Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, la Nouvelle-Calédonie est à l’ordre du jour de notre assemblée avec un texte qui, sous l’apparente simplicité de la définition de modalités techniques d’inscription sur les listes électorales pour le référendum prévu en 2018, pose en réalité deux principes.
Le premier porte sur la méthode. Ce texte, adopté par le Sénat à l’unanimité, est directement issu des conclusions du comité des signataires. Ce fait est à signaler : le consensus local est un prélude au consensus national, comme cela a toujours été le cas dans les grandes heures de l’histoire calédonienne, notamment lors des accords de Matignon et de Nouméa.
Le second principe est l’ADN même de la Calédonie d’aujourd’hui. En prévoyant l’inscription automatique des Calédoniens nés en Calédonie, et inscrits sur les listes électorales provinciales, au même titre que celle des Calédoniens de statut civil coutumier, ce texte contribue à donner corps à la notion de citoyenneté calédonienne.
Oui, les hasards de l’histoire ont conduit, il y a plus de cent soixante ans, des peuples d’Europe, d’Asie ou d’Océanie à la rencontre d’un peuple autochtone vieux de 3 000 ans. Cette rencontre, malgré les heurts liés à l’histoire coloniale, a conduit à l’émergence du citoyen calédonien d’aujourd’hui : d’origine kanak, européenne, wallisienne, futunienne ou asiatique, il ne souhaite qu’une chose, participer à la construction du destin commun du pays.
Bien sûr, cette loi nous conduit aussi à nous interroger sur les responsabilités qui sont les nôtres, dans le cadre de la sortie de l’accord de Nouméa. Dans un peu moins de trois ans, au plus tard, un décret organisant la consultation sera publié au Journal officiel. Si, d’ici là, aucune avancée n’a été constatée, l’accord de Nouméa s’appliquera de manière pleine et entière : les Calédoniens devront décider de l’indépendance de la Nouvelle-Calédonie. S’ils répondent non, la même question leur sera reposée en 2020 et en 2022.
Nous avons là réunies les conditions d’une confrontation entre indépendantistes et non-indépendantistes inutile et stérile. Inutile, parce que la sensibilité majoritaire qui s’exprime en Nouvelle-Calédonie est non-indépendantiste, chaque élection en apportant nettement la confirmation. Stérile, parce que, quelle que soit la réponse à la question, aucune ligne du « jour d’après » la consultation n’est écrite, ni celle d’un État souverain, que certains appellent de leurs voeux, ni celle d’une Nouvelle-Calédonie au sein de la République, car l’accord de Nouméa prévoit qu’après un triple non à l’indépendance, il faudra que les partenaires « se réunissent pour examiner la situation ainsi créée ».
C’est pourquoi il nous faut franchir l’échéance démocratique de 2018 en prenant en compte trois principes simples.
Premier principe, le référendum auquel nous sommes appelés est bien une consultation d’accession à la pleine souveraineté, conformément à la Constitution de la République et aux résolutions de l’ONU. Il ne saurait être transformé en autre chose. Il s’inscrit dans le processus négocié de décolonisation de la Nouvelle-Calédonie engagé par la France.
Deuxième principe, le dialogue doit être préalable à cette consultation majeure. On ne peut attendre le triple désaveu d’une partie des Calédoniens, qui conduirait les uns à être prisonniers de leur victoire et les autres à être humiliés par leur défaite.
Troisième principe, cette consultation doit non pas dresser les Calédoniens les uns contre les autres, camp contre camp, mais leur permettre de franchir une nouvelle étape vers un destin commun, dans le respect des convictions de chacun. C’est en construisant ensemble une alternative politique partagée de sortie de l’accord que le verdict des urnes pourra être accepté par tous.
Je crois qu’autour de ces principes, les forces politiques calédoniennes, indépendantistes et non-indépendantistes, doivent pouvoir se rassembler. Certains insistent aujourd’hui sur la nécessité que ce référendum soit bien une consultation sur l’accession à la pleine souveraineté, d’autres mettent en avant le concept d’assemblée référendaire, destinée à associer tous les Calédoniens à la préparation du lendemain du scrutin, d’autres aspirent à un nouvel accord, pour éviter un référendum guillotine, d’autres, dont je fais partie, militent pour un référendum éclairé, qui définirait le contenu des deux solutions possibles pour l’avenir du pays.
Au-delà des querelles sémantiques ou des postures politiques, je crois sincèrement que nous pouvons nous retrouver ensemble pour tenter de définir les contours d’un nouvel accord organisant la consultation d’accès à la pleine souveraineté prévue, en en éclairant les issues, qu’il s’agisse d’une émancipation plus aboutie au sein de la République ou de l’émergence d’un État souverain, à des degrés divers, dont les liens avec la France auront été définis, et en essayant à chaque fois de privilégier ce qui nous rassemble, au-delà des avenirs possibles pour notre pays.
C’est ainsi que nous pourrons continuer à conjuguer nos deux rêves pour une même terre, dans l’espoir qu’un jour, il n’en fasse qu’un.
Je souhaite que le comité des signataires du 5 juin constitue le point de départ de ce dialogue fécond que nous devons aux Calédoniens, à la Nouvelle-Calédonie et à la France.