Ayant été élu au siècle dernier, j'ai été cinq fois rapporteur de textes sur l'immigration, et j'avoue que je suis désespéré de notre manière d'aborder ces sujets, toutes majorités confondues. En tant que député de la onzième circonscription des Français de l'étranger, qui couvre l'Europe de l'Est, l'Asie et le Pacifique, je peux établir des comparaisons à chaque voyage. Notre droit de l'immigration est d'une complexité hallucinante, au point que je n'arrive plus à savoir combien il existe de cartes. Si j'ai bien compris – et je ne vous fais pas de reproches –, vous en avez créé quatre supplémentaires. Dans d'autres pays, il n'y a que quatre régimes : étudiant, investisseur, travailleur, personne qui sollicite un regroupement familial.
Pour les étudiants, de grands progrès ont été faits grâce à Campus France qui a créé des antennes un peu partout – j'ai récemment visité celle de Wuhan en Chine – avec des gens qui font le maximum pour informer les jeunes. Mais je ne suis pas d'accord avec mon collègue Gwenegan Bui quand il se demande ce que nous pourrions faire de plus pour les accueillir. Un pays comme l'Australie ne se pose pas une telle question pour attirer les meilleurs étudiants. Dans sa balance des paiements, l'éducation représente le deuxième ou troisième poste : l'Australie facture très cher les études et ne se préoccupe pas de savoir s'il y a ou non des centres régionaux des oeuvres universitaires et scolaires (CROUS) pour les étudiants. Aux États-Unis, en Australie ou en Grande-Bretagne, les études ont un prix. En France, c'est gratuit. Les personnels de Campus France me disent qu'ils doivent quasiment s'expliquer sur cette gratuité qui paraît presque louche aux yeux d'un public qui considère que qui est gratuit n'a pas de valeur. Arrêtons de nous demander ce que nous pouvons faire de plus !
Parlons de la carte « compétences et talents », créée par une loi dont j'étais le rapporteur. Elle a été un échec, dites-vous. Vous vous trompez : elle a été un super-échec ! La mesure me semblait intelligente, mais le diable se niche parfois dans les détails : les modalités pratiques étaient renvoyées à un décret qui a prévu des obligations aussi hallucinantes qu'inapplicables.
Pour illustrer mon propos, je vais prendre l'exemple d'investisseurs russes. Mon épouse étant originaire de Russie, je vais assez souvent dans ce pays, où j'ai eu l'occasion de vanter les mérites de la carte « compétences et talents » à des investisseurs de ma connaissance. Au bout d'un an et demi ou deux ans, ils me l'ont rendue. L'un d'eux possède la première société russe de construction de locomotives et il a passé un accord avec Alstom. En France, il emploie une quarantaine de personnes dans une petite propriété qu'il a rachetée à Elton John ! Pour bénéficier de cette carte, il devait présenter un projet d'intégration. Ensuite, tous les ans, il devait expliquer qu'il avait toujours des talents, et aller faire la queue à la préfecture pour qu'on lui délivre le document. Vous imaginez ces chefs d'entreprise qui emploient parfois des milliers de personnes faire la queue à cinq heures du matin, au milieu de quatre cents personnes ? Dans certains pays, l'ambassadeur vient lui-même à mon domicile m'apporter les papiers entourés d'un ruban, m'a dit l'un d'eux.
Le décret a démoli cette disposition, et je suis même surpris qu'il reste autant de cartes « compétences et talents » : pour ceux qui peuvent y prétendre, il est dix fois plus simple d'aller voir le consul et d'obtenir une carte de circulation de trois ans qui suffira à leurs besoins.
S'agissant de l'excellent programme « Personnalités d'avenir » du ministère des affaires étrangères, je regrette que ses moyens soient en constante diminution depuis des années, sachant que le mouvement a commencé sous la droite. Ce programme constitue pourtant une manière innovante d'assurer la promotion de la France auprès des futures élites des pays visés.
Pour résumer, je suis consterné par la complexité de nos dispositifs, surtout quand je les compare à ceux de pays où il n'existe que trois ou quatre cartes. Monsieur le rapporteur, prenez garde à notre don pour les complications administratives. Nous sommes mauvais quand il s'agit d'attirer les investisseurs – comparez avec le Portugal, Malte ou la Grande-Bretagne ! – et les gens de qualité. En France, les services de TRACFIN (Traitement du renseignement et action contre les circuits financiers clandestins) questionnent souvent les investisseurs sur l'origine de leurs capitaux ; en Grande-Bretagne, on se contente de leur dire merci. Résultat : dans ma circonscription, mes interlocuteurs sont dégoûtés par les complexités administratives qui leur sont imposées par les gouvernements français successifs, qu'ils soient de gauche ou de droite.
Dans l'espace Schengen, dont nous venons de parler avec le secrétaire d'État chargé des affaires européennes, règne une véritable concurrence. Nous devons nous efforcer d'attirer chez nous les meilleurs, c'est-à-dire – et j'espère que je ne vais choquer personne – ceux qui ont le plus les moyens d'investir, donc de créer des emplois. Observons les pratiques de certains pays comme Malte ou le Portugal. Je vous souhaite bonne chance.
N'ayant pas lu en détail le reste du texte et étant l'unique représentant du groupe UMP, je ne peux pas encore vous donner notre position.