Intervention de Philippe Gosselin

Séance en hémicycle du 15 juillet 2015 à 21h30
Consultation sur l'accession de la nouvelle-calédonie à la pleine souveraineté — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPhilippe Gosselin :

Le processus de Nouméa touche aujourd’hui à son terme, et le référendum est de nouveau d’actualité. Le Congrès de la Nouvelle-Calédonie, élu le 11 mai 2014, est désormais en mesure de solliciter, à la majorité des trois cinquièmes de ses membres, l’organisation d’une consultation sur l’accession de la Nouvelle-Calédonie à la pleine souveraineté.

À chacune des trois consultations des électeurs prévues par l’accord de Nouméa, les électeurs auront à se prononcer sur l’accession de la Nouvelle-Calédonie à la pleine souveraineté, qui impliquerait le transfert des compétences régaliennes encore détenues par l’État français, la reconnaissance de sa personnalité juridique sur le plan international et la transformation de la citoyenneté calédonienne en nationalité. Toute réponse positive entraînerait l’indépendance de la Nouvelle-Calédonie.

À défaut d’une telle demande émanant du Congrès, il appartiendra à l’État d’organiser cette consultation à compter de mai 2018 et avant mai 2019, dans le cadre prévu à l’article 77 de la Constitution – un article dérogatoire à nos principes généraux.

La fixation des règles du jeu incombe au législateur organique, qui doit déterminer « les conditions et les délais dans lesquels les populations intéressées de la Nouvelle-Calédonie seront amenées à se prononcer sur l’accession à la pleine souveraineté ». Le Parlement y a consacré le titre IX de la loi organique du 19 mars 1999. Il s’agit, par le projet de loi organique qui nous est soumis, de le compléter ou de le modifier.

Ce projet de loi organique, adopté à la quasi-unanimité par le Sénat – seul le non-inscrit Jean-Louis Masson a voté contre –, comporte cinq articles. Et si certaines dispositions, à l’instar de l’article 2 qui prévoit explicitement la possibilité d’une troisième consultation, conformément au point 5 de l’accord de Nouméa, n’ont pas soulevé de discussion, d’autres ont provoqué de très vives réactions locales, contribuant à exacerber les antagonismes politiques.

Sans vouloir faire de mauvais procès, je crois que le texte a pris un mauvais départ. Ainsi, l’avis rendu par le Congrès de la Nouvelle-Calédonie le 26 mars 2015 sur le projet de loi organique est parlant : la majorité non-indépendantiste, en bloc, a émis un avis défavorable sur la quasi-totalité des articles du texte transmis tandis que, par des contributions minoritaires, les formations indépendantistes soutenaient l’adoption de la plupart d’entre eux.

Pourtant, le Gouvernement a ignoré l’avis majoritaire, et soumis à la délibération du Sénat un projet de loi organique qui, après un examen par le Conseil d’État et une délibération en conseil des ministres, reprenait l’essentiel de la version initiale.

C’était sans doute là l’erreur majeure. Il est significatif, à cet égard, que l’étude d’impact jointe au projet de loi organique n’ait fait état de l’avis rendu par le Congrès de la Nouvelle-Calédonie que pour indiquer qu’il avait bien été rendu…Mais laissons tout cela. Je ne cherche pas à polémiquer, mais simplement à rappeler que nous revenons, tous, de loin.

Les nombreuses réactions politiques, dont la manifestation organisée lors de la visite à Nouméa du président de l’Assemblée nationale, ont sans doute précipité la convocation d’une réunion exceptionnelle du comité des signataires le 5 juin, à Paris, sous la présidence du Premier ministre. Ce comité s’est tenu pendant une douzaine d’heures dans un cadre clos, où les choses n’étaient pas définitivement écrites, très loin s’en faut.

Au terme de négociations approfondies, les formations indépendantistes et non-indépendantistes ont pu renouer les fils du dialogue et trouver enfin, sur plusieurs points de désaccord, une solution de compromis.

Le texte issu du Sénat, amendé par le Gouvernement conformément aux solutions arrêtées lors du comité des signataires, reflète désormais le compromis trouvé. Le chemin a été long, mais la raison l’a emporté. Les quatre ajustements de fond opérés sur le texte initial répondent aux demandes faites par les partenaires calédoniens lors du comité.

La question essentielle concernait le corps électoral. Le point le plus sensible était celui de l’inscription d’office de certaines catégories d’électeurs sur la liste spéciale. Le texte initial prévoyait, et c’était sans doute le péché originel, l’inscription d’office sur la liste électorale spéciale de seulement deux catégories d’électeurs : les électeurs admis à participer à la consultation du 8 novembre 1998 approuvant l’accord de Nouméa et figurant ainsi sur la liste électorale spécialement dressée en 1998 ; les électeurs relevant du statut civil coutumier, inscrits à ce titre sur le fichier informatique établi par la Nouvelle-Calédonie à partir des registres de l’état civil coutumier.

Le Sénat, suite aux amendements gouvernementaux, a ajouté deux catégories d’électeurs inscrits d’office, en accord avec le comité des signataires : les électeurs nés après le 1er janvier 1989, qui ont fait l’objet d’une inscription d’office sur la liste électorale pour l’élection des membres du Congrès et des assemblées de province et dont l’un des parents a été admis à participer à la consultation du 8 novembre 1998 ; les natifs de la Nouvelle-Calédonie qui seraient inscrits sur les listes électorales spéciales des membres du Congrès et des assemblées des provinces, ce qui recouvre les natifs calédoniens ayant leurs centres d’intérêts matériels et moraux sur le territoire – une notion importante.

L’accord entre les parties justifie un soutien plein et entier au texte, mais aussi, disons-le sans aucune ambiguïté, une forme d’espoir dans l’avenir. Le groupe Les Républicains apportera bien évidemment son entier soutien à ce texte qui n’a fait l’objet d’aucune modification en commission des lois, et qui devrait être adopté conforme en séance publique. L’accord, tout l’accord, rien que l’accord !

D’aucuns diront que cela constitue, en quelque sorte, une sorte d’amputation des pouvoirs du Parlement. Mais un équilibre fragile a été trouvé, et il importe de le maintenir. Ainsi, le Parlement n’aura pas à rendre des arbitrages en faveur, ou en défaveur, d’une partie des Calédoniens, mais tout simplement à valider et à apporter une forme de consécration à l’accord conclu le 5 juin.

Réjouissons-nous de la victoire de la raison et de la bonne volonté, même si nous sommes encore loin du processus définitif ! La route est longue, les groupes de travail se sont régulièrement réunis, le comité des signataires aura encore à travailler, mais le résultat, ne nous y trompons pas, va bien au-delà des éléments techniques que, les uns et les autres, nous avons présentés.

Il s’agit de l’avenir de ce territoire. Vaille que vaille, le destin sera commun. Le présent est fait du passé, qui éclaire l’avenir. Assurément, aujourd’hui, une lueur est apparue : il nous appartient de l’entretenir et de la faire briller chaque jour davantage.

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