Je suis d'accord avec Yves Fromion et Joachim Pueyo : l'Europe de la défense nous offre une opportunité extraordinaire de ré-intéresser les citoyens au projet européen. L'Europe sociale a du mal à se construire, l'Europe est perçue, en particulier depuis la crise grecque, comme une source des contraintes : à aucun moment l'utilité politique de l'Union européenne n'apparaît. Alors que les Européens sont foncièrement inquiets pour leur sécurité, en raison du terrorisme ou des problèmes posés par les migrants – Philippe Vitel a remarqué qu'ils pourraient être la prochaine arme de Daesh – , deux réponses peuvent leur être apportées : soit le repli sur soi, et nous voyons, d'élection en élection, les populismes progresser dans tous les pays européens, y compris dans ceux qui se portent bien économiquement ; soit l'Europe de la sécurité et de la défense.
À ce propos, madame, messieurs, ne croyez-vous pas que la relance de l'Europe de la défense passe d'abord par l'acceptation des diverses menaces ressenties comme telles par les différents pays européens ? Je m'explique. Actuellement, la Russie est perçue par les pays de l'est comme une menace et par d'autres pays européens comme un partenaire ; la situation en Libye est perçue comme une menace par la France et les pays du sud, pas par les pays nordiques. Sans parler de mutualisation, je crois qu'il faudrait au moins faire en sorte que chaque pays considère comme une menace ce qui est perçu comme tel par ses partenaires.
En ce qui concerne l'OTAN, en tant que vice-président du groupe d'amitié France-Pologne, j'ai en effet pu constater, ces dernières années, un glissement des pays de l'est de l'Europe : alors qu'ils commençaient à s'ouvrir à l'Europe de la défense, ils se sont à nouveau rapprochés de l'OTAN depuis le début de la crise ukrainienne. Tous ces pays craignent que les États-Unis ne se tournent vers la zone Pacifique et ne se désintéressent du continent européen, qu'ils jugeraient prêt à se défendre lui-même. De fait, on a assisté, ces derniers mois, à un retour des Américains en Europe en raison de la situation ukrainienne, mais aussi parce qu'ils se sont aperçus que leur éloignement a créé, chez les Européens, un réflexe d'achat d'armements européen qui leur a fait perdre des parts de marché. Je partage l'opinion de Gilles Savary : une OPA des pays européens sur l'OTAN ne serait-elle pas le meilleur moyen de construire une défense européenne ?