nouvelle attachée parlementaire, et de Mme Nathalie Bajos, directrice de notre nouveau département « Promotion de l'égalité et de l'accès aux droits » (PEAD), dont je vous dirai un mot tout à l'heure.

Depuis que la HALDE a été remplacée par le Défenseur des droits, nous avons reçu 80 % de requêtes supplémentaires en matière de discriminations, preuve que la demande en la matière reste très exigeante.

Le Défenseur des droits est compétent dans quatre domaines : la médiation avec les services publics, la déontologie de la sécurité, la défense des droits des enfants et, enfin, la lutte contre les discriminations et la promotion de l'égalité – discriminations à raison du sexe, de la maternité ou de la situation familiale notamment. Dans ce dernier domaine, nous avons beaucoup à faire. Néanmoins, nous ne disposons pas de toutes les compétences liées aux problématiques des droits des femmes. Par exemple, notre compétence sur les violences est très limitée : nous n'intervenons qu'en cas de défaillance d'un service public d'accompagnement ou de protection, ou de mauvais comportement professionnel d'une force de sécurité. Par contre, étant garants de la protection de l'enfant, nous intervenons en matière de violences intrafamiliales – je rappelle qu'un tiers des auteurs de réclamation relatives à la défense des enfants sont des mères. Le Défenseur des droits est également très impliqué sur les questions liées à la protection maternelle et infantile (PMI) – nous sommes à l'origine, dans le cadre du projet de loi relatif à la santé, d'une disposition à ce sujet. Enfin, nous travaillons à l'accompagnement de la parentalité.

En 2014, nos services centraux et nos 400 délégués territoriaux ont instruit 73 000 dossiers. Sur ce nombre total de réclamations, 4 500 portaient sur les discriminations, dont 8 % à raison du sexe (ce qui en fait le quatrième critère de discrimination) et 5 % à raison de l'état de grossesse (ce qui en fait le cinquième critère) – le premier critère restant l'origine, à 25 %, et le deuxième critère étant le handicap, à 20 %. Bien entendu, les motifs de réclamation peuvent se croiser, puisque nous pouvons être saisis de femmes en situation de handicap – nous menons actuellement une étude sur les femmes handicapées au travail. Depuis un an et demi, nous avons mis en place un outil, dénommé AGORA, qui va nous permettre de mener un travail d'observation des réclamations et de les analyser, ce qui nous sera fort utile pour la promotion de l'égalité.

La France possède le taux de natalité le plus élevé d'Europe – après l'Irlande – et un taux d'emploi des femmes lui-même très élevé. On pourrait donc penser que les choses vont bien. Or, il n'en est rien : l'articulation entre vie familiale et vie professionnelle est très difficile pour les femmes, comme le montrent les discriminations observées à raison de la maternité. C'est d'ailleurs une des choses qui m'a le plus frappé depuis les neuf mois que je suis en fonction : il existe encore, en 2015, des comportements discriminatoires – en matière de congés, d'heures supplémentaires, de carrière, etc. – à l'égard de femmes enceintes ou qui viennent d'accoucher !

Nous avons donc rendu beaucoup de décisions en la matière. La première que j'ai signée concernait un grand cabinet d'architecte, qui avait très mal traité, jusqu'à la licencier, une de ses architectes salariés, mère de trois enfants. En outre, le 11 décembre 2014, le Conseil de prud'hommes d'Évry a suivi nos observations en reconnaissant l'existence de discriminations à l'encontre d'une salariée à raison de son sexe, de sa situation de famille et de sa grossesse, et il a condamné la société à verser à cette dernière 5 000 euros de dommages et intérêts pour discrimination et 15 000 euros de dommages et intérêts pour licenciement entaché de nullité.

Nous recevons beaucoup de réclamations, je l'ai dit, mais rapporté aux données d'enquête sur les discriminations, ce nombre est bien inférieur à la réalité. C'est pourquoi un de mes axes de travail est le développement de l'accès aux droits, grâce à une action plus systématique devant les tribunaux, la diffusion d'informations sur les droits et les voies de recours, la mobilisation des associations, mais aussi tout le travail dont est chargé notre nouveau département PEAD. Concrètement, il s'agit de venir en aide à une partie de la population, démunie matériellement ou socialement, qui ne connaît pas ses droits ou ne sait pas comment les faire valoir, et qui éprouve souvent un sentiment de résignation, voire d'abandon. C'est ainsi que notre site Internet apporte une information directe au grand public et diffuse des fiches d'orientation, notamment sur les éléments à réunir pour porter une réclamation.

Bien entendu, nous tirons de ces règlements individuels des recommandations générales. À titre d'exemple, dans une décision du 30 mars 2015, nous avons épinglé un centre d'examen délivrant le certificat d'aptitude professionnelle agricole de maréchal-ferrant, une jeune femme ayant saisi le Défenseur des droits pour nous signaler que le certificat y était peu délivré aux femmes. Grâce à une comparaison statistique, méthode aujourd'hui admise par la Cour de cassation, nous avons réussi à démontrer que, par rapport à d'autres centres d'examen, le centre en question ne traitait pas les candidates de manière égale. Nous avons alors recommandé au ministre de l'agriculture, M. Le Foll, de prendre des mesures afin que chaque centre d'examen s'assure de l'absence de critère d'évaluation discriminatoire ou de biais discriminatoire dans le processus d'évaluation, et de mettre en place des moyens de vigilance sur les taux de réussite selon le sexe dans ses centres d'examen. Ces indicateurs statistiques permettant d'apprécier l'égalité entre les femmes et les hommes pour l'accès à ces diplômes.

Voilà pour notre activité qui nous amène à prendre en compte des réclamations : un droit existe, mais n'est pas appliqué ; une inégalité de traitement est constatée ; nous essayons de rendre effectif le droit en corrigeant l'inégalité de traitement.

Bien évidemment, nous voulons aller plus loin, c'est-à-dire promouvoir les droits des femmes et l'égalité entre les femmes et les hommes et, à ce titre, être un des acteurs qui contribue à ce travail à l'oeuvre dans notre société grâce à un certain nombre d'institutions publiques, comme le Haut Conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes (HCEfh), créé en 2013 et dont est membre Mme Nathalie Bajos.

Le Défenseur des droits est, premièrement, un organe de protection : nous défendons les personnes dont les droits ne sont pas respectés. Deuxièmement, notre maison est un centre de ressources, où nos experts peuvent apporter à l'ensemble de la société – institutions, professions, entreprises, syndicats, écoles, particuliers – toute une série d'informations et d'outils, par exemple sur ces sujets de discrimination et d'égalité femmes-hommes. Troisièmement, nous menons un travail de promotion, en particulier en essayant de faire avancer le droit ; c'est dans ce cadre que nous sommes amenés à présenter au Parlement des propositions de réforme ou d'amendement, ou à interroger les ministres – pour ce qui vous concerne, Mme Marisol Touraine et Mme Pascale Boistard, mais aussi Mme Laurence Rossignol au sujet de la protection de l'enfant et de la famille.

Jusqu'à mon arrivée, notre maison comportait une direction de la promotion des droits, et, parallèlement, diverses activités de promotion et de communication. J'ai donc installé un nouveau département de la promotion de l'égalité et de l'accès aux droits, à la tête duquel Mme Nathalie Bajos a été nommée il y a deux mois, et où sont désormais regroupés la promotion des droits, la lutte contre les discriminations – en matière de logement, d'emploi, à raison du sexe, etc. –, mais aussi la communication, la documentation, les études, la recherche, nos activités internationales et européennes et, enfin, notre contribution aux réformes. Ce nouveau département nous permettra de promouvoir plus efficacement les droits, notamment au regard de l'égalité femmes-hommes, en contribuant au changement des mentalités, à l'amélioration des textes, bref, en menant des actions de prévention et de promotion, et pas seulement des actions de réparation. Nous nous appuyons sur trois instruments.

Premier instrument : nos relations partenariales.

Nous avons d'abord des partenaires associatifs. Dominique Baudis avait créé un comité de concertation pour l'égalité femmes-hommes, au sein duquel sont représentées quatorze associations oeuvrant chacune sur un aspect de cette question et qui se réunit deux fois par an. Nous tirons un très grand profit de ces relations avec la société civile. Je précise que nous avons huit comités de concertation ou d'entente et de liaison, lesquels ne comportent aucun représentant de l'administration, aucune personnalité politique, uniquement des représentants de la société civile, à savoir des associations (de défense des droits de l'enfant, par exemple), ou des acteurs professionnels (intermédiaires de l'emploi, représentants du logement), autant de secteurs où les risques de discrimination sont très élevés et où nous pouvons avoir une action pédagogique très importante.

Nous avons également des partenariats institutionnels, notamment avec le Haut Conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes, dont le Défenseur des droits est membre de droit. À l'invitation de sa présidente, Mme Danielle Bousquet, j'ai participé au mois de novembre dernier à une séance du HCEfh. J'ai rencontré Mme Brigitte Grésy, secrétaire générale du CSEP, et Mme Stéphanie Seydoux, cheffe du service des droits des femmes et de l'égalité. Le département PEAD participe à de très nombreuses rencontres. Nous essayons par ailleurs de construire des réflexions communes avec d'autres centres de ressources, dont le Centre Hubertine Auclert.

Nous travaillons, en outre, avec des réseaux européens, notamment le plus important d'entre eux, Equinet, qui rassemble les organismes luttant contre les discriminations et pour l'égalité. À titre d'exemple, le Défenseur des droits a animé un séminaire de la Commission européenne sur le harcèlement sexuel.

Deuxième instrument : les travaux de recherche et les études.

À notre demande, des équipes d'économistes ont réalisé pendant deux ans une étude – financée par le Défenseur des droits et la Direction générale de l'administration et de la fonction publique (DGAFP) – sur les écarts de rémunération entre les femmes et les hommes dans les trois fonctions publiques, dont les résultats, publiés en mars 2015, sont particulièrement éclairants. Ils montrent, en effet, que l'écart de salaire global moyen entre les femmes et les hommes employés à temps complet était, en 2009, de 8 % dans la fonction publique territoriale. Plus les niveaux de rémunération des emplois sont élevés, moins les femmes ont une probabilité d'y accéder, ce qui confirme l'existence du plafond de verre. Les écarts de rémunération frappent plus particulièrement les femmes de catégorie A et C, puisque respectivement 13 % et 14 % des différences de rémunération sont liées au sexe. En outre, l'articulation entre vie familiale et vie professionnelle a un impact négatif sur le déroulement de carrière. Ainsi, au sein de la fonction publique territoriale, les femmes ayant donné naissance à leur premier enfant perçoivent un salaire journalier, en équivalent temps plein, trois années après cette naissance, en moyenne 5,5 % inférieur à celui perçu par les femmes n'ayant pas encore donné naissance à un enfant ; la naissance d'un deuxième enfant engendre une perte additionnelle de salaire journalier en moyenne de 8,7 % trois années après cette naissance ; et celle d'un troisième enfant une perte supplémentaire de salaire journalier de 17,9 %. Des écarts similaires sont également constatés dans la fonction publique de l'État et dans la fonction publique hospitalière.

Au vu de ces résultats, une mobilisation de toutes les fonctions publiques – dans lesquelles, je le rappelle, les femmes sont surreprésentées – est nécessaire en vue d'élaborer des plans d'action visant à réduire les écarts constatés, avec des objectifs et un calendrier. Certains sujets doivent être creusés, par exemple l'attribution des primes, les exigences de mobilité pour la promotion. Peut-être faut-il de nouveaux travaux de recherche. Il convient en outre de s'interroger sur le socle des rémunérations dans les cadres d'emploi, l'évaluation des différents corps et emplois, sachant que la ségrégation horizontale est forte dans la fonction publique, à l'instar du secteur privé.

Par ailleurs, nous avons réalisé un travail sur les emplois à prédominance féminine. Je rappelle que la négociation sur les classifications professionnelles dans le privé a échoué, alors qu'elle pouvait justement constituer un support pour traiter ces questions. Il faut donc reprendre la révision des classifications professionnelles, mais dans un autre cadre, puisque jusqu'à présent les employeurs et les syndicats ont été incapables de se mettre d'accord.

La deuxième étude importante est le huitième baromètre DDDOIT (Défenseur des droitsOrganisation internationale du travail) de perception des discriminations dans l'emploi, publié au mois de janvier 2015. Du 27 octobre au 18 novembre 2014, nous avons interrogé les demandeurs d'emploi, ce qui nous a permis de constater la persistance des discriminations à l'embauche liées au sexe, à l'état de grossesse ou à la situation de famille. Par exemple, le fait d'être enceinte est considéré comme désavantageux pour l'obtention d'un emploi pour 80 % des personnes interrogées – ce qui en fait le deuxième critère ressenti comme discriminant après celui de l'âge. Avoir des enfants est considéré comme handicapant pour 50 %, et être une femme pour 37 % des personnes interrogées. Pour les demandeurs d'emploi qui déclarent avoir été victimes de discrimination, ils et elles considèrent que 19 % des discriminations étaient fondées sur le sexe, 12 % sur la situation de famille et 2 % sur la situation de grossesse. Enfin, 48 % des personnes témoignent avoir été interrogées lors d'un entretien d'embauche ou d'une épreuve de concours administratif sur leur situation de famille actuelle ou future – deuxième question la plus posée après celle sur l'âge. Naturellement, tout cela est interdit.

Je précise que nous préparons un nouveau dépliant d'information sur les droits des demandeurs d'emploi et les discriminations, que nous ferons parvenir à Pôle emploi notamment.

Nous avons également réalisé avec 60 Millions de consommateurs, un testing par téléphone sur l'accès au logement locatif, dont les résultats ont été publiés en février 2014. En la matière, les discriminations sont très claires, les critères les plus discriminants étant l'âge, l'origine supposée, la situation familiale et le handicap. Cette enquête a montré la force des discriminations à l'encontre des mères célibataires, qui essuient un tiers des refus de visite, et auxquelles il est demandé, beaucoup plus qu'à d'autres candidats, de produire un contrat de travail.

Par ailleurs, nous sommes partenaires de l'enquête « Violences et rapports de genre » (VIRAGE), qui concerne 30 000 personnes et dont l'opération de collecte est en cours. Dans ce cadre, nous nous intéressons tout particulièrement aux enfants, aux travailleuses, aux migrantes, et à l'accès au recours.

Troisième instrument : des outils ou des actions que nous avons mis ou que nous envisageons de mettre en place.

Le premier, que vous connaissez bien, est notre « Guide pour une évaluation non discriminante des emplois à prédominance féminine » dont l'objectif est de favoriser l'effectivité du principe « un salaire égal pour un travail de valeur comparable ». Ce guide a été publié le 1er mars 2013 sur la base d'une réflexion collective menée, pendant plus de deux ans, par un groupe de travail pluridisciplinaire animé par deux chercheuses, Mme Rachel Silvera et Mme Séverine Lemière, et associant des experts de l'égalité femmes-hommes, des représentants de l'administration, des organismes, des partenaires sociaux et des organisations syndicales. En 2010, la HALDE avait déjà mené une étude sur le sujet. Ce guide est toujours diffusé – le principe d'égalité salariale est encore trop largement méconnu – et il est utilisé comme base pour de nombreuses formations et sensibilisations auprès des acteurs de l'emploi. Acteurs de l'emploi qui, je le redis, n'ont pas avancé sur les classifications professionnelles. Aussi envisageons-nous de réfléchir avec un certain nombre de partenaires, peut-être avec les parlementaires eux-mêmes, sur des pistes d'action pour relancer ce sujet, en l'étendant à la fonction publique, en l'occurrence au cadre de gestion des rémunérations.

Deuxièmement, nous publierons prochainement une fiche thématique de synthèse qui élargira le propos de notre guide sur les métiers à prédominance féminine, en apportant des informations sur la rédaction d'une fiche de poste, l'entretien d'embauche, l'évaluation, la rédaction d'un curriculum vitae, etc.

Toujours dans le domaine de l'égalité de traitement dans l'emploi, nous agissons au niveau des collectivités territoriales. Nous passons une convention avec le Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT), qui portera sur un grand nombre de sujets, comme l'extension de notre réseau territorial, le travail sur le terrain avec nos délégués territoriaux, mais aussi l'égalité femmes-hommes dans les fonctions publiques territoriales. Nous mettons en place un module de formation sur la lutte contre les discriminations et l'égalité professionnelle. En outre, le 13 octobre prochain, un événement rassemblera le Défenseur des droits, le CNPFT et d'autres partenaires sur l'application de la loi du 4 août 2014 pour l'égalité réelle entre les femmes et les hommes. Nous avons conclu un partenariat avec l'Essonne il y a quelques années, qui nous a permis de créer une « mallette ressources humaines » comportant des fiches pratiques sur tous ces sujets – on peut imaginer le faire avec bien d'autres départements.

Pour ce qui est des employeurs privés, nous allons publier et diffuser à l'automne prochain le guide « Évaluer et agir pour l'égalité », qui sera le contrepoint du guide destiné aux collectivités territoriales.

Le Défenseur des droits souhaite également agir sur les territoires. C'est ainsi que nous participons à la mise en oeuvre de la politique de la ville au travers des contrats de ville. Grâce à une convention avec le Commissariat général à l'égalité des territoires, nous allons lancer des expérimentations à Vaulx-en-Velin, à Plaine Commune, à Istres et Miramas, et travailler sur l'introduction de la lutte contre les discriminations dans les contrats de ville. Naturellement, l'égalité femmes-hommes est au coeur de ce dispositif.

Nous travaillons aussi sur l'emploi des femmes en situation de handicap. C'est tout l'intérêt de notre comité de concertation pour l'égalité femmes-hommes, car c'est à la suite d'une intervention de l'association Femmes pour le dire, femmes pour agir (FDFA) que nous avons lancé ce sujet. En effet, l'intégration des travailleurs handicapés montre une absence d'égalité entre les femmes handicapées et les hommes handicapés. Nous avons lancé une étude sur le cadre juridique et procédé à l'audition d'associations spécialisées, et je pense que nous aurons les conclusions de ce travail en septembre prochain.

Je vais maintenir dire un mot sur le harcèlement moral et sexuel.

Sur le harcèlement sexuel au travail, nous avons réalisé une enquête dont les résultats ont été publiés en mars 2014. Comme le montre cette enquête inédite, 20 % des femmes actives déclarent avoir été confrontées personnellement à une situation de harcèlement sexuel au cours de leur vie professionnelle, 20 % des Français déclarent connaître au moins une personne ayant été victime de harcèlement sexuel dans le cadre de son travail, et 30 % des personnes concernées déclarent avoir gardé un silence total à la suite de ces faits. Or, les saisines du Défenseur des droits sont rares par rapport à l'ampleur d'un phénomène que les enquêtes permettent de constater. D'où la diffusion massive de nos deux dépliants d'information sur le harcèlement moral et sur le harcèlement au travail, mais aussi les études que notre département PEAD va réaliser pour analyser les raisons d'une telle distance entre les situations vécues et l'absence d'appel au Défenseur des droits ou au procureur – la résignation, dont je parlais tout à l'heure. Contrairement à ce que vous nous avez suggéré, nous n'avons pas expertisé la piste proposée par le Conseil supérieur de l'égalité professionnelle (CSEP), à savoir l'introduction dans le code du travail de la notion d'agissement sexiste. Néanmoins, nous sommes d'accord pour approfondir la réflexion, en particulier sur le développement de la jurisprudence en matière de harcèlement sexuel comme de harcèlement moral lié au sexe. Pour ce faire, nous travaillons avec l'Association européenne contre les violences faites aux femmes au travail (AVFT), membre de notre comité de concertation femmes-hommes, laquelle nous a transmis des dossiers, dont l'un va être plaidé au conseil des prud'hommes cette année et sur lequel nous ferons des observations.

J'en viens à nos interventions sur les projets de loi discutés au Parlement. La Délégation aux droits des femmes travaille en amont de ces textes, alors que le Défenseur des droits intervient auprès du rapporteur de la commission saisie au fond. À ce stade, nous sommes souvent entendus, mais sur les questions qui vous concernent, nous n'abordons pas les choses suffisamment en amont comme vous le faites. Il nous faut donc réfléchir à la façon dont nous pourrons, à l'avenir, agir par le truchement de votre délégation avant d'intervenir auprès de la commission saisie au fond.

Concernant le projet de loi relatif à la santé, nous avons applaudi la suppression du délai de réflexion de sept jours préalable à l'IVG, que nous avions demandé comme vous. Mais nous avons demandé plus, à savoir la suppression de la clause de conscience, à laquelle vous êtes également favorables. J'en ai fait part au rapporteur du Sénat où le texte sera examiné en commission le 22 juillet et en séance publique au mois de septembre.

S'agissant du projet de loi sur le dialogue social, inscrit à l'ordre du jour du Sénat à partir du 22 juin, nous avons fait une démarche, malheureusement trop tardivement, auprès de Mme Sandrine Mazetier. La pression des employeurs au sujet des articles 13 et 14 reste très forte – il faudra donc être très vigilant, car la simplification du dialogue social ne doit pas brider les avancées de l'égalité professionnelle.

D'autre part, je vais faire le nécessaire pour que le Sénat prenne en compte ce que nous avions proposé à Mme Sandrine Mazetier, à savoir le rétablissement de l'article 7 et de l'article 10 de la loi du 4 août 2014, censurés par le Conseil constitutionnel comme cavaliers législatifs, dispositions que vous aviez soutenues, dont l'une prévoyait le remboursement par l'employeur des indemnités versées par Pôle emploi, sanction à mes yeux efficace.

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