Mes chers collègues, notre volonté de spécialiser les compétences des régions et des départements ne nous a pas interdit de faire preuve de pragmatisme. Ainsi, à l’article 28, nous avons précisé qu’un certain nombre de compétences resteront partagées, car c’est une condition d’efficacité de l’action publique dans ces domaines. Il s’agit de la culture, du sport, du tourisme, de l’éducation populaire et de la promotion des langues régionales.
Pour ce qui concerne le bloc communal, le texte adopté par la CMP est riche de dispositions qui s’appliquent pour la plupart aux établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre. En effet, si la commune est la seule collectivité à garder le bénéfice de la clause de compétence générale, il nous semble essentiel que les intercommunalités soient à la fois plus grandes et plus fortes. Il s’agit, dans ce texte, des communautés de communes et des communautés d’agglomérations, ainsi que des syndicats intercommunaux, puisque la question des communautés urbaines et des métropoles avait été débattue lors de l’examen du projet de loi MAPTAM. Avec les articles 14 et 15, les EPCI vont donc voir leur taille moyenne progresser, puisque désormais le seuil démographique pour la création d’une intercommunalité sera de 15 000 habitants, et ce même si nous avons prévu un certain nombre d’adaptations pour les zones de montagne et les territoires ayant une densité de population inférieure à 30 % de la densité nationale, où ce seuil sera ramené à 5 000 habitants, mais aussi en acceptant de pondérer ce seuil de 15 000 habitants dans une trentaine de départements dont la densité moyenne est trop basse pour qu’un tel seuil puisse être exigé.
Nous avons aussi prévu un certain nombre de dispositions pour améliorer le fonctionnement des commissions départementales de coopération intercommunale amenées à appliquer les nouveaux schémas, en encadrant notamment le droit de passer outre des préfets, et faire en sorte que les futurs schémas départementaux de coopération intercommunale permettent de diminuer plus facilement le nombre de syndicats – il en existe aujourd’hui plus de 13 000.
De nombreuses dispositions vont dans le sens de cette rationalisation du paysage intercommunal, par exemple l’amélioration et la clarification du régime de la représentation-substitution pour les syndicats compétents en matière d’eau et d’assainissement. C’est un enjeu majeur, tant pour clarifier l’action publique que pour réaliser des économies en matière de fonctionnement. Les nouveaux EPCI, ainsi redéfinis, seront créés au 1er janvier 2017. Ils auront plus de compétences à exercer au service des communes. En effet, en termes de compétences obligatoires, qui désormais ne seront plus soumises à la définition de l’intérêt communautaire, les articles 18 et 20 prévoient le transfert aux intercommunalités de la création et de la gestion des aires d’accueil des gens du voyage, de la promotion touristique dont la création d’offices de tourisme – des exceptions seront possibles pour tenir compte des stations classées et des marques territoriales –, ou encore de la collecte et du traitement des déchets. L’eau et l’assainissement deviennent aussi des compétences obligatoires, mais avec une mise en oeuvre décalée à 2020 pour laisser le temps aux élus locaux de préparer ces transferts souvent plus complexes du fait de la diversité des modes de gestion.
Le projet de loi adopté par la CMP contient aussi d’autres dispositions importantes. Je pense notamment à l’article 13, qui permet la création de la collectivité unique de Corse. C’est une avancée politique et institutionnelle majeure, qui va entraîner la fusion des deux départements et de la région actuels, tout en maintenant des établissements de proximité. Je pense aussi, bien évidemment, à l’article 17 septdecies, qui comprend de nombreuses dispositions pour améliorer la métropole du Grand Paris. Celle-ci sera créée le 1er janvier 2016, comme le prévoyait déjà la loi MAPTAM, mais avec un calendrier adapté pour l’exercice des compétences et en s’appuyant sur des établissements publics territoriaux dotés d’une personnalité juridique et dont le rôle aura été clarifié. La gouvernance de la métropole est aussi améliorée par le projet de loi, grâce notamment à la réduction du nombre initialement prévu de conseillers métropolitains. Je pense enfin à l’article 23, qui encadre le dispositif de délégation des compétences exercées par les départements aux métropoles situées sur leurs territoires. Ces délégations auront d’abord un caractère conventionnel mais elles seront automatiques si aucun accord n’est trouvé entre les métropoles et les départements concernés.
D’autres dispositions pourraient être soulignées mais elles ont un caractère plus technique et l’énumération serait trop longue. Elles visent pour la plupart deux objectifs de nature différente. Le premier est celui de la protection de la carrière et des droits des agents publics concernés par les réaffectations de compétences et les évolutions de leur cadre d’emploi. Le second est celui de la transparence et de la responsabilité pour la gestion des collectivités et des politiques publiques, comme c’est le cas, par exemple, de l’action récursoire en matière de responsabilité de la gestion des fonds européens, prévue par l’article 33. Il s’agit enfin de dispositions améliorant la gestion quotidienne des collectivités et de leurs services en favorisant les mutualisations ascendantes, descendantes mais également entre communes, comme le prévoit l’article 22, en rénovant des règles juridiques de définition de l’intérêt communautaire ou encore, à l’article 22 octies, en permettant aux communes qui ne disposent que d’un conseiller communautaire de pouvoir le remplacer plus facilement et dans tous les cas lorsque celui-ci est amené à quitter ses fonctions.
Mes chers collègues, nous arrivons à la fin de nos débats sur ce projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République. Ce débat aura été marqué à la fois par l’implication et l’engagement de nombreux élus, parfois aussi par la volonté de quelques-uns d’effrayer en agitant des dispositions qui ne sont pas – ou plus – dans le texte, mais le plus souvent par une volonté partagée d’améliorer l’action publique locale. En tant que rapporteur de la commission des lois, je considère que le texte adopté en CMP est conforme aux objectifs initiaux. C’est le cas pour la clarification et la spécialisation des compétences. C’est le cas pour la montée en puissance des régions, qui auront davantage de compétences et pourront s’appuyer sur des documents opposables. C’est le cas pour la définition des compétences des départements, lesquels voient leur rôle conforté pour assurer la solidarité territoriale. C’est le cas enfin pour les intercommunalités, dont la taille moyenne va progresser en même temps que de nouvelles compétences leur seront transférées. Pour toutes ces raisons, je vous invite donc à adopter les conclusions de la commission mixte paritaire. Et je souhaite évidemment que le Sénat fasse de même dans quelques heures.