J'ajouterai qu'il faudrait avoir une vision plus précise de ce que nous pouvons attendre de l'évolution de nos industries de défense, en y intégrant les politiques à destination des PME et des PMI, qui peinent à atteindre leur vitesse de croisière en dépit des grandes ambitions affichées.
Par ailleurs, on parle d'une défense européenne commune, mais vingt-cinq des pays membres de l'OTAN sont européens, dont vingt-deux appartiennent à l'Union européenne. Si ces pays devaient opter pour l'une de ces deux défenses, laquelle croyez-vous qu'ils choisiraient ? La réponse est connue d'avance. Certes, on peut se demander quel serait le comportement de la communauté internationale si d'autres pays européens que ceux-là étaient attaqués, mais ils ne sont pas nombreux.
Les dix-sept opérations en cours – six militaires et onze civiles – menées au titre de la PSDC relèvent des actions qui me semblent aujourd'hui prioritaires : Frontex, Schengen. À cet égard, je m'étonne de la tendance à la sous-estimation, sinon dans les milieux autorisés, du moins devant l'opinion publique, de la menace que fait peser sur l'Europe la situation en Libye. C'est pourtant un problème majeur et urgent, puisqu'il est à l'origine des flux migratoires que nous avons des difficultés à maîtriser, en dépit de l'opération EUNAVFOR Med et de l'action menée dans le cadre de Frontex. Aujourd'hui, nous sommes obligés d'envisager un blocus maritime. Or celui-ci nécessite le vote d'une résolution du Conseil de sécurité de l'ONU. Il faut donc accélérer les procédures. Il nous reviendra ensuite d'examiner, et ce sera essentiel pour l'Europe, la manière dont on peut stabiliser le gouvernement de transition libyen, qui représente le seul avenir au plan local. Et nous devrons l'appuyer dans sa lutte contre Daesh, qui est aux frontières de l'Europe.
Voilà les trois grands véritables problèmes que nous devons traiter. Il nous faut faire preuve de pragmatisme. Des grandes idées sur la construction de l'Europe de la défense, j'en ai entendu beaucoup depuis treize ans que je siège dans cette Commission ! Or, force est de constater aujourd'hui que la France est un des rares pays qui consentent encore un effort financier en la matière : la plupart des budgets militaires européens ont fondu comme neige au soleil. Sans argent, toute idée de défense collective est illusoire. Concentrons donc l'effort sur la priorité du moment : la défense de notre territoire contre l'immigration clandestine et les actions terroristes.
J'ajoute que le désengagement des Américains en Europe est à nuancer : d'une part, ils y maintiennent suffisamment d'armes et d'hommes pour intervenir rapidement en cas de besoin et, d'autre part, la crise ukrainienne les incite à revenir dans certains pays.