Intervention de Éric Ciotti

Réunion du 1er juillet 2015 à 8h30
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaÉric Ciotti :

Ce projet de loi était attendu, annoncé depuis très longtemps ; il résulte d'une promesse du candidat Hollande en 2012. De fait, on a l'impression d'un texte daté, dont on se demande bien pourquoi il vient en complément de la loi sur la réforme du droit d'asile. Dans le contexte de crise migratoire majeure qu'il n'est nul besoin de rappeler, il ne tient aucun compte de la situation, n'en tire aucune leçon, ne mesure pas l'ampleur des difficultés auxquelles va nous confronter l'évolution démographique structurelle. Le problème migratoire risque de s'amplifier si nous ne prenons pas des mesures très fermes, très audacieuses que je ne trouve nulle part dans votre projet de loi.

Au-delà de cette crise migratoire, qui, depuis le début de l'année, a conduit sur les côtes européennes, dans des conditions épouvantables, près de 100 000 étrangers en situation irrégulière et entraîné la mort de quelque 2 000 personnes en Méditerranée, c'est l'échec terrible de notre modèle d'intégration que nous devons constater. En témoigne le taux de chômage des étrangers en situation régulière : 25 % en moyenne, presque 50 % dans certains territoires. Cet échec, nous pouvons tous en assumer la responsabilité.

Vous l'avez rappelé, monsieur le ministre, l'immigration en France a, pour moitié, un caractère familial, ce qui nous distingue des autres pays dans lesquels elle répond davantage à des motivations économiques. Sa structure même est donc source de difficultés.

Aujourd'hui, un texte se voulant efficace en matière d'immigration chercherait à rendre notre pays moins attractif et s'inspirerait de la courageuse politique menée par le Premier ministre britannique David Cameron. Il conviendrait de limiter l'accès à notre système social pour les étrangers ne disposant pas de capacités contributives, ne payant pas les cotisations sociales attachées à un travail.

Le groupe Les Républicains pense qu'il y a lieu de lutter de manière implacable et bien plus déterminée que vous ne le faites contre l'immigration irrégulière. Vous vous targuez, monsieur le ministre, d'une légère augmentation du taux de reconduite à la frontière. Or, sur les 300 000 à 400 000 étrangers en situation irrégulière dans notre pays que vous évoquez, moins de 20 000 par an sont reconduits à la frontière, soit un taux ridicule d'à peine 5 %. Selon une évaluation de la Cour des comptes, le taux de retour des déboutés du droit d'asile est de seulement 1 %. Quelques difficultés que puisse rencontrer telle ou telle majorité, nous avons tous le devoir de rendre notre modèle moins attractif par une lutte plus efficace contre l'immigration irrégulière, qui passe par l'augmentation du nombre des procédures de reconduite à la frontière.

Nous considérons que ce projet de loi ne répond pas à ces exigences et contient même des mesures dangereuses qui risquent de renforcer nos difficultés. Ainsi, le titre de séjour de quatre ans et l'élargissement de l'accès à la procédure de séjour pour les étrangers malades, pourtant détournée, rendront-ils notre pays encore plus attractif. La mise en place du passeport talent entraînera, selon certaines évaluations, l'arrivée de 10 000 étrangers supplémentaires en France, sans parler de la suppression de l'obligation pour les étrangers d'obtenir une autorisation de travail pour une activité de moins de trois mois. En matière d'immigration irrégulière, le moindre recours à la rétention contredit votre discours et limitera considérablement l'efficacité des procédures de retour. La mesure d'assignation à résidence s'avérera illusoire car seule la rétention peut stimuler l'indispensable progression du taux de reconduite à la frontière.

Pour l'ensemble de ces raisons, nous considérons ce projet totalement inadapté au contexte que nous connaissons ; il ne répond en rien aux enjeux majeurs auquel est confronté notre pays en matière d'immigration. Le groupe Les Républicains défendra de nombreux amendements visant à rendre notre modèle social moins prodigue – en conditionnant notamment le versement des prestations sociales et familiales à une durée de séjour – et à mettre en place une caution au retour. Nous souhaitons changer la philosophie qui sous-tend la politique conduite par le Gouvernement, lui insuffler courage, audace et volontarisme. Ce texte, monsieur le ministre, ne permettra pas de résoudre la crise migratoire que vivent notre pays et le continent européen ; il comporte même des mesures dangereuses qui la renforceront.

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