Intervention de George Pau-Langevin

Séance en hémicycle du 15 juillet 2015 à 21h30
Actualisation du droit des outre-mer — Présentation

George Pau-Langevin, ministre des outre-mer :

Madame la présidente, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le président de la délégation aux outre-mer, madame la rapporteure de la commission des lois, monsieur le rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, mesdames et messieurs les députés, ce projet de loi répond à de multiples préoccupations des territoires ultramarins.

Il permet d’accompagner les mutations opérées ces dernières années, d’une part, en complétant le droit pour étendre des dispositions jusqu’alors inopérantes ou absentes et, d’autre part, en mettant en oeuvre des outils d’action publique nouveaux et efficaces.

Ce texte constitue une réponse, en de nombreux points, aux besoins d’évolution de certains instruments d’intervention de l’État pour améliorer la qualité du service rendu ou l’efficacité de son action.

Ainsi, sans revenir sur l’ensemble des mesures qu’il contient, permettez-moi de mettre en avant quatre éléments principaux.

En premier lieu, le texte qui est aujourd’hui soumis à votre approbation poursuit l’action résolue du ministère des outre-mer et du Gouvernement pour une meilleure gestion foncière et pour soutenir la construction de logements, notamment à Mayotte et en Guyane.

Face aux défis considérables à relever dans ces deux départements et compte tenu de la situation extrêmement tendue en matière de gestion foncière et en matière d’aménagement, l’État a souhaité disposer d’un outil fort pour agir au quotidien.

C’est une réponse très concrète aux demandes exprimées localement, qui complétera les efforts budgétaires faits par mon ministère pour assurer la construction de logements sociaux.

Si la traduction d’une politique se perçoit avant tout dans les mesures budgétaires mises en oeuvre – dans ce domaine, il convient de noter l’effort soutenu déployé depuis 2012 malgré le contexte budgétaire tendu que nous connaissons –, elle se perçoit également par les outils d’action publique que l’on met en oeuvre.

Ainsi, en permettant à ces deux établissements publics le cumul de la compétence foncière et celle en matière d’aménagement, j’entends répondre efficacement et rapidement aux réalités locales – même si j’ai bien entendu les quelques réserves qui se sont exprimées, notamment en ce qui concerne la Guyane.

Ces deux établissements s’inscrivent dans la continuité du plan en faveur du logement que j’ai défendu et qui est soutenu par le ministère du logement ainsi que par la politique de la ville mais aussi par treize partenaires – financeurs, établissements publics de l’État, bailleurs sociaux, professionnels et associations – intervenant dans le champ de la construction de logements. Cette mobilisation sans précédent fixe l’objectif ambitieux de produire 10 000 logements sociaux par an, neufs ou réhabilités, dans ces territoires.

Comme je l’ai demandé aux préfets, ce plan en faveur du logement est en cours de déclinaison dans chacune des géographies, dans la concertation avec les acteurs locaux afin de coller au plus près aux besoins qui se font jour sur place s’agissant par exemple du vieillissement de la population aux Antilles, de la dynamique démographique à Mayotte et en Guyane, ou encore de la réhabilitation du parc social à La Réunion.

Sur ce point, il faut rappeler les mesures budgétaires grâce auxquelles plus de 10 % des crédits déployés par l’Agence nationale pour la rénovation urbaine, l’ANRU, et par l’Agence nationale pour l’habitat, l’ANAH, seront consacrés aux outre-mer.

De plus, ce projet de loi permet de compléter très utilement les dispositions de la loi relative à la lutte contre l’habitat indigne grâce à l’adoption de nombreux amendements au cours de l’examen du texte en commission.

Ce texte apporte également des réponses concrètes à des problématiques qui datent de plus de trois ans. Depuis 1996, bien du chemin a été fait pour résoudre la question des zones des cinquante pas géométriques. Je ne pouvais pas me satisfaire d’assurer une prolongation sèche de la durée de vie de ces agences. J’ai souhaité trouver, en concertation avec les collectivités territoriales concernées, un scénario de sortie, une stratégie pérenne pour le règlement de cette situation.

Loin de la simple actualisation du droit, nous avons su régler une difficulté épineuse qui concerne au quotidien nombre de nos concitoyens.

En deuxième lieu, ce projet de loi agit dans le domaine économique et social.

En matière de lutte contre la vie chère, j’ai souhaité que Saint-Martin et Saint-Barthélemy puissent disposer d’un observatoire des prix, des marges et des revenus et que le bouclier qualité-prix soit étendu à Saint-Martin pour tenir compte des spécificités de ce territoire. Les OPMR et le BPQ, prévus par la loi de régulation économique, sont deux dispositifs essentiels de la lutte contre la vie chère qui entrent dans leur troisième année d’existence et qui continuent à affirmer leur rôle essentiel dans la maîtrise des prix des produits de consommation courante.

Le bouclier qualité-prix est désormais installé dans les habitudes de consommation des territoires où il est déployé. La négociation rigoureuse conduite par les préfets a permis d’aboutir, en concertation avec l’ensemble des acteurs, à des listes de produits adaptées aux réalités de chaque territoire et à des progrès dans plusieurs domaines, telle la baisse moyenne des prix des produits du BQP de 12,61 %, ou encore le renforcement de la qualité nutritionnelle des produits alimentaires et de la part de la production locale dans la composition des BQP.

Le projet de loi propose également d’engager l’évolution du statut de l’Agence des outre-mer pour la mobilité, dite LADOM. D’entreprise publique, LADOM sera transformée en établissement public administratif, ce qui aura pour effet de la soumettre à des règles de comptabilité publique et des modalités de gestion plus strictes.

C’est une avancée notable car cette transformation sécurisera la structure et lui donnera un cadre juridique plus adapté à ses missions essentielles de service public en faveur de la jeunesse et des personnes en formation.

Ce changement de statut répond favorablement aux préconisations formulées dans de nombreux rapports, notamment celui de la Cour des comptes en juillet 2011, pour rendre la dépense publique plus efficiente.

J’entends les inquiétudes que peuvent avoir les personnels de cette agence, que je souhaite rassurer. Les conditions de leur basculement vers ce nouvel établissement public sont prises en compte dans ce projet de loi. Chacun disposera d’un droit d’option. Ils pourront soit changer de statut soit conserver leur contrat actuel.

Les représentants des personnels ont été associés aux travaux préalables à ce changement de statut : les échanges et informations se poursuivront bien sûr dans les prochaines semaines pour que cette évolution, bénéfique pour l’Agence, se fasse dans la plus grande sérénité.

Nombre d’amendements ayant été présentés à propos de LADOM – ce qui constitue une forme de reconnaissance du travail de l’Agence que j’apprécie particulièrement –, je précise que le changement de statut ne vise pas à transformer sa fonction et sa mission.

Nous devrons par conséquent regarder cela d’une façon assez attentive : il ne faut pas que la bonne opinion de LADOM partagée par nombre de parlementaires conduise à charger la barque au point de nous détourner des missions essentielles de cet établissement.

En troisième lieu, ce texte comporte des avancées notables dans le domaine de la fonction publique et en matière de droit du travail applicable à Mayotte.

En effet, dans certains territoires, notamment à Wallis-et-Futuna et en Polynésie française, le Gouvernement se devait d’adapter la législation en vigueur pour, soit permettre la mobilité au sein de la fonction publique communale – ce sera désormais possible pour les fonctionnaires territoriaux de la Polynésie française –, soit répondre favorablement aux situations locales des agents en leur permettant d’intégrer la fonction publique par l’intermédiaire du dispositif Sauvadet ou les concours internes.

Ces mesures s’inscrivent dans le droit-fil des engagements que le Gouvernement a pris il y a près d’un an. Elles sont donc très attendues par les agents des services publics de Wallis-et-Futuna – vous vous souvenez à ce propos du conflit assez important qui a eu lieu là-bas l’an dernier.

J’ai souhaité que la situation des agents contractuels des communes et des groupements de communes de Polynésie française puisse aussi être abordée dans ce texte.

Dans un délai de trois ans, ces agents pourront, soit intégrer la fonction publique de droit commun, soit, s’ils choisissent de rester dans le cadre contractuel actuel, voir leurs conditions de rémunérations progresser à l’expiration de ce délai.

De manière plus spécifique et compte tenu des besoins d’actualisation et des attentes locales, j’ai souhaité que certaines mesures relatives au code du travail puissent être rendues applicables immédiatement à Mayotte.

Ce sera notamment le cas pour ce qui concerne la législation relative aux titres restaurant ou, encore, pour ce qui est de l’encadrement des services à la personne dont ce territoire a tant besoin.

Je tiens à rappeler que, lorsque cela est juridiquement possible et économiquement soutenable pour les entreprises, conformément aux engagements pris par le Gouvernement dans le document stratégique « Mayotte 2025 » dont le Premier ministre a signé le protocole d’accord lors de son déplacement du mois de juin dernier, je suis plus que favorable à l’entrée en vigueur pleine et entière du code du travail à Mayotte.

Toutefois, bien souvent, le chantier de l’alignement des dispositions du code du travail à Mayotte nécessite une refonte en profondeur de nombreux textes. C’est pourquoi le Gouvernement sollicite le traitement de cette problématique par la voie des ordonnances.

J’entends les critiques qui me sont parfois adressées quant au recours élevé à ces dernières s’agissant de Mayotte mais, dans certains cas, compte tenu de la nécessité de mener un travail approfondi d’adaptation, cela me semble tout à fait indispensable.

Je tiens à souligner que le rattrapage est en cours et que le Gouvernement respecte pleinement les engagements qu’il a pris et le cap qu’il s’est fixé.

Enfin, quatrième point traité par ce projet de loi : la sécurisation des conditions de création des deux collectivités uniques de Guyane et de la Martinique.

En effet, certains points et certaines demandes ne se sont fait jour qu’après le texte de 2011. Ces questions demeuraient donc en suspens, à quelques encablures de la fusion de la région et du département. Nous devons donc lever les zones d’ombre qui subsistent, ce qui constitue une excellente chose pour sécuriser la situation actuelle.

J’ai donc souhaité que toutes les clarifications nécessaires puissent être apportées afin que ce basculement historique s’opère dans des conditions juridiques, financières et humaines optimales.

Les échanges constructifs que nous avons eus avec les collectivités concernées nous ont permis de combler les vides juridiques. Grâce à ces dispositions, l’État apporte donc toutes les garanties nécessaires pour que ce changement s’opère dans les meilleures conditions.

Mesdames et messieurs les députés, certains ont pu qualifier ce projet de loi de « fourre-tout ». Cependant, nous devons constater que, d’une part, il présente des mesures indispensables d’actualisation ou de modernisation du droit pour les outre-mer et qu’il améliorera donc le quotidien de nos concitoyens et que, d’autre part, il a permis une large expression de la parole parlementaire. À travers les nombreux amendements déposés, les parlementaires ont eu ainsi l’occasion de modifier ou de compléter le texte initial et de régler beaucoup de sujets en suspens. Je pense que ce sera encore le cas ce soir et lors des travaux à venir.

Je me félicite donc de la qualité de ce travail que nous effectuons ensemble, dans l’intérêt des populations d’outre-mer, et j’espère que, à cet égard, nous parviendrons à rédiger un texte encore plus remarquable.

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