Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, les occasions sont rares dans cet hémicycle de pouvoir évoquer l’avenir de la Nouvelle-Calédonie, et ce projet de loi le permet. Le texte repose sur un sujet majeur, celui de la définition du corps électoral pour l’accession à la pleine souveraineté. Il a fait l’objet d’un véritable consensus, lors du comité des signataires exceptionnel qui s’est tenu à Matignon le 5 juin dernier.
Est-ce à dire pour autant que la question du corps électoral est réglée ? La réponse est non ; car il y a bien, sur notre territoire de la République, différents corps électoraux et leur lot de restrictions, ce qui en fait sans doute l’une de ses spécificités. Sur le sujet précis du corps électoral pour les élections provinciales, les discussions se poursuivent à Nouméa entre les acteurs politiques locaux et l’État pour trouver un accord avant le prochain comité des signataires, qui se tiendra à Matignon en octobre prochain.
Ce projet de loi marque une avancée, celle de la clarification concernant le corps électoral de sortie de l’accord de Nouméa, mais il revêt surtout une importance symbolique en ce qu’il s’inscrit vingt-sept ans après les accords de Matignon et dix-sept ans après l’accord de Nouméa. Chacun sait combien la paix est fragile dans le monde et là-bas sans doute plus qu’ailleurs. Je rappelle que deux hommes que tout opposait, Jacques Lafleur et Jean-Marie Tjibaou, ont eu le courage de se tendre la main et, là même où le sang a coulé, nous avons su partager et avancer ensemble vers la construction d’une Nouvelle-Calédonie enfin réconciliée avec elle-même.
Si bien du chemin a été parcouru, celui de la formation des hommes, du rééquilibrage ou de l’apprentissage du vivre ensemble, il y a devant nous un autre chemin, plus escarpé, semé d’embûches et difficile à tout point de vue, qui concerne l’avenir. Mais quel avenir ? Là est tout l’enjeu pour la Nouvelle-Calédonie, et la responsabilité qui incombe aux uns comme aux autres est grande. Il s’agit de construire durablement un destin partagé qui repose sur des valeurs d’équité et de fraternité dans le respect de nos divergences.
La question de l’avenir est donc posée, sans qu’elle ait encore fait l’objet de véritables discussions. Elle est à juste titre dans toutes les têtes et le sujet de bien des inquiétudes. Sommes-nous prêts à accéder à la pleine souveraineté ? Sommes-nous prêts pour un référendum qui laisserait un vainqueur et un vaincu ? Sommes-nous prêts pour explorer ensemble des voies juridiques novatrices qui permettraient aux Calédoniens d’assumer leur autonomie, tout en restant dans la République ?
Aborder ces discussions pour bâtir la société calédonienne de demain implique avant tout de sortir d’une logique de revanche, de s’élever au-dessus des querelles partisanes et de s’extraire des petits calculs politiciens, pour mettre de côté ce qui divise, pour grandir, pour converger vers un même but, pour ne répondre qu’à une seule logique, celle de l’intérêt général, car il y va de l’avenir de nos enfants. Le temps joue la montre, et il est désormais compté, car 2018 c’est demain.
Si l’occasion m’a déjà été offerte de dire dans cet hémicycle que je souhaite de toutes mes forces pour la Nouvelle-Calédonie un destin partagé avec la France, j’ai aussi eu l’occasion de dire que si les outre-mer sont une richesse pour la France, la France est une vraie richesse pour nous. En effet, que ferions-nous sans elle ?
Mes chers collègues, vous l’avez compris, l’avenir de la Nouvelle-Calédonie est à un tournant décisif de son histoire. La responsabilité de la classe politique calédonienne, ainsi que celle de l’État, sont plus que jamais engagées. Je le dis, car l’État, qui souhaitait, il y a quelques temps, rester à équidistance, a un rôle majeur à jouer, comme vous l’avez rappelé, madame la ministre. Le groupe UDI votera ce texte, mais en conclusion, je forme le voeu que les valeurs d’humilité et de sagesse qui ont animé les hommes d’hier soient portées par les femmes et les hommes d’aujourd’hui, pour demain.