Intervention de Sébastien Denaja

Séance en hémicycle du 15 juillet 2015 à 21h30
Consultation sur l'accession de la nouvelle-calédonie à la pleine souveraineté — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSébastien Denaja :

Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, chers collègues, nous sommes saisis aujourd’hui d’un texte qui, apparemment, ne marquera pas la législature de son empreinte. Pourtant, les apparences sont trompeuses car il est tout à la fois l’aboutissement d’un processus enclenché par l’accord de Nouméa et le commencement d’un autre, celui de la consultation sur l’accession de la Nouvelle-Calédonie à la pleine souveraineté. En dépit de son caractère technique, il constitue en quelque sorte la pierre angulaire d’un édifice politique et juridique dont l’accord de Nouméa a jeté les fondations et une telle pierre angulaire doit être posée au fil à plomb du consensus.

C’est la raison pour laquelle, comme l’ont rappelé Mme la ministre George Pau-Langevin et notre rapporteur René Dosière, le projet de loi organique soumis à notre approbation est le résultat d’une âpre disputatio et en tout cas de longues consultations. Toutes les parties prenantes au débat ont été consultées et écoutées. Elles l’ont été pendant douze heures lors du comité extraordinaire des signataires. Depuis la signature de l’Accord de Nouméa en 1998, et je tiens à rendre hommage au nom de mon groupe parlementaire au gouvernement de Lionel Jospin, Premier ministre à l’époque, un moment décisif était attendu. Il est survenu le 3 octobre 2014 lors du douzième comité des signataires de l’accord de Nouméa, lorsque le Gouvernement a pris l’engagement de proposer une loi organique spécifiquement consacrée à la consultation de la Nouvelle-Calédonie à propos de son accession à la pleine souveraineté.

Le douzième comité des signataires a permis d’échanger autour de quatre sujets majeurs pour la Nouvelle-Calédonie. Il a d’abord consisté en un travail de réflexion sur les trois thèmes qui seront l’objet même de la question soumise aux Néo-Calédoniens lorsqu’ils seront consultés sur leur avenir institutionnel : le transfert des compétences régaliennes, la transformation ou non de la citoyenneté en nationalité et le statut international de l’archipel. Le deuxième sujet était le corps électoral spécial pour la consultation et le troisième la définition du périmètre et des modalités des transferts de compétences en matière d’enseignement supérieur, de communication audiovisuelle et de règles relatives aux collectivités.

Enfin, le quatrième sujet a été abordé lors des travaux relatifs à la définition d’une « doctrine pays » en matière de nickel, à la gestion et la valorisation des ressources minières, à l’exportation du minerai brut et à la gouvernance du secteur. Dix ans plus tôt, en 1988, les accords de Matignon étaient signés sous la houlette du Premier ministre Michel Rocard. Je tiens à rendre hommage au nom du groupe socialiste, républicain et citoyen à ce grand homme d’État. D’ailleurs, ces accords sont toujours considérés en Nouvelle-Calédonie comme l’oeuvre majeure de sa vie politique. Ils donnaient déjà le signal du début des négociations sur une accession pacifique et apaisée à la souveraineté, d’abord partagée et peut-être un jour pleinement exercée si les Néo-Calédoniens en décident ainsi.

Ce long processus aboutit aujourd’hui à la présentation d’un texte qui témoigne d’une réelle volonté du Gouvernement de demeurer un acteur pleinement engagé mais entièrement impartial afin de favoriser le dialogue entre tous les partenaires locaux, indépendantistes ou non-indépendantistes, dans le respect de la parole donnée par l’État. Le présent texte a donc pour objectif de transcrire en droit des accords de nature essentiellement politique, même si certains d’entre eux ont été traduits dans notre droit, y compris notre droit constitutionnel, et met en oeuvre plus particulièrement le point 5 de l’accord de Nouméa relatif à la consultation des Néo-Calédoniens sur les modalités de constitution de la liste électorale spéciale. Il met également en oeuvre les dispositions du titre XIII de la Constitution.

Il s’agit donc pour l’État de tenir parole et de mettre en oeuvre les conditions d’une consultation incontestable et apaisée. Ainsi le texte, dont il faut rappeler qu’il a été voté à l’unanimité par la commission des lois de l’Assemblée nationale et qu’il l’a d’ores et déjà été en première lecture par nos collègues sénateurs, comporte plusieurs mesures afin que la future consultation et la décision qui en découlera ne puissent être remises en cause en raison d’incohérences ou d’inexactitudes procédurales. La consultation doit être inattaquable et la sincérité du scrutin ne doit pas être susceptible d’être dénoncée en raison des modalités mêmes de sa conception. Telle est la volonté de la majorité et du groupe socialiste, républicain et citoyen en particulier. Il ne s’agit pas de préjuger de la future réponse des Calédoniens mais bien de faire en sorte que cette réponse soit exprimée librement dans des conditions absolument irréprochables.

C’est la raison pour laquelle l’article 1er du texte modifie la loi organique du 19 mars 1999 afin d’améliorer le fonctionnement des commissions administratives spéciales chargées d’examiner les listes électorales et de renforcer leur impartialité. La présence d’une personnalité qualifiée en leur sein constitue un gage de sécurité. Quant aux modalités de consultation et de scrutin, le projet de loi répond à un vide juridique résultant de la censure du Conseil constitutionnel et inclut donc un cadre temporel. L’article 3 traite de la Constitution d’une commission consultative d’experts mise à la disposition de chaque commission administrative spéciale chargée d’établir et de réviser la liste électorale pour la consultation. Il s’agit d’apporter un éclairage juridique. Ainsi, les commissions spéciales pourront s’appuyer sur l’expertise d’une personne qualifiée en leur sein et sur une aide extérieure en cas de besoin.

En outre, deux nouvelles catégories d’électeurs pourront être inscrites d’office sur la liste spéciale, les électeurs inscrits sur la liste utilisée le 8 novembre 1998 à la suite de l’accord de Nouméa et ceux qui relèvent du statut civil coutumier. L’inscription des jeunes à leur majorité est par ailleurs confirmée. J’insiste particulièrement sur ce point car nous savons tous ici l’importance de l’investissement des jeunes générations dans la vie de la cité, en particulier dans le cadre d’une consultation qui décidera de leur avenir. Ainsi, plus de 80 % des électeurs potentiels n’auront aucune démarche personnelle à accomplir car il incombera à l’administration d’agir, dans la plus grande impartialité, cela va de soi.

Enfin, il est prévu que les listes pourront être dressées à partir des listes pour les élections du Congrès et provinciales, incluant une révision annuelle, confiée à l’Institut de la statistique et des études économiques de Nouvelle-Calédonie.

Ces dispositions ont pour but d’apporter un cadre clair, net et précis à la future consultation de la Nouvelle-Calédonie sur son avenir institutionnel.

Le comité des signataires de l’accord de Nouméa a été respecté et entendu. Nous ne pouvons que nous en réjouir, car nous sommes parvenus à un texte équilibré, constructif, résultat d’un esprit de concorde salutaire. Ce soir, c’est cet esprit que les députés du groupe socialiste, républicain et citoyen, au nom desquels je m’exprime, souhaitent voir souffler.

Le chemin que nous avons tous choisi d’emprunter depuis 1988, comme surent le faire Jacques Lafleur et Jean-Marie Tjibaou, c’est celui du respect et de l’harmonie. C’est celui de toutes celles et de tous ceux qui ont fait la Nouvelle-Calédonie, et qui la feront demain.

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