Intervention de Jean-Yves le Drian

Réunion du 26 mai 2015 à 17h00
Commission des affaires étrangères

Jean-Yves le Drian, ministre de la défense :

L'affectation à la protection du territoire des forces armées professionnelles est effectivement une question importante. Je rappelle que cela existe depuis de nombreuses années en vertu du contrat opérationnel entre les armées et le Gouvernement, qui prévoit la protection du territoire, qu'elle soit terrestre, aérienne ou maritime. Les LPM précédentes prévoyaient ainsi la capacité de mettre en place, en cas de crise, 10 000 militaires – ce qui a été fait dans l'opération Sentinelle. C'est le choix en faveur d'une armée professionnelle vis-à-vis de menaces globales.

Il faut une armée unique amenée à remplir des missions différenciées au cours d'une même année, liées soit aux OPEX, soit à la protection du territoire – que l'opération s'appelle Vigipirate, Sentinelle ou autrement, si demain on a besoin d'une intervention d'un autre type. Dans tous les cas, on est confronté à un même danger et il y a une continuité entre action intérieure et action extérieure. Sentinelle doit donc être intégrée dans une conception globale, qui doit faire, en effet, l'objet d'un débat, y compris avec le Parlement – même s'il nous faut apporter une réponse immédiate, la menace étant permanente. Le CEMA et le CEMAT souhaitent aussi qu'on y réfléchisse.

Il est, dès lors, essentiel que les soldats soient aussi formés aux opérations intérieures (OPINT), ce qui a commencé à être fait. Ainsi, un mois après les attentats de janvier, après la diffusion, un matin, d'un message de Daech appelant à attaquer les forces françaises à l'arme blanche, l'après-midi, à Nice, un individu a agressé et blessé trois soldats de l'opération Sentinelle avec ce type d'arme : or ceux-ci, qui étaient armés et pouvaient ouvrir le feu, ont eu une maîtrise suffisante de leur arme et de leurs capacités pour empêcher cet individu d'agir sans tirer. C'est une illustration exemplaire d'une armée professionnelle.

Compte tenu des menaces asymétriques et des nouveaux types de risques, on n'est plus dans le concept antérieur de l'armée de terre et de l'armée professionnelle. La même armée de terre doit désormais s'occuper de cyberdéfense et avoir une brigade d'aérocombat, ce qui n'existait pas auparavant. Les mêmes hommes doivent donc avoir des formations différenciées, qui se complètent les unes les autres. Les questions que vous vous posez, je me les suis posées aussi avant que le choix soit fait d'augmenter la FOT, qui est globale et a des missions différentes, effectuées par ses sept brigades.

S'agissant des OPEX, nous sommes intervenus au Mali à la demande des autorités de ce pays et, dans la bande sahélo-saharienne, sous mandat des Nations unies et en complément de ses forces. Nous sommes donc dans notre rôle international de membre du Conseil de sécurité. Nous sommes, de même, intervenus en République centrafricaine sur mission des Nations unies pour éviter des massacres de masse. Aujourd'hui, nous nous en retirons assez rapidement : nous y avons 1 650 soldats, contre 2 500 auparavant, avant de passer à 800 à l'été, puis de retrouver dès l'automne notre niveau antérieur à l'aggravation de la situation. Nous serons remplacés par la Mission intégrée multidimensionnelle de stabilisation des Nations Unies en République centrafricaine (MINUSCA), qui a aussi pour rôle de mettre en place le processus politique et militaire. Ce processus politique se met d'ailleurs en oeuvre, puisque le forum de Bangui, qui s'est réuni il y a quinze jours, a abouti à un scénario permettant des élections à l'automne et la fin du processus de transition.

En Irak, nous intervenons à la demande des autorités de ce pays et dans le cadre de la collaboration que nous avons avec la coalition – sachant que nous n'intervenons ni en Libye ni en Syrie, même si le contexte est global. La grande nouveauté, à cet égard, est que le califat de Daech s'implante et qu'à la différence d'Al-Qaïda, qui commet des attentats ciblés, il est en train d'organiser un territoire, en voie d'extension, avec une administration et une fiscalité propres. Il est vrai qu'au moment du Livre blanc, on n'avait pas envisagé l'hypothèse que des groupes terroristes s'implantent sur un territoire, ce qui est très préoccupant.

Il est vrai aussi qu'il faut savoir arrêter une opération, comme je l'ai fait en Afghanistan, au Kosovo ou avec Atalante. C'est la condition pour en faire d'autres, sous réserve que la suite soit garantie, que la paix soit revenue ou qu'elle ne soit pas assurée par des forces militaires.

Par ailleurs, s'agissant des commandes de Rafale, il n'y a plus de doute et, sur les REX, une clarification a été apportée. Le rajout budgétaire de 2015 correspond à l'euro près aux REX inscrites dans la LPM de décembre 2013 ; 2,14 milliards d'euros seront inscrits dans la loi de finances rectificative de fin d'année, ce qui ne nous pose pas de problème : alors que les REX ne pouvaient antérieurement être affectées qu'à des investissements, je consacrerai cette somme à ceux-ci et pourrai ainsi engager de façon sereine le processus de commande. Quant aux REX suivantes, elles seront inscrites dans la loi de finances initiale. En d'autres termes, monsieur Lellouche, j'ai gagné mes arbitrages !

Je rappelle que ce sera la première LPM de l'histoire qui, non seulement sera respectée, mais bénéficiera d'une augmentation de crédits.

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