Intervention de Erwann Binet

Réunion du 1er juillet 2015 à 8h30
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaErwann Binet, rapporteur :

Je salue les avancées remarquables proposées dans le projet de loi que vous nous présentez, au premier rang desquelles le caractère pluriannuel de la carte de séjour : nous donnons ainsi aux étrangers autorisés à résider en France la possibilité d'y envisager leur avenir au-delà d'une petite année. Nous savons tous que la stabilité du séjour est une condition de l'intégration. Nous donnons enfin aux étrangers un droit, une perspective à la hauteur de l'exigence que nous avons à leur égard.

L'affirmation du caractère subsidiaire du placement en rétention administrative au bénéfice de l'assignation à résidence est également un geste très positif. En matière de police des étrangers, la restriction de liberté doit prévaloir sur la privation de liberté.

Dans le cadre du titre de séjour au bénéfice des étrangers malades, vous réintroduisez la condition d'effectivité de l'accès à un traitement approprié par l'étranger malade dans son pays. Aujourd'hui, nous ne faisons qu'évaluer l'existence d'un traitement dans le pays dont est originaire l'étranger malade, ce qui peut conduire à lui refuser des soins en France alors qu'il n'y a pas accès à de tels soins dans le pays d'origine. Ce n'est pas admissible.

Enfin, le texte introduit la possibilité pour les journalistes d'accéder aux zones d'attente et aux centres de rétention administrative.

J'ai retenu des auditions et des visites de terrain que j'ai menées plusieurs inquiétudes suscitées par certaines dispositions. Il me semble toutefois que la plupart d'entre elles, justifiées à la lecture du texte, peuvent être levées par de simples éclaircissements. Je ne relèverai pour l'heure que deux de ces inquiétudes.

L'une concerne le transfert à un collège de médecins de l'OFII de l'avis médical donné au préfet dans la procédure pour la délivrance d'un titre autorisant le séjour d'un étranger malade. Cet avis est délivré aujourd'hui par le médecin de l'Agence régionale de santé (ARS) ou, à Paris, par le médecin-chef de la préfecture de police. L'inquiétude vient de ce que l'organisme de tutelle de l'OFII est le ministère de l'Intérieur. Ainsi le Défenseur des droits craint-il « que l'OFII ne s'éloigne de l'objectif de protection et de prévention en matière de santé pour privilégier un objectif de gestion des flux migratoires ». À titre personnel, il me semble que la déontologie médicale, d'une part, et la responsabilité confiée par le texte au ministre de la Santé de fixer les orientations auxquelles devront se référer les médecins de l'OFII, d'autre part, sont éclairantes sur vos intentions. Je constate néanmoins que les doutes persistent. Il me paraît donc utile, monsieur le ministre, de vous entendre sur ce point.

D'autres inquiétudes tiennent aux moyens donnés à vos services au sein des préfectures d'examiner le respect effectif par l'étranger des conditions attachées au bénéfice du titre de séjour tout au long de la durée de sa validité, soit jusqu'à quatre ans pour le titre pluriannuel. La formulation de l'article 8, exigeant de l'étranger qu'il puisse justifier à tout moment qu'il continue de satisfaire aux conditions fixées pour la délivrance de sa carte, mérite d'être allégée de son caractère un peu trop soupçonneux. Surtout, s'agissant de l'article 25 qui prévoit la possibilité de recueillir des informations auprès d'un grand nombre d'autorités et de personnes privées afin de contrôler la sincérité et l'exactitude des déclarations souscrites ou l'authenticité des pièces produites, il importe que nous connaissions les intentions du Gouvernement au regard de l'encadrement et de la nature du contrôle.

Nous pouvons comprendre aisément les démarches de base, telles que la vérification de l'authenticité d'un document ou d'une adresse – ce sont les plus simples et elles ne poseront aucune difficulté. En revanche, lorsque l'administration souhaitera vérifier la réalité de la vie commune ou de la contribution effective à l'éducation et à l'entretien de l'enfant français par un étranger, quels documents demandera-t-elle aux banques, aux établissements scolaires, aux organismes de sécurité sociale ? Certes, les autorités pourront exiger uniquement les documents et les informations « strictement nécessaires » mais, avec une liste d'organismes très générale et sans précision sur l'accès aux informations ni sur les conditions et la durée de conservation des documents compulsés, on peut légitimement s'interroger sur les risques que ferait peser sur les personnes étrangères un droit mal défini d'ingérence dans leur vie privée et celle de leurs enfants. Je proposerai une réécriture des articles 8 et 25 à la Commission, qui doit être éclairée sur les moyens que vous vous attribuez pour le contrôle des titres.

Quant aux conditions de la rétention et aux questions relatives au contentieux, vous avez abondamment évoqué le sujet. Nous devrons travailler dans les jours qui viennent ; je n'y reviendrai donc pas.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion