Intervention de Jean-Charles Taugourdeau

Réunion du 7 juillet 2015 à 15h00
Commission des affaires économiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Charles Taugourdeau, président de la mission :

Je tiens à saluer l'organisation des travaux et la qualité des auditions menées pendant près de six mois par notre mission d'information. Le panel des personnes que nous avons auditionnées et les déplacements que nous avons effectués nous ont permis d'acquérir une vision de terrain indispensable à nos travaux. Le rapport ici présenté, par son volume et le nombre de propositions qu'il contient, reflète d'ailleurs la richesse des échanges que nous avons eus avec les personnes auditionnées et avec la rapporteure.

Les travaux préparatoires à la rédaction du rapport laissaient présager des conclusions plus consensuelles, partant d'un constat commun et aboutissant à des propositions pragmatiques et incitatives, au-delà des clivages politiques et partisans. Je regrette, par conséquent, que la version finale présentée ici soit plus radicale dans ses propositions.

Il n'est nullement question de contester l'utilité des circuits courts pour les consommateurs – qui sont, de manière générale, de plus en plus à la recherche de proximité et de « marque France » dans leurs achats – non plus que pour les producteurs, qui doivent souvent faire face à des déséquilibres dans leurs relations avec la grande distribution. Je suis ainsi d'accord avec les propositions consistant à définir pour tous la notion de produits fermiers, à développer les carreaux de producteurs sur les marchés d'intérêt national (MIN) et à créer des marchés locaux, à accompagner les projets innovants d'abattoirs mobiles et à favoriser les abattoirs multi-espèces de proximité. Les travaux de la mission ont également montré qu'il serait opportun de revoir les mécanismes de production et de consommation des produits transformés.

Mais, alors que l'objectif de simplification est mis en avant dans le cadre de toutes les politiques publiques, cet affichage n'est malheureusement pas toujours suivi d'effets et les acteurs économiques – entreprises et agriculteurs – ne devraient pas avoir à subir de nouvelles contraintes pour privilégier les circuits courts. De mon point de vue, les propositions spécifiquement favorables à ces circuits seront tôt ou tard dénoncées par les commerçants et artisans locaux, suivis par les TPE et PME, désireux de se voir appliquer l'assouplissement des normes et la facilitation de l'accès aux marchés publics.

Ainsi, je ne saurais être d'accord avec les propositions visant à intégrer dans la responsabilité sociale et environnementale (RSE) des entreprises des exigences en matière de consommation alimentaire durable, telles que le choix de produits bio et locaux, la cuisine sur place, la lutte contre le gaspillage alimentaire et le suremballage ; à rendre obligatoire la culture de type biologique sur les zones de captage d'eau ; à indiquer les marges de chaque intermédiaire. Je regrette également la proposition n° 25 visant à rendre obligatoire l'introduction dans la restauration publique d'un seuil minimal de 20 % de produits issus de l'agriculture durable, dès 2016, pour atteindre 40 %, dont 20 % de bio, en 2020. Imposer de tels objectifs, en les enserrant dans des délais très courts, confrontera nombre collectivités locales à de véritables casse-tête, certains territoires ne bénéficient pas d'une production agricole locale suffisamment diversifiée. Mieux vaudrait laisser les acteurs de la restauration publique libres de valoriser par eux-mêmes les produits de proximité.

Par ailleurs, le développement des circuits courts doit s'inscrire dans le même cadre que celui de l'agriculture, et non en parallèle voire en concurrence avec celle-ci, comme le suggère la rapporteure en proposant l'instauration de règles propres à certaines structures, telles que l'adoption d'un taux de TVA réduit sur les produits biologiques ou l'allégement des normes environnementales.

Enfin, je regrette que le rapport laisse à penser que les circuits courts sont l'alpha et l'oméga de l'agriculture française et qu'il faut bouleverser les conditions de l'agriculture afin de relocaliser nos productions. En effet, l'agriculture est un secteur économique à part entière pour notre pays, entièrement inscrit dans son histoire et sa culture. L'agriculture française ne saurait faire abstraction du souci de développer sa compétitivité, de rechercher des marchés à l'export et de créer des emplois. Craignant et regrettant que la philosophie sous-jacente à la version finale de ce rapport mette de côté ces objectifs, je ne puis approuver la majorité des propositions formulées à l'issue de son élaboration. Ce travail complet aurait mérité des propositions incitatives qui auraient certainement pu être approuvées à l'unanimité. Convaincre vaut mieux que contraindre nos agriculteurs et, par extension, les entrepreneurs de France qui n'en peuvent plus de la charge administrative qui pèse sur leurs métiers devenus parfois impossibles à exercer.

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