Intervention de Danielle Auroi

Réunion du 1er juillet 2015 à 9h30
Commission des affaires européennes

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDanielle Auroi, présidente :

L'environnement sécuritaire international connaît des bouleversements considérables, avec des menaces inédites, particulièrement aiguës, à nos frontières : à l'est apparaît un type moderne de guerre hybride, avec une dimension dématérialisée ; au sud, nous assistons à la montée en puissance d'un terrorisme djihadiste à visée mondiale.

Depuis la fin de la guerre froide, la plupart des pays européens avaient considérablement rogné leurs crédits de défense. Face au regain de tensions en Europe orientale, plusieurs d'entre eux, à commencer par la Pologne et la Lituanie, revoient aujourd'hui à la hausse leurs dépenses militaires.

Quoi qu'il en soit, l'échelon pertinent pour relever les défis géopolitiques est aujourd'hui clairement celui de l'Union européenne. Or celle-ci s'est montrée jusqu'à présent incapable d'assurer la fonction stratégique et de jouer le rôle opérationnel auxquels elle pourrait et devrait prétendre dans ce contexte tourmenté. Sa propre sécurité s'en trouve mise en péril.

Lors du Conseil européen de décembre 2013, les chefs d'État et de gouvernement s'étaient contentés de déclarations d'intention en ce qui concerne l'efficacité de la gestion des crises, le maintien des capacités militaires et la préservation de l'industrie de défense. Un an et demi plus tard, force est de constater que nous en sommes au même point : l'Europe ne dispose toujours pas d'une politique de défense autonome crédible.

Le Président Juncker a certes dynamisé le débat public en évoquant, en mars dernier, la constitution d'une armée européenne. Quant à la haute-représentante Federica Mogherini, elle manifeste de la détermination sur le dossier de la politique de sécurité et de défense commune (PSDC), comme sur tous ceux dont elle a la charge. Mais la défense reste étrangère à l'ADN de l'Union européenne. Comment effectuer la mutation nécessaire pour dépasser cette faiblesse ontologique ?

Le traité de Lisbonne consacre l'Organisation du Traité de l'Atlantique nord (OTAN), pour les États de l'Union européenne qui en sont membres, comme « fondement de leur défense collective » et « instance de sa mise en oeuvre ». Dans ce cadre, quel peut être la place de la PSDC ?

Sur le plan opérationnel, les groupements tactiques de l'Union européenne (GTUE) ont vocation à armer les opérations extérieures de l'Union. Seront-ils utilisés un jour ou bien resteront-ils un leurre mettant cruellement en évidence l'impuissance européenne sur la scène internationale ?

L'article 42, alinéa 6, du traité sur l'Union européenne, complété par un protocole additionnel, prévoit que les États membres disposant des dispositifs de défense les plus polyvalents peuvent s'organiser, sur la base du volontariat, dans le cadre d'une coopération structurée permanente (CSP), en vue de renforcer la capacité de résilience de l'Union européenne face aux crises sécuritaires. Cet outil tarde néanmoins à être activé. Pourquoi tergiverser plus longtemps ?

L'Assemblée nationale vient d'adopter une résolution européenne tendant à retirer du calcul du déficit budgétaire les dépenses nationales entraînées par la participation aux opérations extérieures. Une telle mesure vous semble-t-elle de nature à inciter tous les États membres à s'investir dans l'effort collectif de sécurité ?

En mars dernier, le Conseil a révisé à la marge le mécanisme Athena, par le truchement duquel sont financés les coûts communs des opérations menées au titre de la PSDC. Quelles inflexions donner à ce mécanisme pour se rapprocher d'une répartition équitable de la charge des opérations extérieures entre les vingt-huit ?

L'Agence européenne de défense (AED) s'est imposée comme un catalyseur efficace pour promouvoir la collaboration capacitaire entre les États membres. Mais comment faire pour améliorer le taux des programmes d'armement réalisés en coopération multinationale, qui reste limité à 20 % ?

Avec 165 000 emplois directs dans le secteur de l'armement, l'industrie française concentre plus du quart des capacités européennes. Notre pays est donc particulièrement sensible à cet aspect. L'importance accordée à la recherche duale dans le huitième programme-cadre européen de recherche et d'innovation « Horizon 2020 » vous paraît-elle suffisante ? Où en sont les réflexions sur une force d'interposition pacifique de l'Union européenne ?

Cette table ronde doit être l'occasion d'échanger sur les pistes et priorités pour l'avenir afin de renforcer la politique européenne de défense au regard des possibilités ouvertes par le traité de Lisbonne, qui restent à ce jour inexploitées. Le volet défense du Conseil européen des 25 et 26 juin n'a pas apporté de réponses substantielles sur ces questions et n'a pas même fixé une nouvelle clause de rendez-vous.

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