Intervention de Philippe Gomes

Réunion du 7 juillet 2015 à 16h30
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPhilippe Gomes :

Ce texte, qui vise à définir les catégories de Calédoniens qui seront inscrits d'office sur la liste électorale du référendum de sortie, est pour nous d'une grande importance. En l'état, la loi prévoit que chacun des 150 000 Calédoniens doit effectuer une démarche individuelle auprès de sa commune ; cette procédure serait inefficace et aurait probablement conduit beaucoup de Calédoniens à ne pas user de leur droit, mettant la sincérité du scrutin en question. Ce n'est pas une mince affaire de dire si l'on est pour ou contre l'indépendance du pays ; il est donc souhaitable que le scrutin se déroule dans les meilleures conditions possible, et que celles et ceux qui peuvent voter en aient tous la possibilité. Ce texte représente donc une très bonne nouvelle.

Aux termes du comité des signataires d'octobre 2014 – dont ce projet de loi est directement issu –, deux catégories de Calédoniens devaient être inscrits d'office : les Calédoniens de statut civil coutumier, c'est-à-dire les Kanaks, et les Calédoniens nés en Nouvelle-Calédonie et y ayant le centre de leurs intérêts matériels et moraux. Le comité des signataires d'octobre 2014 avait considéré que l'inscription de ces citoyens sur la liste électorale générale suffisait à prouver que le centre de leurs intérêts matériels et moraux était situé en Nouvelle-Calédonie ; ce critère a été retenu dans le projet de loi rédigé dans le prolongement de ce comité, mais le Conseil d'État, madame la ministre, l'a jugé insuffisant, estimant que la seule inscription sur la liste électorale générale ne signifiait pas à elle seule que l'on y avait le centre de ses intérêts matériels et moraux. Mais tout en fermant cette porte, le Conseil d'État en avait pourtant ouvert une autre en précisant que son avis ne visait qu'une inscription sur la liste générale non assortie d'une condition de durée. Hélas, le Gouvernement n'a pas exploré cette piste, le projet de loi organique initialement retenu prévoyant en effet que les Kanaks seront inscrits d'office, alors que les autres citoyens devront effectuer des démarches individuelles. Ce dispositif était grotesque, voire dangereux : en effet, comment parler de citoyenneté calédonienne rassemblant les Calédoniens au-delà de leur couleur de peau et de leurs histoires, comment parler d'un destin commun à construire ensemble si une partie de la population calédonienne, d'origine kanak, est inscrite d'office alors que l'autre doit se plier à une série de démarches individuelles pour pouvoir voter ?

Des manifestations locales ont exprimé l'émotion et l'incompréhension de la population face à ce dispositif. Une mission parlementaire présidée par Claude Bartolone et comprenant Jean-Jacques Urvoas et Philippe Gosselin s'est déplacée en Nouvelle-Calédonie et a proposé au Premier ministre de réunir un comité des signataires exceptionnel afin de ne pas poursuivre dans cette voie sans issue. Le comité des signataires du 5 juin 2015 a opté pour la solution esquissée en octobre 2014 en empruntant la porte ouverte par le Conseil d'État : dès lors qu'ils sont inscrits sur la liste pour les élections provinciales – c'est-à-dire qu'ils sont citoyens calédoniens –, les Calédoniens nés en Nouvelle-Calédonie pourront être inscrits d'office sur la liste électorale de sortie. En effet, pour être inscrit sur la liste provinciale et être citoyen, il faut être arrivé en Nouvelle-Calédonie avant novembre 1998. Or le Conseil d'État considère que le fait d'être citoyen constitue le faisceau d'indices nécessaire pour estimer que le centre des intérêts matériels et moraux de la personne se trouve en Nouvelle-Calédonie.

Le texte proposé aujourd'hui prévoit que les Calédoniens de statut civil coutumier comme les Calédoniens nés en Nouvelle-Calédonie et inscrits, en qualité de citoyens, sur la liste électorale provinciale, seront tous inscrits d'office pour le référendum de sortie de l'Accord de Nouméa. Cette disposition concerne donc 80 à 85 % des Calédoniens. Les 10 à 15 % restants devront effectuer des démarches individuelles et fournir des documents justifiant leur droit à être inscrits sur cette liste électorale. Même s'il ne traite que d'une modalité technique du scrutin, ce texte contribue à construire le destin commun auquel nous sommes les uns et les autres appelés sur cette terre, malgré les heurts qui ont pu nous opposer à certains moments de l'histoire.

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