Les marins-pêcheurs du Pas-de-Calais s'inquiètent beaucoup des négociations qui vont s'ouvrir la semaine prochaine, en particulier au sein de la coopérative maritime étaploise – CME –, qui connaît de grandes difficultés et a besoin de notre soutien. Or on leur envoie des messages très négatifs qui risquent de les déstabiliser encore plus. On parle ainsi d'une diminution de 45 % des quotas de sole en Manche, de 15 % en mer du Nord : c'est impossible ! Quelle activité économique supporterait de tels coups d'accordéon ? Les marins-pêcheurs sont favorables à une pêche durable ; ils souhaitent simplement que les évolutions soient lissées et définies par des plans pluriannuels au lieu d'être décidées année après année, au coup par coup. En ce qui concerne la raie, alors que les stocks sont abondants, la Commission propose une baisse de 20 % ; cela n'a aucun sens. Quant au maquereau, notre gestion commune avec la Norvège nous oppose à l'Islande et aux îles Féroé, ce qui suscite des inquiétudes en vue non seulement des négociations, mais aussi et surtout des années à venir. Les marins-pêcheurs s'interrogent également sur la fin du plan de gestion des stocks de cabillaud, espèce essentielle à la survie de la CME et du FROM Nord. Je serai à leurs côtés la semaine prochaine à Bruxelles.
Plus généralement, les avis sur lesquels repose la PCP doivent être incontestables ; à cette fin, les constats des scientifiques doivent être recoupés avec ceux des marins-pêcheurs. La PCP ne sera pas acceptée si l'estimation de l'évolution des stocks qui la fonde est elle-même contestée, et cela nourrira la défiance vis-à-vis de l'Europe.
Il est exact que les politiques de TAC, de quotas et de rejets et les mesures techniques qui en découlent ne tiennent pas assez compte des pêches multi-espèces. Il n'en va pas de même selon que l'on peut cibler une espèce ou que l'on en ramasse plusieurs en jetant les filets : dans ce dernier cas, il suffit qu'une seule soit soumise à quota et que ce quota soit dépassé pour que des problèmes se posent. On l'a vu lorsque l'on pêchait beaucoup de cabillaud mais que le quota était dépassé ; s'il n'est plus possible de pêcher quoi que ce soit sauf à ramener les cabillauds au port, cela complique considérablement la tâche des pêcheurs. On va faire disparaître les quelques pêcheurs qui restent le long du littoral français, du moins sur la côte d'Opale. Car vous ne pouvez pas dire que la pêche est florissante, mon cher collègue : elle va très mal !
S'agissant de la modernisation des navires de pêche, je suis parfaitement d'accord avec vous, monsieur le ministre : il faut permettre la construction de nouveaux navires, plus économes, plus sûrs, offrant de meilleures conditions de travail. Mais cela suppose de déverrouiller la jauge, conçue à l'origine pour les navires de commerce et qui contraint à construire – lorsque l'on en construit – des navires de pêche très dangereux, de véritables « fers à repasser ». Si l'on veut donner un peu de confort aux pêcheurs sans réduire les espaces nécessaires pour amener du poisson à bord, on fabrique des navires aberrants. Pour être économes en carburant, les navires devraient être plus longs et mieux profilés ; pour cela, il faut revoir la jauge.
Quant au chalutage, il n'est pas justifié d'en faire une cible. Nous avons besoin de la pêche au chalut. On dit qu'elle risque de déstabiliser les fonds, mais il existe aujourd'hui de nouveaux chaluts dotés de panneaux positionnés de manière à ne plus racler les fonds. En outre, on a constaté que le passage des chaluts ne nuit pas nécessairement à la biodiversité.
Je regrette enfin que la PCP ne soit pas plus ambitieuse en matière économique et sociale. On peut pêcher la même quantité de poisson avec de très gros bateaux et un personnel très réduit, éventuellement embauché hors de l'Union européenne, ou avec beaucoup de bateaux et de pêcheurs. C'est ce dernier modèle qu'il faut préserver. Malheureusement, cet objectif n'est jamais clairement affiché par la Commission.