Intervention de Emmanuel Macron

Réunion du 11 mars 2015 à 18h15
Commission des affaires économiques

Emmanuel Macron, ministre de l'Économie, de l'industrie et du numérique :

Je reviendrai sur l'enchaînement des événements avant d'aborder quelques points précis.

La société Alstom emploie aujourd'hui, dans les secteurs de l'énergie et du ferroviaire, 18 000 salariés en France et General Electric, 11 000. La transparence vis-à-vis de la représentation nationale est une évidence pour les services de Bercy ; elle avait d'ailleurs conduit mon prédécesseur, Arnaud Montebourg, à s'exprimer par deux fois devant votre commission.

Le 5 novembre dernier, mes services m'ont confirmé que l'ensemble des accords signés par General Electric, Alstom, EDF, Areva et l'État étaient conformes à ce que prévoyait l'accord tripartite du 21 juin 2014 ; c'est pourquoi j'ai décidé d'autoriser General Electric à investir en France, conformément au décret du 14 mai 2014 relatif aux investissements étrangers soumis à autorisation préalable. Ce décret était requis par le constat que les activités liées à l'approvisionnement en énergie, qui concourent à l'intégrité, à la sécurité et à la continuité d'exploitation des infrastructures d'importance vitale, n'étaient pas couvertes par les dispositions relatives aux investissements étrangers. C'était le cas, par exemple, de la fourniture et de la maintenance, par Alstom, des turbines à vapeur qui équipent les cinquante-huit réacteurs nucléaires exploités par EDF en France et qui mettent en jeu des intérêts nationaux : il y va, naturellement, de la continuité et de la sécurité de l'approvisionnement énergétique de la France. Aussi nous est-il apparu nécessaire de modifier le périmètre des dispositions du décret de 2005 : cela a permis, à l'initiative de mon prédécesseur, de réarmer la puissance publique en lui donnant les moyens juridiques de protéger les intérêts stratégiques du pays. Soit dit au passage, l'intérêt porté à Alstom par General Electric, mais aussi par Siemens et Mitsubishi montre l'attractivité de la France et de son industrie ; reste qu'il convient de replacer les choses dans leur contexte.

Les objectifs du Gouvernement étaient clairs : protéger les intérêts stratégiques du pays, en particulier de sa filière nucléaire, et s'assurer que l'opération était porteuse de développement économique pour la France, c'est-à-dire d'activité et d'emploi, pour les activités touchant à l'énergie comme au ferroviaire ; d'où le décret du 14 mai 2014.

Je développerai quatre points : le contexte de l'accord conclu entre Alstom et General Electric ; les conditions dans lesquelles j'ai délivré l'autorisation d'investissement sollicitée par General Electric en novembre dernier ; la création des trois co-entreprises ; l'avenir d'Alstom Transport, enfin, et des co-entreprises telles que nous les concevons.

Je résumerai le contexte de l'accord de manière simple : le Gouvernement a été mis devant le fait accompli mais, à l'analyse, le statu quo est apparu comme une solution qui n'était pas viable ; c'est la conclusion à laquelle le ministre de l'économie de l'époque et moi-même, alors conseiller à l'Élysée, étions parvenus après un examen approfondi.

Le projet de rachat des activités énergétiques d'Alstom par General Electric a été révélé le mercredi 24 avril 2014, alors que les entreprises discutaient depuis plusieurs mois dans le plus grand secret. Les fragilités d'Alstom étaient connues des pouvoirs publics, puisque mon prédécesseur avait commandé un travail sur le sujet ; cependant l'entreprise, sans en informer personne, sinon ses seuls actionnaires, avait engagé des négociations avec General Electric, lui donnant même une option.

Le Gouvernement s'est donc trouvé face à un projet totalement ficelé de rachat de l'ensemble des activités d'Alstom dans le domaine de l'énergie ; en l'espèce, une option était octroyée à General Electric pendant une durée déterminée : ne manquait, pour finaliser l'opération, que l'aval du conseil d'administration, appelé à émettre une position de principe dès le week-end suivant, soit le 27 avril.

Ce projet de cession de l'ensemble des activités d'Alstom dans le secteur de l'énergie apparaissait susceptible d'affecter les intérêts nationaux en matière de sécurité énergétique au regard, non seulement du rôle d'Alstom, fournisseur critique du parc nucléaire français, mais aussi de l'empreinte industrielle, donc de la souveraineté. Le Gouvernement s'est aussitôt mobilisé avec force pour renverser la situation et arrêter le processus, dans l'optique de trouver une solution qui garantisse la préservation des intérêts fondamentaux de la nation en matière de continuité d'approvisionnement en énergie et pour préserver l'emploi ainsi que les centres de compétences sur notre territoire. Il a travaillé dans deux directions, d'une part pour examiner les possibilités de partenariats alternatifs, de l'autre pour négocier avec General Electric et Alstom un schéma alternatif et des garanties. C'est la tension entre ces deux directions qui a permis d'avancer.

Peu d'observateurs pensaient qu'une telle démarche permettrait de faire évoluer un dossier qui, de l'avis général, était bouclé. J'ajoute que, une fois l'opération révélée, elle interdisait à Alstom, par l'incertitude qu'elle faisait peser, de prétendre au moindre contrat à l'étranger : c'est peut-être à mes yeux la principale faute de ses dirigeants. De tels contrats supposent en effet, de la part des gouvernements étrangers qui les signent, un engagement de plusieurs années avec l'entreprise. Bref, la montre tournait : chercher à réécrire l'histoire en faisant comme si nous avions tout le temps était illusoire, compte tenu de l'intérêt social d'Alstom, de la responsabilité des administrateurs et des réalités opérationnelles.

Néanmoins, afin d'examiner les différentes options et de faire progresser l'offre, le Gouvernement a obtenu, dès le 27 avril, un délai d'un mois, puis de deux mois. Il a également obtenu la mise en place d'une procédure garantissant l'équité entre les différents partenaires potentiels, avec un groupe d'administrateurs et une personnalité qualifiée chargée de veiller au respect des règles de gouvernance ; enfin, nous nous sommes donné les moyens juridiques de nos ambitions avec le décret du 14 mai 2014.

Le statu quo, disais-je, n'était pas une solution viable sur le plan industriel, d'abord parce qu'Alstom ne possédait pas la taille critique sur un marché de plus en plus concurrentiel et dont la croissance est tirée par les pays émergents, qui voient se renforcer leur offre industrielle : les études que nous avions diligentées l'avaient confirmé ; c'est pourquoi les services de l'État avaient cherché, au cours des mois précédents, à ouvrir un dialogue stratégique avec la direction d'Alstom, qui l'avait décliné.

La marge de manoeuvre d'Alstom était également réduite par sa structure actionnariale car son actionnaire de référence, le groupe Bouygues, n'ayant pas vocation à l'être sur le long terme, il n'avait ni la volonté ni les moyens d'accompagner des opérations majeures pour la croissance de l'entreprise. Il faut enfin rappeler que l'opération est intervenue dans un contexte d'effondrement du marché des turbines en Europe, en raison de l'émergence du gaz de schiste aux États-Unis et des choix énergétiques de l'Allemagne. La dynamique industrielle s'est ainsi déplacée vers l'Asie, où dominent les acteurs chinois.

Deux pistes ont été suivies. En premier lieu, face au projet de General Electric, nous avons sollicité des partenaires potentiels, français, européens et internationaux. La solution française a été avancée par les pouvoirs publics, l'Agence des participations de l'État et la Direction générale des entreprises ayant établi des contacts avec des groupes tels qu'Areva et DCNS ; mais aucun d'eux ne s'est montré intéressé. Au reste, on peut sérieusement douter, au regard de la situation des groupes que je viens de citer, qu'il eût été pertinent de les impliquer dans une opération de cette ampleur. Le groupe Safran a également été sollicité mais, lié à General Electric par un partenariat structurant, il n'a pas donné suite non plus.

S'agissant des acteurs européens, nous avons suivi, aussi loin que possible, la piste d'un rapprochement avec Siemens, sollicité par nos soins. Cette entreprise s'est rapprochée de Mitsubishi dans l'optique de conclure un partenariat ; mais force est de constater que Siemens n'a jamais été en mesure, à notre grand regret, de présenter une offre engageante. Les options, tant financières qu'industrielles, qu'elle a proposées, d'abord seule puis avec Mitsubishi, étaient moins attractives que celles de General Electric. Si, in fine, aucune solution industrielle alternative n'a émergé, la tension concurrentielle créée par les pouvoirs publics a permis des progrès sur la seconde piste, l'amélioration du schéma de l'alliance avec General Electric.

Le schéma initial, en effet, prévoyait l'absorption complète des activités énergétiques d'Alstom par General Electric ; lui ont été substitués la création de sociétés communes et l'octroi de garanties pour l'État.

Par ailleurs, l'État a obtenu des pouvoirs spécifiques au sein de la société commune exerçant des activités relatives à l'îlot conventionnel des centrales nucléaires ; des accords de pérennité ont été conclus avec AREVA et EDF et la disponibilité des droits de propriété intellectuelle et du savoir-faire a été sécurisée.

En outre, General Electric a pris des engagements relatifs au maintien en France – qui n'était pas acquis – des centres de décisions et de compétences relatifs aux activités touchant au nucléaire, aux énergies renouvelables et aux réseaux, ainsi que la localisation en France, à Belfort, du centre de compétences européen pour les turbines à gaz, alors même que les activités correspondantes d'Alstom étaient basées en Suisse. Enfin, General Electric a stoppé sa restructuration en cours au sein de la division santé, et s'est engagé à créer 1 000 emplois nets après l'opération, une fois les accords, au second semestre de cette année.

Par ailleurs, concurrencé par l'offre de Siemens, General Electric a accepté d'apporter à Alstom son activité de signalisation ferroviaire et de conclure un accord industriel global dans les activités ferroviaires. Ces deux éléments étaient essentiels pour consolider Alstom Transport, qui en avait bien besoin. Le nouveau dispositif a fait l'objet d'un protocole d'accord le 21 juin 2014, qui décline l'ensemble des principes énoncés. C'est en respectant scrupuleusement les dispositions de ce protocole que les documents détaillés relatifs à ces partenariats ont été établis, ce qui a permis d'accorder l'autorisation d'investissement étranger à General Electric le 5 novembre dernier.

J'ai autorisé cet investissement, car les garanties demandées par le Gouvernement en juin 2014 ont été respectées. Elles portent, notamment, sur la constitution d'une co-entreprise entre General Electric et Alstom regroupant les activités nucléaire et vapeur et bénéficiant d'une clause d'exclusivité pour conduire les activités du groupe General Electric sur le développement et la fourniture des turbines à vapeur et des produits dérivés pour îlots conventionnels de centrales nucléaires, de manière à garantir la pérennité des activités stratégiques en France et la présence sur notre sol des quartiers généraux correspondants. La deuxième garantie concerne la finalisation des statuts de cette co-entreprise, ainsi que le pacte d'actionnaires qui, liant General Electric, Alstom et l'État, confère à ce dernier des droits de veto étendus sur l'activité et les décisions stratégiques de l'entité. Troisième garantie : la finalisation des contrats de pérennité entre cette co-entreprise d'une part et EDF et Areva de l'autre, afin d'assurer à long terme, non seulement la maintenance du parc de centrales nucléaires d'EDF, mais aussi la fourniture des groupes turbo-alternateurs Arabelle dans des conditions compétitives pour EDF et Areva ; l'autre volet de cette garantie porte sur la définition d'un cadre protecteur de la propriété intellectuelle relative aux groupes turbo-alternateurs Arabelle, qui équipent les centrales françaises, de sorte que l'État garde une complète maîtrise de cette technologie.

Au cours des deux mois de discussion, nous nous sommes efforcés de trouver une solution pour isoler les activités relatives aux turbines nucléaires, mais la chose est impossible sur le plan opérationnel car cette production est intimement liée à celle des turbines à vapeur ; d'où les accords que je viens d'évoquer, qui garantissent un isolement de ces activités sur le plan contractuel et, partant, la pérennité de notre filière nucléaire.

S'agissant de la constitution des co-entreprises, toutes les dispositions que je vais vous présenter figuraient dans l'accord de juin : aucune concession n'a été faite depuis. Le but du Gouvernement était que les structures aient un sens industriel aussi prononcé que possible ; la première d'entre elles est la co-entreprise formée dans le secteur des réseaux de transport d'électricité ; elle réunit des activités d'Alstom – représentant 15 % de ses emplois en France – très performantes sur le segment de très haute tension et des activités de General Electric, concentrées sur la distribution ; en regroupant ces activités au sein d'une co-entreprise, Alstom et General Electric vont ainsi passer de la troisième et de la cinquième position mondiale qu'ils occupaient respectivement à la deuxième, derrière le groupe helvético-suédois ABB. L'activité d'Alstom bénéficiera aussi de son adossement à General Electric, car les équipements de haute tension qu'il développe pourront être intégrés dans les offres globales de General Electric et les commandes seront mécaniquement tirées par le volume d'activité de ce groupe : c'est d'ailleurs l'un des bénéfices du contrat, y compris sur le volet transports. Les quartiers généraux de cette co-entreprise seront installés en France : nous vérifierons le respect de cette garantie comme des autres. General Electric et Alstom ont d'ailleurs annoncé récemment que le dirigeant actuel d'Alstom Grid, M. Poux-Guillaume, sera amené à diriger le nouvel ensemble une fois l'opération menée à bien.

La deuxième co-entreprise, formée dans le secteur des énergies renouvelables – qui représente 7 % de l'emploi d'Alstom en France – a, elle aussi, un sens industriel : elle rassemble des activités matures, comme l'hydroélectricité, et des activités en développement, comme l'éolien offshore ou l'énergie hydrolienne ; elle disposera ainsi d'un profil équilibré pour alimenter en ressources technologiques, humaines et financières le développement des activités nouvelles, et pourra s'appuyer sur la force commerciale et financière de General Electric pour développer son activité à l'export. Les quartiers généraux des activités relatives à l'hydraulique et à l'éolien offshore seront implantés en France, confortant notamment le pôle grenoblois ; General Electric et Alstom ont d'ailleurs annoncé récemment que le dirigeant actuel d'Alstom Renewable Power, M. Jérôme Pécresse, dirigerait l'ensemble des activités renouvelables de General Electric, en France et dans le monde, sous l'autorité directe de M. Immelt.

Enfin, la co-entreprise dédiée au nucléaire et aux activités françaises touchant à la vapeur, qui représentent 24 % des emplois d'Alstom en France, a été constituée pour sanctuariser le domaine d'activité le plus stratégique, sans pour autant demeurer isolée du groupe : il importe en effet de ne pas briser le lien industriel et économique entre les activités gaz et vapeur, qui doivent être développées ensemble, notamment pour les offres de centrales à cycle combiné gaz-vapeur. Le siège de cette structure sera établi en France et son dirigeant sera français. Le quartier général de l'ensemble de l'activité turbine à vapeur sera également installé en France, à Belfort, ainsi que le prévoyaient les accords de juin.

D'autres activités ont été vendues en totalité car elles ne sont pas implantées en France – non plus que leurs emplois, par conséquent – et ne relèvent pas de secteurs stratégiques ; c'est le cas par exemple, des turbines à gaz – développées en Suisse – et de l'éolien terrestre.

Ces trois co-entreprises représentent 2,6 milliards d'euros de valeur au bilan d'Alstom, et ont à ce titre un intérêt capitalistique pour lui. Elles permettront donc au groupe de conserver une taille de bilan significative et, ainsi, de ne pas devenir une cible boursière ; elles constituent une réserve de valeur significative pour le développement futur d'Alstom, en particulier dans les transports ; enfin, si ces actifs avaient été immédiatement cédés, comme cela était initialement envisagé, le dividende exceptionnel annoncé aux actionnaires aurait sans doute été encore bien plus élevé encore puisque cette valeur n'aurait pas été conservée par l'entreprise mais redistribuée, au moins en partie. Au-delà de ses intérêts en termes de souveraineté, l'opération a donc été créatrice de valeur pour Alstom.

Enfin, je veux revenir sur certaines questions soulevées par de nombreux commentateurs au sujet de la structuration des co-entreprises, s'agissant en premier lieu des poids respectifs de General Electric et d'Alstom au sein de leur capital. General Electric détient, comme cela était prévu dès les accords de juin, 50 % du capital plus une action dans les co-entreprises dédiées aux énergies renouvelables et aux réseaux de transport d'électricité, et 80 % du capital, pour 50 % des droits de vote, dans la co-entreprise dédiée au nucléaire et à la vapeur. Arnaud Montebourg avait d'ailleurs fait état de cette structure lors de son audition du 24 juin dernier en précisant qu'« Alstom n'a que 20 % des droits économiques sur [la co-entreprise nucléaire] même s'il a 50 % du pouvoir ».

Toutefois, ces structures ne doivent pas être regardées indépendamment des droits concédés à Alstom et à l'État, comme les droits de veto ou la protection de la propriété intellectuelle. Les conseils d'administration des trois co-entreprises seront composés à parité de représentants de General Electric et d'Alstom – ou de l'État, dans le cas de la co-entreprise nucléaire.

Les mécanismes de sortie prévus entre Alstom et General Electric sur les trois co-entreprises sont, eux aussi, conformes aux accords de juin. Alstom peut vendre à General Electric ses parts dans les co-entreprises réseaux et renouvelables – respectivement en septembre 2018 et en septembre 2019 – et dans la co-entreprise vapeur-nucléaire après cinq ans seulement ; rappelons toutefois qu'il s'agit d'une faculté et non d'une obligation. Alstom peut également acheter les parts de General Electric dans la co-entreprise renouvelables – à raison d'une fenêtre par an jusqu'en 2019 –, comme l'avait précisé Arnaud Montebourg lors de son audition en juin dernier.

Ces clauses sont tout à fait usuelles ; elles ne préjugent en rien des décisions qui pourront être prises le moment venu par Alstom, où l'État sera représenté au conseil d'administration. Enfin, ces mécanismes sont sans incidence sur la sauvegarde des intérêts nationaux, dont Alstom n'est pas dépositaire : même s'il devait, à terme, sortir du capital des co-entreprises, les droits de l'État sur la co-entreprise vapeur-nucléaire resteraient intacts puisqu'ils sont indépendants de l'actionnariat.

J'en viens aux enjeux d'avenir. Nous serons bien entendu très vigilants sur le respect de l'ensemble des engagements pris par General Electric ; à cet égard, un dispositif complet a été mis en place sur l'accord-cadre en matière d'emploi et de localisation des quartiers généraux des diverses co-entreprises. General Electric s'est engagé à créer 1 000 emplois industriels en trois ans et à payer une pénalité de 50 000 euros par emploi non créé : la surveillance sera donc assortie, s'il y a lieu, d'une sanction, sur la base du contrat qui a été signé.

De plus, General Electric remettra chaque année, au mois de février, un rapport sur la mise en oeuvre de ses engagements ; enfin, un comité de pilotage associant le groupe et les services de l'État assurera le suivi, l'État disposant de surcroît d'un droit d'auditer les informations fournies par General Electric, avec le concours du cabinet Vigeo.

S'agissant de la sauvegarde des intérêts nationaux en matière nucléaire, l'État disposera d'un représentant au conseil d'administration de la co-entreprise regroupant les activités « nucléaire » et « vapeur », avec des droits d'information étendus et des droits de veto ; le dispositif de maîtrise de la propriété intellectuelle est également en place avec la création, par l'État, d'une société ad hoc, SPVPI, qui a signé les accords de licence conclus avec General Electric sur la propriété intellectuelle de la technologie Arabelle. L'État pourra donc à tout moment, en cas de manquement aux dispositions relatives à la propriété intellectuelle, protéger les intérêts d'EDF et d'Areva, avec lesquels ont été conclus des accords de pérennité de fourniture.

Ces dispositifs offrent des garanties sans précédent en matière protection des intérêts de la France : jusqu'alors, l'État, EDF et Areva n'avaient aucun droit sur le groupe Alstom. Ils seront effectifs une fois conclues les opérations entre General Electric et Alstom, c'est-à-dire à l'issue de la procédure de validation par les autorités de la concurrence, probablement au second semestre.

Le Gouvernement est aussi très attentif à l'évolution d'Alstom et aux choix stratégiques qu'il sera amené à faire sur les métiers touchant au transport. Assurer l'avenir d'Alstom Transport, en butte à bien des incertitudes, était pour le Gouvernement le deuxième enjeu majeur de ce dossier. L'industrie ferroviaire connaît une croissance faible en Europe mais forte et durable à l'international. Dans ce contexte, Alstom peut s'appuyer sur des fondamentaux solides pour continuer à croître et affronter la concurrence en position de force ; il est, avec Siemens et Bombardier, l'un des leaders mondiaux de son secteur : important en taille, avec 6 milliards d'euros de chiffre d'affaires, il dispose d'une présence mondiale – avec près de 30 000 employés dans soixante pays, dont 9 500 en France – et d'une offre intégrée, avec une large gamme de trains mais aussi de systèmes d'infrastructures, de services de maintenance, de gestion de flotte ou de signalisation.

Malgré la faiblesse des marchés européens, largement matures dans ce secteur, la croissance mondiale de l'industrie ferroviaire ne ralentit pas : selon les prévisions, elle s'établira à 3 % par an au cours des six prochaines années, étant soutenue par les marchés américains et le rattrapage des pays émergents ; mais ces marchés attisent cependant la convoitise de deux grands acteurs chinois, CNR et CSR qui, déjà forts d'un marché intérieur sans équivalent, se développent à l'international.

Rappelons que 54,1 % du chiffre d'affaires généré par les neuf sites industriels d'Alstom en France sont exportés. Il faut continuer à amplifier la part des exportations, qui doivent notamment compenser la faiblesse structurelle du marché en Europe et en France. Afin d'affronter la concurrence internationale dans les meilleures conditions et de saisir les opportunités à l'export, il convient de conforter la place mondiale d'Alstom, ce que permet précisément le rapprochement avec General Electric. En premier lieu, Alstom pourra disposer d'une position renforcée sur le segment de la signalisation ferroviaire grâce à l'acquisition, obtenue par la négociation, de la division dédiée à cette activité au sein de General Electric. Cette acquisition rapportera 500 millions d'euros de chiffre d'affaires à Alstom, qui deviendra ainsi le numéro deux mondial du secteur, derrière Siemens.

L'objectif est de donner à Alstom les capacités de son développement ; c'est pourquoi nous veillerons à ce que son endettement reste nul à l'issue de l'opération. Le niveau du dividende exceptionnel devra donc être adapté en conséquence. Désendetté à terme, Alstom bénéficiera d'un bilan très solide et d'une trésorerie suffisante pour investir, ce qui le placera en position de consolidateur. C'est là un élément important au regard de la montée en puissance des acteurs chinois.

Nous avons bien noté la disponibilité de Siemens pour une éventuelle consolidation, et nous sommes prêts à poursuivre le dialogue avec le groupe. De telles opérations se heurtent toutefois à des obstacles importants, s'agissant en particulier des règles européennes relatives à la concurrence et des impacts sociaux. Ce n'est donc pas l'option que nous privilégions à ce stade. Quoi qu'il en soit, ces enjeux stratégiques seront suivis de très près par le Gouvernement, notamment dans la perspective de l'entrée de l'État au capital d'Alstom. Comme vous le savez, Arnaud Montebourg avait rendu publique l'intention du Gouvernement à ce sujet. Le Gouvernement s'est donné les moyens de ce projet, non seulement par l'accord conclu avec General Electric, mais aussi par celui conclu avec Bouygues, accord dont j'ai d'ailleurs confirmé qu'il serait mis en oeuvre dans les prochains mois, une fois accordée à General Electric l'autorisation d'investissement par les autorités européennes de la concurrence – de fait, cet accord ne peut entrer en vigueur avant l'achèvement de la première opération. Il présente un double intérêt : d'une part, il donne accès à un bloc de 20 % au capital d'Alstom, soit la position d'un actionnaire de référence ; de l'autre, il comporte un prêt de titres et un engagement à soutenir l'entrée de l'État au conseil d'administration du groupe, ce qui permettra à l'État de peser sur les choix stratégiques sans attendre l'acquisition effective des titres.

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