Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous achevons, ce matin, l’examen du projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République, dernier volet de la réforme territoriale lancée en 2013.
Ce texte ne satisfait personne et, par conséquent, mécontente tout le monde.
C’est un véritable rendez-vous manqué pour l’avenir de nos collectivités territoriales : absence réelle d’objectifs et de ligne directrice, comme en témoignent vos différentes volte-face au sujet de la clause de compétence générale, projet de loi complexe qui soulève de vives inquiétudes de la part des élus locaux, expression d’une véritable défiance envers les élus régionaux, départementaux et surtout les maires, calendrier totalement inédit où, pour la première fois, les conseillers départementaux nouvellement élus ne connaissaient pas jusqu’à il y a quelques heures les compétences qui leur seraient dévolues et où les candidats aux futures élections régionales ne connaissent pas les moyens financiers qui leur seront propres pour mener cette réforme.
À ces incertitudes s’ajoutent la baisse drastique et brutale des dotations que vous imposez aux collectivités, l’impact croissant du Fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales, et l’annonce de la refonte de la DGF en 2016. Comment voulez-vous, mes chers collègues, que nos collectivités territoriales ne soient pas affaiblies par de telles décisions ? Comment voulez-vous que nos territoires s’inscrivent durablement dans une nouvelle dynamique ? Comment voulez-vous appliquer une pareille loi dans des délais aussi courts ? C’est totalement incompatible avec le bon fonctionnement des collectivités territoriales.
C’est une loi centralisatrice, il n’y a pas d’autre mot !
Enfin, c’est une loi, nous l’espérons, entachée d’inconstitutionnalité, du fait de la mise sous tutelle de l’échelon communal, départemental et intercommunal, avec les schémas régionaux prescriptifs, pour la première fois cosignés par le préfet de région. Et que dire de l’amendement honteux, qui vise personnellement Mme Kosciusko-Morizet, relatif à l’organisation des élections à Paris ?
Nous reconnaissons néanmoins quelques avancées, qu’il s’agisse de la suppression du Haut conseil des territoires ou de l’abandon de l’élection au suffrage universel direct des élus communautaires, même si au moins, cela a le mérite de la clarté, les élus, et l’ensemble des Français, savent désormais où la majorité actuelle veut en venir. Le caractère obligatoire du PLU intercommunal et la suppression de la minorité de blocage étaient également inacceptables.
Hormis ces trois avancées, le texte issu de la commission mixte paritaire n’est absolument pas satisfaisant. C’est d’ailleurs la première fois, depuis quelques années que je suis député, que je vois à 3 heures du matin, non pas une seconde délibération, qui est de droit, mais six secondes délibérations, pour revenir à la position du Gouvernement, battu à la fois par sa propre majorité et l’opposition.
Comment peut-on se satisfaire du relèvement du seuil, même abaissé à 15 000 habitants, pour les intercommunalités ? C’est inacceptable et inadapté aux territoires, même si je salue les dérogations accordées aux territoires de montagne et à ceux de faible densité.
Comment peut-on aussi se satisfaire d’avoir confié aux régions toute la chaîne de transports en dehors des agglomérations, notamment le transport scolaire alors que les collèges sont restés dans le domaine de compétence des départements ? Et le transport à la demande est placé dans la compétence des régions alors que sa gestion demande de la précision. Que feront les régions ? Elles imploreront les départements pour leur redéléguer l’organisation des transports à la demande et des transports scolaires. Voilà ce que vous appelez de la simplification !
Comment peut-on également se satisfaire du transfert forcé à l’intercommunalité des compétences en matière d’eau, d’assainissement, d’ordures ménagères et de gestion des milieux aquatiques et de prévention des inondations ?
Enfin, les zones touristiques, dans un pays qui est la première destination touristique au monde, constituent un point très sensible du débat. Comment a-t-on pu transférer de droit la compétence touristique, et notamment les offices du tourisme à l’échelon intercommunal ?
Outre l’effet considérable sur les stations de montagne mais aussi les stations balnéaires, imposer un tel transfert témoigne d’une méconnaissance totale des spécificités de l’offre touristique de montagne. Il pourrait ainsi s’avérer impossible de mettre en oeuvre une telle compétence dans certains territoires Je pense en particulier à La Clusaz ou au Grand Bornand, deux grandes stations qui appartiennent à la même intercommunalité et qui devront mettre en place un schéma de mutualisation.
Enfin, sur le plan constitutionnel, que dire de l’amendement honteux – il n’y a pas d’autre mot – dont l’objectif est d’évincer personnellement notre collègue Nathalie Kosciusko-Morizet du futur conseil métropolitain ? Seuls les conseillers de Paris, soit une petite fraction des conseillers d’arrondissement, pourront voter ! C’est un mode de scrutin inédit, qui n’existe ni dans la métropole de Lyon ni dans celle de Marseille, et qui ne relève pas du droit commun. Il aura pour conséquence absurde que dans certains arrondissements, notamment dans le Ier, le collège électoral ne comptera qu’une personne – avec une seule personne élus, avouez que c’est facile pour organiser les élections ! Les arrondissements ne sont pas des organes exécutifs ; l’organe délibérant de la commune de Paris est le Conseil de Paris. Les arrondissements n’apparaissent à aucun moment dans la loi. Nous espérons que ce dispositif sera déclaré inconstitutionnel.
Malgré les avancées obtenues, nous voterons contre ce texte. Nous sommes favorables à la libre administration des collectivités territoriales et voulons leur laisser les moyens financiers de fonctionner. Nous sommes favorables à une République décentralisée et voulons faire confiance aux élus locaux. Nous souhaitons que soient reconnues, à l’intérieur des lois de la République, la spécificité et la diversité de nos territoires – l’aménagement du territoire en somme.