Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le projet de loi organique que nous examinons est le résultat d’un cheminement commencé lors du comité des signataires de l’accord de Nouméa du 3 octobre 2014.
Le chemin fut parfois hésitant, mais le résultat est, en définitive, à la hauteur des attentes des uns et des autres.
Il faut retenir, avant tout, le fait qu’un grand nombre de citoyens calédoniens se verront dispensés de toute formalité pour être inscrits sur la liste électorale spéciale pour la consultation.
Ces formalités ne sont pas inhabituelles ailleurs, mais, en Nouvelle-Calédonie, elles trouvaient une résonance particulière chez les non-indépendantistes. Comment peut-on avoir consacré la citoyenneté calédonienne en 1998 et demander aux citoyens calédoniens, aujourd’hui, d’apporter encore la preuve de ce qu’ils sont ? Comment accepter que les personnes de statut civil coutumier puissent être inscrites d’office et pas les autres ?
Satisfaire cette demande légitime a imposé un travail subtil d’écriture et d’analyse juridique, et je salue le Gouvernement pour le résultat auquel il parvient.
Une autre demande émergeait, elle, des indépendantistes. Ils se plaignaient des conditions de fonctionnement des commissions administratives spéciales chargées de réviser la liste électorale spéciale pour les élections provinciales, ce qui a donné lieu à un contentieux lourd, tendu, depuis deux ans.
Or ces mêmes commissions seront aussi chargées d’établir, puis de réviser la liste électorale spéciale pour la consultation, et l’on pouvait craindre, par contagion, une contestation de la régularité de la constitution des listes électorales spéciales.
Face à ces blocages, qui risquaient de menacer une paix civile toujours fragile, le Premier ministre a fort opportunément convoqué un comité des signataires extraordinaire. Il fallait, en effet, pour résoudre ces problèmes, que cette instance de régulation de l’accord de Nouméa tranche politiquement les difficultés ainsi posées. Ce comité, présidé par le Premier ministre Manuel Valls, s’est tenu le 5 juin dernier. Il a dépassé, par la qualité de ses conclusions, toutes les attentes. Je vous félicite, madame la ministre. Je ne reviendrai pas sur le détail de ses conclusions, puisque vous venez de le faire.
Ce qui est important, c’est que le dialogue politique ait, comme à chaque fois en Nouvelle-Calédonie, permis de dépasser les clivages. Il a permis à chaque sensibilité d’exposer ses inquiétudes, mais surtout il a été l’occasion pour chaque sensibilité d’admettre que les inquiétudes de l’autre n’étaient pas illégitimes et qu’elles devaient être reconnues.
Le texte que nous examinons transcrit fidèlement cet accord politique, mais il reste encore beaucoup à faire. Je ne parle pas des mesures techniques d’application : le travail est en cours et je crois qu’il aboutira. Il faut préparer la sortie de l’Accord de Nouméa, qui passera nécessairement par la consultation qu’il prévoit. Il faut une sortie par le haut. Organiser cette consultation ne sera, finalement, pas la chose la plus difficile à faire. Dans les années qui nous séparent de cette échéance, les Calédoniens auront à faire un travail d’explication, en quelque sorte, quand d’autres pourraient dire de persuasion ou de conviction, dans chacun des camps.
D’ores et déjà, qu’on le veuille ou pas, comme l’a dit un collègue, la France ignore qu’elle est en train de devenir un État fédéral. Je l’ai d’ailleurs dit ici à plusieurs reprises. D’ici à quelques longues années, nous devrons reconnaître ce fait-là, qui fortifiera, j’en suis convaincu, l’unité de la République. Le Gouvernement l’a bien compris et travaille pour faire avancer le sujet et pour rompre les habitudes et surmonter les préjugés. C’est en ce sens qu’une mission a été confiée à MM. Christnacht et Merle. Quelle Nouvelle-Calédonie veulent les Calédoniens ? C’est à eux de le dire, mais c’est aussi à l’État de leur dire clairement que, quoi qu’il advienne, il restera présent et les accompagnera.