Je vous remercie, mesdames les Présidentes, de nous avoir donné l'occasion d'entendre s'exprimer une véritable mobilisation en faveur de l'Europe de la défense. À l'instar d'Arnaud Danjean, je milite depuis vingt ans pour cette politique. Mon scepticisme actuel n'est donc pas un renoncement, mais un effort de lucidité que j'espère salutaire.
En ce qui concerne le terrorisme et la question des réfugiés, je crois, contrairement à Arnaud Danjean, qu'il y a bien un lien entre le terrorisme et la défense européenne. Ce lien existe, tout d'abord, dans le traité, puisque la clause de solidarité stipule qu'il est possible d'utiliser les moyens de la PSDC pour venir en aide à un État victime d'un attentat ou d'une catastrophe naturelle. Il existe ensuite dans les faits, car le terrorisme ne sévirait pas à l'intérieur de nos frontières si la situation ne s'était pas tant dégradée au sud de l'Europe.
M. Fromion, qui s'est dit soucieux de mobiliser l'opinion, dispose là de deux arguments utiles. Le premier, je l'ai exposé tout à l'heure : plus de crises et moins d'Amérique égale plus d'Europe – c'est une réalité qui est devant nous. Le second réside dans le fait que la politique de défense ou de gestion de crise à l'extérieur permet d'assurer la sécurité à l'intérieur. Peu de parlements, et surtout pas le Parlement européen, font état de ce lien ; c'est pourtant un argument essentiel pour justifier les interventions extérieures de l'Union européenne.
Quant aux réfugiés, ils ne constituent pas une menace, là est l'ambiguïté politique : ce sont des victimes. Mais ils fuient des menaces extérieures et peuvent de facto devenir pour nous une menace, non pas militaire mais politique, car la situation donne du grain à moudre à tous les mouvements d'extrême droite. Je suis, moi aussi, assez réticente à l'égard d'une opération militaire destinée à détruire le business model des trafiquants : le problème des réfugiés se réglera non pas en détruisant les bateaux des passeurs mais d'abord en les accueillant, puis en traitant la cause de ce phénomène. C'est pourquoi je fais le lien entre terrorisme, réfugiés et politique étrangère. Je ne comprends pas pourquoi Mme Mogherini n'invite pas, comme l'avait fait M. Giscard d'Estaing en son temps, ses homologues européens à Rome, le temps d'un week-end, pour qu'ils discutent tous ensemble, de manière informelle, de ce qu'il est possible de faire contre Daesh, puis, une fois la discussion débloquée, de l'opportunité d'aller voir les Américains, d'associer les Russes ou d'établir un lien avec le dossier iranien… Autant de choses qui ne se font pas : les chefs d'État et les ministres se voient tout le temps mais ils ne parlent de rien !