Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous abordons aujourd’hui la lecture probablement définitive du projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République. Ce texte a pour objectif de repenser et d’éclaircir le partage des compétences entre les différentes collectivités territoriales. L’idée directrice était de donner davantage de pouvoir aux régions.
À l’heure du bilan, force est de constater que cet objectif primordial d’avoir des régions fortes, légitimes et capables de promouvoir à la fois le développement économique et la justice territoriale s’est étiolé petit à petit au cours de l’étude des différents textes, et la dernière commission mixte paritaire a encore un peu plus édulcoré la volonté régionaliste de la loi. Premier regret, donc : les différentes lectures ont eu raison de la volonté de donner une partie du pouvoir réglementaire aux régions.
Je rends ici hommage à l’habileté, au sens du devoir, à l’amabilité et à la compétence de notre rapporteur – pas seulement sur ce sujet, du reste ! Il a bien essayé de nous expliquer que les collectivités avaient déjà, inscrit dans la Constitution même, le pouvoir réglementaire dans les compétences qui sont les leurs. Vous conviendrez que, si la possibilité existe, la procédure, qui est complexe, rend cette faculté quelque peu hypothétique.
J’en veux pour preuve la petite modification sur les aires marines protégées proposée par la Corse. Elle a finalement été retirée devant une campagne médiatique injustifiée à mes yeux. Quand on sait qu’elle ne concernait que les aires marines protégées gérées par des collectivités locales et que celles-ci sont au nombre de trois en France métropolitaine, Corse comprise, il apparaît que nous aurions tout intérêt à donner à la Corse la possibilité de faire des lois de pays comme en Nouvelle-Calédonie. Le constat est accablant : la Corse, je le rappelle, a vu ses quarante-huit demandes d’adaptation locale se solder par deux refus réels et quarante-six absences de réponse de la part du Gouvernement. Certes, c’était un autre gouvernement !
Deuxième regret : l’abandon de l’idée du suffrage universel pour les intercommunalités. C’est à notre avis une erreur. Les intercommunalités sont les collectivités qui gèrent de plus en plus l’argent public dans le but de fournir des services à la population. Il paraît normal qu’au moins une partie des élus soit élue au suffrage universel avec un projet qui soit à l’échelle de l’intercommunalité. Nous y reviendrons certainement dans les années à venir.
Troisième regret : nous faisons la part trop belle aux métropoles en leur laissant la possibilité d’élaborer un schéma économique qui ne fait que prendre en compte le schéma prétendument prescriptif de la région. Force est de constater que ce schéma économique n’est pas prescriptif, au moins pour les métropoles. Je pense que c’est également une erreur et qu’il faudra y revenir. Les inimitiés tenaces entre certains dirigeants de métropole et de région, même quand ils sont du même parti, auraient dû nous inciter à la prudence. Cette prudence aurait été, à mon sens, d’imposer la compatibilité des deux schémas et d’obliger certains frères ennemis à s’entendre.
N’oublions pas que les régions sont aussi chargées de l’aménagement du territoire et que leur revient la lourde charge de réguler, de répartir les activités et les moyens de communication sur le territoire pour un aménagement équilibré. Comment pourront-elles le faire si les métropoles élaborent leur propre schéma ? Cela risque d’être préjudiciable à l’activité économique de régions entières.
Nous avons tout de même eu un lot de consolation avec l’amendement défendu par notre collègue Alain Rousset, qui permet aux régions d’investir dans l’immobilier d’entreprise. Cette possibilité est en effet importante, en particulier pour les territoires les plus ruraux.
Je regrette que, globalement, nous tournions le dos au modèle allemand, redistributeur, irriguant l’ensemble des territoires. En somme, nous tournons le dos au modèle fédéral, ce qui, vous en conviendrez, est bien dommage !
De cette façon, l’État qui sait si bien diviser reste un arbitre. Quand sortirons-nous de cette bonne vieille tradition ? Même si comparaison n’est pas raison, je fais souvent un parallèle avec le Royaume-Uni. Ce pays est devenu un État fédéral en 1999. Sachant qu’il a institué le droit de vote des femmes environ vingt-cinq ans avant nous, je pense que la France deviendra un État fédéral en 2025 ou 2030. Vous le voyez, je vis d’espoir !